Tout comme la religion, le sport a aussi ses inconditionnels qui ne veulent abandonner les matchs de football pour rien au monde. Ainsi, un bras de fer entre religieux et supporters a été évité de justesse le weekend dernier autour du stade du 26 mars. Il y a d’un côté la célébration du Maouloud, date anniversaire de la naissance du Prophète Mohamed (paix et salut sur lui), un rendez-vous devenu un casse-tête pour la communauté Ansardine, dirigée par Chérif Ousmane Madani Haïdara.
De l’autre côté, il y a les compétitions sportives. Les deux évènements ayant lieu au même endroit à la même date, un compromis a été trouvé de justesse. Il y a des leçons à tirer de la coïncidence entre les deux évènements dont les adeptes sont les plus nombreux au Mali. La première leçon, c’est pour Haïdara et ses fidèles, mais aussi pour les autorités qui doivent contribuer à la bonne organisation des évènements nationaux. Depuis plus de 10 ans, les difficultés liées à l’organisation du plus grand rassemblement de Ansardine se révèlent année après année. Le nombre croissant des fidèles contraste avec les dispositions prises par les organisateurs qui sont obligés de travailler en urgence.
Cette année, il a fallu l’ingéniosité des autorités pour trouver un compromis afin que le prêche organisé par Chérif Ousmane Madani Haïdara et les deux matchs se tiennent au même stade. Les religieux ont attendu jusqu’au jeudi passé pour être situés sur la disponibilité du stade. La Confédération africaine de football(CAF) a refusé le report des matchs de la CAF en brandissant la menace de sanctions contre les équipes maliennes, à savoir le Djoliba et le Réal malien.
Selon des sources crédibles, c’est le ministre de la Jeunesse et des Sports, Mossa Ag Attaher, qui a tout mélangé. Des émissaires d’Ansardine étaient allés le voir si le stade du 26 mars pouvait être disponible pour le prêche à l’occasion de la veillée du Maouloud. Les émissaires avaient eu vent de la tenue des matchs qui coïncident avec la célébration du Maouloud. Mais le ministre a confirmé aux émissaires que le stade serait disponible pour les religieux en lieu et place des matchs.
Le même ministre avait ensuite demandé à la CAF de reporter les matchs en question. Coup de théâtre, l’organisation panafricaine de football a refusé. Finalement, un compromis a été trouvé à la dernière minute. Après le match, les organisateurs du prêche vont installer leurs matériels de sonorisation et autres au stade. Et le lendemain matin, ils vont libérer le terrain pour que les techniciens du ministère des Sport préparent les lieux pour le match suivant de la CAF.
La leçon que l’on tire de cette situation est qu’il est temps qu’Ansardine trouve un autre endroit pour l’organisation de la célébration du Maouloud. Les stades sont faits pour les rencontres sportives. Par ailleurs, la taille de la communauté des fidèles est devenue trop grande pour les stades. On se souvient que le même problème a fait que le stade omnisports Modibo Keïta a été abandonné après une bousculade qui a fait une trentaine de morts en 2009, lors du Maouloud.
De Bamako à Tombouctou
Les autorités aussi doivent être prévenantes, puisque le Maouloud est une fête nationale ancrée dans les mœurs depuis des siècles dans certaines parties du Mali. A Tombouctou par exemple, avant le Maouloud 2022, on se préparait à un évènement grandiose. La ville de Tombouctou s’est préparée avec beaucoup de soin à donner un éclat particulier à l’édition de cette année. Dans la cité des 333 saints, la célébration a été placée sous la haute présidence de Dr Mahamadou Koné, ministre des Affaires religieuses et du Culte. Mieux, une dizaine de ministres du gouvernement de la transition est attendue.
La Commission d’organisation a prévu la participation des citoyens maliens et des étrangers qui vivent dans la région. Tombouctou renoue ainsi avec une partie de son passé de capitale islamique avec ses grands savants, ses mosquées aujourd’hui classées patrimoines mondiaux de l’humanité, ses érudits et ses saints. Selon l’ancien ministre Maouloud Ben Kattra, ressortissant de la ville, il s’agit d’une renaissance de la ville du savoir « avec ses manuscrits, ses bibliothèques » connus à travers l’histoire. Ouverte aux chercheurs, Tombouctou doit être la destination de tous les Maliens pour la célébration du Maouloud.
Le Maouloud est plus la grande fête de la cité des 333 saints depuis des siècles. Ces vingt dernières années, on a assisté à des éditions spectaculaires. Ainsi, on se souvient du passage de l’ancien guide libyen MouammarKadhafi dans la cité lors des célébrations grandioses du Maouloud. De nos jours, le vivre ensemble est désormais menacé à Tombouctou, à en croire Ben Kattra. Il fait notamment référence au constat que dans cette ville très métissée par excellence, « il y a des marches exclusives organisées par des communautés », et que l’autorité des chefs religieux et traditionnels est de plus en plus contestée, sans oublier que celle de l’Etat ne s’en porte pas mieux non plus.
Dans le cadre du Maouloud 2022, le 13 octobre 2022 dans la ville des 333 Saints, un colloque national sera organisé avec comme thème : paix, sécurité et développement, sous la présidence de Ahmed Mohamed Ag Hamani, ancien Premier ministre. Ensuite, un appel intitulé « l’Appel de Tombouctou pour la paix, la réconciliation et le vivre ensemble au Mali » sera publié et remis aux autorités.