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Mali : le colonel-major Ismaël Wagué, un putschiste sur la sellette ?
Publié le vendredi 28 octobre 2022  |  Jeune Afrique
Conférence
© aBamako.com par MS
Conférence débat sur la Semaine Nationale de la réconciliation
Bamako, le 16 septembre 2022 le ministre Ismaël Wague a ouvert les débats sur la semaine nationale de la réconciliation à l`université
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Issu de l’armée de l’air, celui qui fut le porte-parole des putschistes, parmi lesquels Assimi Goïta, est aussi le ministre de la Réconciliation. Un rôle pour lequel il est vivement contesté.

Le jour ne s’est pas encore levé sur Bamako. En cette nuit du 18 au 19 août 2020, les bruits de botte et le ballet de blindés se sont lentement dissipés. Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) vient d’être contraint à lire publiquement sa démission, et les Maliens s’apprêtent à découvrir les nouveaux hommes forts du pays.

Sur les ondes de l’Office de radiodiffusion télévision du Mali (ORTM), la télévision publique, le quarteron de colonels qui a signé la chute d’IBK s’adresse pour la première fois au peuple malien. Cinq hommes, quatre lettres : le CNSP. Face caméra, assis en ligne derrière une table en bois, les officiers du Comité national pour le salut du peuple affichent des mines impassibles. Au centre, béret bleu vissé sur la tête, le plus gradé d’entre eux prend la parole.

Chef d’état-major adjoint de l’armée de l’air depuis le mois de mars 2019, le colonel-major Ismaël Wagué a été désigné porte-parole de la junte. Il justifie le coup de force par « la gestion familiale des affaires de l’État » et la « gabegie » qui ont « fini de tuer toute opportunité de développement » pour le Mali. « Afin d’éviter au pays de sombrer, nous, forces patriotiques regroupées au sein du CNSP, avons décidé de prendre nos responsabilités devant le peuple et devant l’histoire », conclut l’officier, âgé de quarante-cinq ans à l’époque.

Formé en Chine et au Maroc
Parmi les quatre autres colonels, qui se sont côtoyés au cours de leur formation, du Prytanée militaire de Kati à l’École militaire interarmes (Emia), le ministre de la Réconciliation, de la Paix et de la Cohésion nationale fait office d’outsider. De ses liens avec les autres putschistes, l’on ne sait presque rien. Il faut dire qu’avant d’intégrer l’armée de l’air en 2007, le jeune pilote de chasse a enchaîné les formations à l’étranger, de l’école royale de l’air au Maroc à l’école de guerre de Chine, en passant par le Nigéria.

Une formation, doublée d’une aisance orale, « qui a offert à la junte un visage intelligible et un peu plus rassurant pour la communauté internationale lors du putsch », estime un analyste politique spécialiste du Mali. S’il est celui « qui pèse le moins » politiquement parmi les putschistes, ajoute notre interlocuteur, Wagué est associé très tôt au projet de coup d’État, assure un homme politique malien qui connaît bien les compagnons d’armes du colonel-major.

Aux côtés d’Assimi Goïta (forces spéciales), de Malick Diaw (officier d’artillerie), de Sadio Camara et de Modibo Koné (garde nationale), Ismaël Wagué « a permis aux colonels d’afficher une vitrine assez complète des corps militaires, associant l’armée de l’air au renversement d’IBK », explique un analyste sécuritaire qui a requis l’anonymat.

Une composante qui a permis d’asseoir, au moins en façade, l’unité de l’armée derrière le putsch et de minimiser les risques de contestation. « Théoriquement, l’armée de l’air compte les officiers les plus diplômés et les plus formés. Au Mali, ses moyens ont été largement démantelés à partir des années 1990. Avec peu d’avions et beaucoup de temps, l’armée de l’air est devenue très politique. Les putschistes savaient que sans eux, il aurait été plus difficile de passer à l’action », ajoute notre source.

Des ministres dans la famille
Si elle n’a pas été contestée – du moins publiquement – au sein de l’armée, la participation d’Ismaël Wagué au coup d’État a créé quelques remous du côté de sa propre famille. Et pour cause, cette dernière compte parmi ses membres plusieurs politiciens madrés. Selon nos informations, le gradé est le fils de Mamadou Wagué, qui fut ministre des Sociétés et des entreprises d’État sous Moussa Traoré, et d’Assou N’diaye, présidente de la commission d’arbitrage et de conciliation du Rassemblement pour le Mali (RPM), parti de feu Ibrahim Boubacar Keïta.

La sœur de cette celle-ci est Keïta Rokiatou N’Diaye, géographe et femme politique malienne, membre fondatrice du RPM et ministre de la Santé entre 2002 et 2004 sous la présidence d’Amadou Toumani Touré (ATT). Quant à l’oncle d’Ismaël, Issa N’Diaye, il fut ministre de l’Éducation nationale dans les années 1990.

LES RELATIONS ENTRE LES ANCIENS GROUPES REBELLES SIGNATAIRES DE L’ACCORD D’ALGER ET LES AUTORITÉS DE BAMAKO N’ONT CESSÉ SE TENDRE

Une généalogie qui laisse penser que l’officier était bien préparé à ses récentes fonctions ministérielles. Il n’empêche que, parmi ses interlocuteurs, le cas Wagué fait presque l’unanimité tant celui-ci est contesté. À commencer du côté des mouvements signataires de l’accord d’Alger. Depuis qu’il a hérité du portefeuille de la Réconciliation, les relations entre les anciens groupes rebelles signataires et les autorités de Bamako n’ont cessé se tendre.

Tout semblait pourtant bien parti avec l’entrée de membres des anciens mouvements rebelles dans la première équipe gouvernementale transitoire, à l’instar du ministre de la Jeunesse et des Sports, Mossa Ag Attaher, qui fut la voix du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) puis celle de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA).


Mais après le second putsch mené par Assimi Goïta et ses hommes au mois de mai 2021, les relations se sont dégradées. La tenue du comité de suivi de l’accord (CSA) a été bloquée pendant plusieurs mois et un dialogue de sourds s’est installé entre Wagué et les groupes armés signataires de l’accord d’Alger.

Propos outranciers et collaborateurs peu fiables
Malgré les diverses affectations du gradé à Sénou dans le sud du pays, à Sévaré dans le Centre, ou à Gao dans le septentrion malien, Ismaël Wagué n’est pas considéré comme un « fin connaisseur des problématiques du Nord », selon les mots d’un ancien leader de la rébellion.

« Il n’est pas à la hauteur des enjeux de la réconciliation et son cabinet manque cruellement de personnes capables de faire le lien avec les mouvements signataires », tacle un responsable de la CMA. L’absence du ministre lors du CSA du 11 octobre dernier – qui ce jour-là a rendu visite au chérif de Nioro – n’a rien arrangé. « Cela a été perçu comme une volonté de sabotage », pointe un cadre de la CMA.

NOMBREUX SONT CEUX À ÉVOQUER « LE MANQUE DE RESPECT ET LES PROPOS OUTRANCIERS D’ISMAËL WAGUÉ »

Le ton que Wagué emploie, « comme si toutes les parties signataires de l’accord n’étaient pas égales et que l’État était au-dessus des autres », ajoute notre interlocuteur, n’aide sans doute pas. En off, hommes politiques, membres de la CMA ou encore diplomates sont nombreux à évoquer « le manque de respect et les propos outranciers d’Ismaël Wagué, peu importe le statut de son interlocuteur ».


D’autres estiment que l’image du colonel-major pâtit également de la composition de son cabinet ministériel, « composé de gens irresponsables », cingle un cadre de la CMA. Dans le viseur : son chargé de mission, Sékou Bolly, et son ancien chef de cabinet, Marcelin Guenguéré (remplacé en 2021), tous deux originaires du centre du Mali. Le premier est connu pour avoir été à la tête d’une milice peule. Le second fut le porte-parole de Dan Na Ambassagou, groupe d’autodéfense de chasseurs dogons mis en cause notamment dans les massacres d’Ogossagou.


« Ismaël Wagué a voulu afficher un cabinet réconcilié en nommant des figures peule et dogon. Mais la vérité est qu’il a choisi des collaborateurs peu fiables, que l’on soupçonne régulièrement de petites escroqueries », fait valoir un homme politique.

Apparente unité
Ces erreurs d’appréciation et la réputation du caractère d’Ismaël Wagué lui valent-elles pour autant d’être contesté jusqu’au sein de la junte ? De leurs relations, rien ne filtre, et les colonels continuent d’afficher un visage uni.

Un statu quo qui ne devrait pas être reconsidéré, au risque de se mettre à dos une partie de l’armée, estime un spécialiste. « Wagué est décrié et fait l’objet de rumeurs quant à certaines affaires de mœurs qui dérangent forcément les autres colonels. Mais il n’est pas très influent et, de fait, pas trop dérangeant. S’en débarrasser et prendre le risque de tensions avec l’armée de l’air leur serait plus nuisible que de le garder. »

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