D’où vient le pouvoir ? Et où va-t-il ? Bertolt Brecht (auteur dramatique Allemand) posait cette question dérangeante. Malheureusement, tous ceux qui ont des ambitions personnelles trop poussées et qui, malgré leur bonne foi, sont trahis par leur propre aveuglement. La bagarre pour le partage du pouvoir a commencé. Si mes souvenirs sont exacts, ce partage n’est pas engagé entre les pouvoirs juridique, législatif et exécutif, mais plutôt entre coteries et que, pour multiplier leur chance d’avoir une part, même minime du gâteau, certains ont créé des partis qui n’ont de réalité que le sigle et la devise.
«Que Dieu sauve le Mali», déclarait le lieutenant- colonel Amadou Toumani Touré (ATT), à la fin de la Conférence nationale, en août 1991, parce que les ressources humaines sont ignobles. L’État continuera à jouer les pompiers. Et quand on sait qu’on a désétatisé l’État de tous ses biens. Cela a été possible par une gestion calamiteuse du pays par des cadres véreux et prédateurs. Tant que l’audit de ces trente (30) dernières années de gestion des démocrates n’est pas dressé, on n’ira nulle part.
Aujourd’hui, le Mali traverse une grave crise politique et sociale. Le décalage est immense entre les gouvernants et gouvernés. Quels sont les changements intervenus de 2020 à 2022 ? Ce sont les dirigeants qui ont changé. Des vieux dirigeants, des vieux partis ont été déposés par les jeunes militaires regroupés au sein du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) en 2020. Ces jeunes militaires dont la plupart seraient des progénitures des cadres qui ont dirigé le Mali durant ces trente dernières années, n’ont pratiquement rien changé dans le mode de nominations au poste à responsabilité dans l’administration publique. Ce qui défraie la chronique, c’est le retour en force de certains dinosaures.
Des cadres des partis politiques qui ont mis le pays à genoux se retrouvent dans les sphères de l’État. Pour quelle raison ? Pourquoi faire? Alors que la transition a dit Mali Koura ? Lorsqu’on observe les institutions de la République, c’est la mort dans l’âme. Elles sont composées d’anciens ministres, d’anciens retraités, d’anciens militaires, d’anciens hauts fonctionnaires de l’État, qui ont une grande part de responsabilité dans la déliquescence et qui continuent malheureusement à se servir de l’État. Où est donc le Mali Koura ? Et au même moment, l’ancien CNSP ?, ou Assimi Goïta, une force tranquille montante ? Mais continue de s’imposer. Les forages offerts aux différentes localités sont un dispositif de contrôle et d’encadrement des populations. La transition est vantée et relayée par des groupes de pression solidement implantés. Déjà, des voix s’élèvent pour obliger le président de la transition à se présenter comme candidat.
Pour ces thuriféraires, des petits partis politiques, associations et mouvements qui ont vu le jour sous les étoiles du président de la transition soutiennent mordicus le colonel Assimi ou rien.
Dans ce contexte de marasme politique, la junte veut se poser en pilier unique pour ratisser large. La situation du Mali est difficile et complexe à tous les niveaux. Surtout sur le plan de la justice et de l’économie solidaire et le reste ne peut que suivre. L’argent de l’État et l’argent du président sont largement confondus et la plupart de nos présidents ont le comportement de nos grands commerçants qui empochent l’argent de leur business sans tenir aucune comptabilité, et le dépensent sans prendre de reçu. (On ne demande pas de reçu à un djéli).
La précarité des régimes pousse les dirigeants à accumuler le plus vite possible, et par tous les moyens, une fortune qu’ils s’empressent de mettre en sureté dans des caveaux familiaux. L’absence de tout sentiment patriotique fait que nos dirigeants se fichent de la misère de leur peuple. La pauvreté au Mali est indicible. Tout coûte cher, parce que notre pays ne possède aucune industrie. Tout a été liquidé pour mauvaise gestion due au comportement apatride des cadres véreux. Nous avons un budget d’État programme et nous sommes un pays de consommations. Le Mali va bientôt importer la viande. Tout notre bétail aurait été volé par les groupes armés en direction des pays voisins.
La vie économique de notre pays est ponctuée de détournements de fonds publics auquel la lumière est rarement faite. À l’époque coloniale, le Soudan était considéré comme le grenier à vivres de la Fédération d’Afrique occidentale française (AOF). D’autre part, lors de l’éphémère intermède de la Fédération du Mali, le Soudan apparaissait comme le complément idéal d’un Sénégal essentiellement exportateur d’arachides et de produits manufacturés auquel il apportait, pour sa part, ses excédents en céréales et en hommes.
Indépendant, le Mali a pris son destin en main à travers un homme et son parti: Modibo Keïta. 1968, date du premier coup d’État, depuis ce jour- là, le pays se cherche. Avec la médiocre gestion des sociétés d’État du régime socialiste de Modibo Keïta, les dilapidations, malversations et prévarications des putschistes de novembre 1968 et les terribles conséquences de l’ajustement structurel (PAS) qui a liquidé toutes les sociétés et entreprises d’État, le pays va mal.
Ajoutés aujourd’hui à ceux-ci les détournements de fonds de deniers publics qui continuent bel et bien sous la transition sans aucune possibilité de sanction. Notre pays se cherche lamentablement sans trouver une voie de sortie de crise. Il faut des hommes de qualité pour sauver le navire. Le mal du Mali s’appelle les ressources humaines. Son virus, la corruption. Nous sommes un pays de putsch. Le pays est à son cinquième coup d’État (1968, 1991, 2012, 2020 et 2021).
Il ne faut pas que l’arbre cache la forêt, dit, le Sage Soungalo Samaké, dans son livre intitulé: «Ma vie de soldat» que sa vie de soldat est toujours d’actualité: «Nous avons enlevé Modibo, nous avons fait pire que lui». Eh oui ! Le Comité militaire de libération nationale (CMLN) a fait pire. Une chose reste sûre et certaine au Mali : tous ceux qui ont trahi le peuple malien, où détournés les fonds de l’État à leur profit ont vu leur famille détruite ou ont payé dans des frais médicaux.
Et si on commençait à préparer les futures élections ? Cherche désespérément un homme (politicien) honnête!
Le quotidien national L’Essor aurait pu passer une petite annonce ainsi intitulée : Qui pour gérer le Mali ? Quel doit être le profil du candidat ? Entre un voleur et un magnanime où va le cœur des Maliens ? Il s’est engagé à offrir des forages à tous ceux qui sont dans le besoin. Il a prouvé en dotant plusieurs écoles et villages de forages par ses émoluments présidentiels. Un soldat qui n’aurait donc «ni volé; ni fraudé; ni abusé de son autorité ou accepté des pots-de-vin». Que les Maliens sauvent le Mali !
Amy SANOGO