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Dr. Lamine Keita, Economiste : « La liberté des prix au Mali est la règle, et le contrôle l’exception »
Publié le samedi 1 octobre 2022  |  Mali Tribune
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A l’occasion des festivités du 2 septembre 2022, le Dr. Lamine Keita s’est prêté à une interview sur la situation économique du Mali 62 ans après la déclaration de l’indépendance du pays, nous vous livrons ici quelques éléments de ses réflexions…



Libéralisme du marché, maitrise difficile des prix malgré les efforts du gouvernement !!

La liberté des prix au Mali est la règle, et le contrôle l’exception. La raison est simple car le prix est la base de la décision de l’investisseur, surtout privé. Il doit être suffisant pour couvrir les charges productives et autoriser un rendement susceptible d’entretenir l’investissement.

S’il est trop faible, des entreprises pénalisées seront exclues du marché et l’offre en pâtit et les prix pourraient encore s’élever davantage. D’où le retrait de l’Etat des décisions privées pour favoriser le développement en se confinant dans son rôle de régulation et d’arbitre. S’il est élevé, certains opérateurs sortis du marché pourraient y faire leur retour, accroissant ainsi l’offre et exerçant un effet stabilisateur sur les prix à la baisse.

Certes, ces derniers temps, ce schéma se trouve plongé dans une économie monde, affectée par la crise de la Covid-19 et des difficultés de l’Union monétaire européenne qui s’étendent à l’économie des pays utilisateurs du F CFA, simple substitut de l’euro :

avec la crise de la Covid-19 qui a révélé l’absence d’une politique monétaire digne de ce nom dans nos pays utilisateurs du F CFA ainsi que les pays de l’Union européenne en ont donné la preuve de même que les USA, qui ont supplée le manque de liquidité qui menaçait le bon déroulement des activités économiques en faisant marcher à plein régime la planche à billets. Pendant ce temps, les pays africains, notamment de la zone franc, devraient attendre le bon vouloir des pays européens en reportant au mieux les délais de remboursement auprès du FMI ou de la Banque mondiale ;

Avec la crise de l’euro qui souffre des dysfonctionnements internes à l’Union européenne mettant en cause une visibilité pour cette monnaie à plus ou moins brève échéance. Ainsi, depuis août-septembre 2022, cette monnaie se déprécie-t-elle sur les marchés, entrainant dans sa chute le F CFA avec ses conséquences sur l’endettement externe et l’inflation dans les pays du FCFA; en plus, le monde est victime des effets de la guerre de l’Ukraine avec : ses effets inflationnistes en Europe liés à la perturbation de la livraison du gaz et du pétrole russes, dont le paiement n’est plus automatique en euro ni en dollar, mais dans les monnaies russes ou non européennes, dont les cours se renforcent chaque jour davantage, tout en menaçant désormais de faire du dollar et de l’euro de simples monnaies volatiles ; la perturbation de la livraison des céréales et des engrais dans le monde.

L’économie des pays utilisateurs du F CFA connaît de grandes perturbations du fait du coût de leurs importations d’Europe et hors de l’Union européenne qui coûtent plus cher en leur offrant toutefois des opportunités pour leurs exportations.



Quelle amélioration peut-on apporter pour la performance économique du Mali ?

Pour parler de performance économique, il fait d’abord que l’économie existe. En effet, si on comprend que l’économie est en réalité le prolongement d’un ordre social, l’économie, étant entendue comme la liberté d’aller et de venir avec ses biens et de choisir de les vendre à qui on le veut et au prix librement consenti, n’aura pas de tout temps existé.

En effet, le naturel chez l’homme a été toujours de prendre par la force ce qui lui plaît de posséder et que ce naturel n’aura disparu qu’avec l’apparition de la violence légale qui va immanquablement s’exercer sur toute entité ayant utilisé la violence privée pour acquérir tout bien dans un espace de souveraineté.

La situation actuelle dans un nombre important de contrées au Mali, nous illustre éloquemment cette économie de « prendre par la force » quand on se réfère à ces hordes de brigands cachés sous plusieurs bannières et qui sévissent dans plusieurs régions du centre et du Nord tout en menaçant bien d’autres.

Cette situation du Mali nous rappelle que ce pays aura donc été victime de dysfonctionnements internes et de complots externes, qui ont trouvé leur jonction dans le démantèlement programmé de l’armée nationale, afin de permettre aux différents protagonistes d’atteindre pleinement leurs objectifs inavoués ; les uns voulant garder un pouvoir à l’abris des bruits de bottes, les autres ayant des visées colonialistes de division du pays, un projet dont l’avenir aura fini d’étaler en plein jour la triste réalité.

Ainsi nous comprenons mieux pourquoi cette destruction des équipements militaires et la déstabilisation de l’armée ont été poursuivies comme stratégie par les politiques d’incantation démocratique des années 1990, quand cette stratégie facilitait également la réalisation du projet colonialiste et raciste de la France d’annexer une partie de ce pays, qu’elle aura toujours considérée comme étant exclusivement nécessaire à la viabilité de son propre avenir économique.

Ainsi, la crise libyenne aidant, la France fera diriger sur le Mali, exsangue, des groupes de terroristes, déjà lourdement armés sur les stocks d’armes de la défunte armée libyenne, qu’elle va entretenir, financer et conseiller pour venir s’établir sur une terre qui leur est promise sur le patrimoine des maliens héritiers de grands empires.

Une telle forfaiture n’aurait jamais été possible sans la complicité interne des usurpateurs locaux de pouvoirs démocratiques. C’est qu’il a fallu attendre l’heure du sursaut national et l’arrivée aux affaires de vrais patriotes dignes de respect, qui ont pris l’initiative de faire renaître ce pays d’une crise multiforme, interne et externe, touchant tous les aspects de la vie politique, administrative, économique et sociale, et tout cela dans le contexte de la crise sanitaire inédite, qui reste encore latente, et d’une guerre voulue et imposée par la France.

Il nous apparait donc que cette renaissance du Mali en 2022 s’effectue dans la douleur, qu’il faudrait supporter encore longtemps, plus que lors de la naissance du Mali il y a 62 ans.

De plus, cette douloureuse renaissance s’effectue, pratiquement, avec la présence autour du Mali des mêmes acteurs qu’en 1960, qui, non seulement, n’auront pas changé dans leurs objectifs initiaux qui se présenteraient d’ailleurs aujourd’hui avec encore plus d’affirmation et de détermination qu’il y a 62 ans.

Ainsi, au titre de ces acteurs, la Russie, comme à l’indépendance du pays en 1960, retrouve sa place originelle de partenaire stratégique fiable du Mali, avec le même objectif, celui d’assister le Mali, selon les intérêts bien compris des parties en présence.

Ensuite, on retrouve la France, qui, certes, en 1960, n’aura pas imaginé s’opposer à une ouverture quelconque vers la Russie largement présente au Mali, alors qu’aujourd’hui, elle aura fait du partenariat du Mali avec la Russie un bras de fer en présentant ce partenariat comme une immixtion dans son pré carré.

Une telle volonté de la France prouve suffisamment que de 1960 et 2022, la France aura nourri l’orgueil d’une réaffirmation très forte de ses propres convictions colonialistes et racistes envers le Mali, ce que les autorités maliennes ont surement encouragées mais que les maliens auront négligé de considérer à leur juste valeur, une négligence alors coupable.

Dans le même ordre d’idée, comme en 1960 avec l’éclatement de la Fédération du Mali du fait de la même France, le Mali fera face, tout seul, au silence assourdissant du groupe des mêmes pays africains francophones, un groupe qui s’est aujourd’hui élargi à d’autres pays non francophones de la Cedeao avec la manifestation d’une hostilité ouverte et forte de la part de certains d’entre eux, à travers un embargo aussi injuste qu’injustifié, décrété en toute illégalité contre le Mali et dénoncé par ailleurs par la Cour de justice de l’Uemoa.

Cette situation nous interpelle en montrant le risque que constitue, pour ces organisations régionales, la mise en place d’instances régionales, qui, incapables de prendre en charge le financement propre de leur fonctionnement, se trouveront transformées en un instrument de manipulation aux mains de bailleurs étrangers et détournées de leurs missions de développement, d’entraide et de solidarité.

Contrairement à 1960, le Mali, en 2022, fait face à une hostilité de la part de la totalité des pays de l’Union européenne ayant choisi, dans un premier temps du moins, de faire bloc derrière la France, quand en 1960, cette unanimité était loin de toute imagination, les séquelles des guerres entre frères ennemis étant encore fraiches.

Donc, les défis à relever en 2022 se trouvent artificiellement accrus pour le Mali, qui, cependant, semble historiquement souffler dans la même direction que la Guinée, avec le bénéfice d’un regard attentif et bienveillant de l’Algérie et de la Mauritanie, pendant que le Burkina-Faso, doute et redoute un rapprochement avec le Mali, partagé encore qu’il est dans son choix d’attendre des ordres de Paris.

Il en résulte, aujourd’hui, comme hier, que le Mali fait face à un défi pour le choix de partenaires stratégiques, qui soient respectueux des intérêts des parties prenantes. Cette fois-ci, le Mali ne devrait point se tromper sur le choix de ces partenaires, afin d’assurer dans la durée des choix stratégiques pertinents garantissant le respect des intérêts bien compris par chacun des partenaires.

De plus, se révèle à l’opinion nationale et internationale, la nécessité de disposer d’une armée performante de premier choix, ainsi que des ressources humaines de qualité suffisante sans oublier les moyens adéquats de financement de ses choix prioritaires en matière de développement.

Aujourd’hui, nous comprenons, à la différence d’avec 1960, tous les risques liés à l’abondance des ressources minières stratégiques qui font l’objet de toutes sortes de convoitise belliqueuse et dont regorge le Mali, quand en 1960, le pays semblait plutôt confronté à une agriculture peu rentable et budgétivore et sans source de financement établi.

Il s’agit donc d’une opportunité pour le Mali de savoir tirer profit de ces potentialités généreuses et d’amorcer une véritable politique de développement centrée sur l’usage pertinent de ses nombreuses ressources minières stratégiques.



Le Mali-Kura ou le Mali refondé avec quelle économie ?

Le Mali-Kura, le Mali Refondé ? L’idée de Mali-Kura laisse entrevoir le changement nouveau à introduire comme une innovation. Cependant, en matière d’expérience humaine, seul le changement est en réalité la constance. Souvent on ne trouve pas, parce qu’on cherche trop loin. En réalité, le Mali sera toujours le Mali hérité de nos ancêtres et où il faisait bon vivre : Un Mali, pluriel, riche de sa diversité culturelle, et qui signifie richesse en Arabe, un Mali, dont l’un des empereurs reste à ce jour classé comme étant l’homme le plus riche de tous les temps, du moyen-âge à nos jours ; un Mali ayant abrité la plus grande université du Monde, un Mali opulent qui aura dominé le commerce international sur une longue partie du temps, jusqu’à l’invasion par les troupes hispano-marocaines ; un Mali qui avait un système monétaire performant, avec à l’intérieur le cauris qui était une monnaie à usage interne, parfaitement fonctionnel sans aucun besoin d’une quelconque garantie externe, quand l’or, à l’international, servait de moyen de paiement international.

Un tel système à présent trouve toute sa splendeur pour quelqu’un qui sait apprendre de l’histoire, en permettant de réaliser pour le Mali, le meilleur rêve qui pourrait être le sien aujourd’hui.

Ainsi, loin d’être le signe d’un archaïsme monétaire, l’exemple du cauris montre tout simplement le caractère relatif de ce que constitue la valeur des biens dans une collectivité donnée et dans le reste de la société humaine.

Pour le comprendre, tentez de payer en Amérique le taxi par l’euro et à la réplique ne tardera pas à vous parvenir. On vous jettera votre argent euro par terre en criant, qu’est-ce que cela : Give me money, give me dollar !! Donnez-moi l’argent, donnez-moi le dollar !!!

A y réfléchir de près, le Mali-Kura a sa solution écrite en lettre d’or dans le Mali hérité de nos ancêtres. En cherchant trop loin, on finit par s’égarer. Retournons donc à la maison et soyons attentifs.

Ainsi, ce Mali-Kura devrait pouvoir : Prôner une politique de réconciliation nationale et activer la volonté du vivre ensemble et ramener la paix sur l’ensemble du pays. Assurer une participation citoyenne tant au niveau local et national à toutes les étapes intermédiaires de la conception et la mise en œuvre des politiques de développement ; Activer les politiques de décentralisation dans leur volet de développement local en complémentarité avec les différents niveaux régional et national ; Dégager une véritable stratégie d’industrialisation prenant en compte les liaisons entre les développements industriel et agricole ; Dégager une stratégie de financement fondée sur l’usage des ressources minières stratégiques faisant place aux investisseurs privés locaux et externes et cela en soutien à la stratégie d’industrialisation et agricole.



Quels avantages voyez-vous en ce qui concerne l’Economie basée sur l’agriculture ?

Envisager le développement industriel en complémentarité avec le développement de l’agriculture en limitant l’exportation des produits bruts avant transformation ; Envisager un apport de valeur à toute activité primaire, de production ou d’extraction, en interdisant l’exportation des produits buts.



Qu’est-ce qu’il faut booster à ce niveau ?

Il faut booster au plan conceptuel : en évitant des réalisations industrielles au gré des financements acquis non fondées sur une conception rationnelle établie en matière de développement économique et social ; en fondant l’industrialisation tirant avantage de l’abondance relative des facteurs de production.



Dr. Lamine Keita

(économiste à la retraire)
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