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Tiégoun Boubèye MAÏGA, : «Un système hybride avec la volonté non assumée de faire du président de la République un Dieu sur terre»
Publié le mercredi 2 novembre 2022  |  Le Matin
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Par rapport à l’avant-projet de Constitution, les innovations sont assez nombreuses et concernent les trois pouvoirs même si leur opportunité est discutable. Première innovation, c’est la possibilité de destituer le président de la République (PR). Le fait d’engager la responsabilité du président devant les députés est nouveau parce que le président de la République était jusque-là presque un intouchable. Peut-être que les rédacteurs de l’avant projet pensent que ça devrait limiter les risques de coups d’État.

Or, on peut être dans une situation où le président de la République ne dispose pas de majorité au parlement. Pour un Oui ou pour un Non la tentation de lui régler son compte en le destituant pourrait être grande. Surtout que le président de la République n’a plus de prérogatives concernant la dissolution de l’Assemblée nationale. Des élus contre lesquels il ne peut rien mais qui ont la possibilité de le renvoyer. En face, on a le fait que le parlement ne peut plus renverser le gouvernement. L’avènement du bicaméralisme est également une innovation. Les deux chambres devraient travailler efficacement ensemble et se neutraliser pour empêcher les abus de l’une ou l’autre. On peut aussi se réjouir du fait que la transhumance politique est désormais interdite.

Au niveau du pouvoir judiciaire, c’est une innovation majeure que de permettre au citoyen de saisir le Conseil supérieur de la magistrature et la Cour constitutionnelle. Il y a une innovation qui constitue une fausse bonne solution au contentieux électoral. En effet, en cas de litiges, la Cour constitutionnelle convoque de nouvelles élections. Quand on connaît le nombre de contestations et la mauvaise foi des perdants, on va se retrouver dans une situation pire qu’avant. Autrement, on va se retrouver avec le remède qui tue le malade. Je n’ose même pas imaginer le nombre d’élections qui naîtront du contentieux électoral. Le pays n’a pas d’argent pour l’organisation d’élections à répétition et le pays sera ingouvernable. Il y aura comme une sorte de chienlit.

Sur la base de ce que j’entends, l’avant projet de la Constitution comporte également beaucoup de tares.

Les syndicats de la Justice sont vent debout contre ce qu’ils appellent un recul démocratique. Les rédacteurs auraient pu être courageux et sortir du Conseil supérieur de la magistrature le président de la République et le ministre de la Justice. Mon constat est aussi que le texte est très mal agencé et crée des problèmes là où il devrait apporter des solutions. Quand on prend le préambule, par exemple, il est inutilement long au point qu’on perd son sens réel.

Je pense que les rédacteurs devront proposer un régime clair, soit présidentiel, soit parlementaire, soit semi présidentiel. Ce qui est dans l’avant projet est un système hybride avec la volonté non assumée de faire du président un Dieu sur terre. La présence d’un Premier ministre dans ce système est inutile parce que le président nomme les ministres, il met fin à leurs fonctions, l’initiative de la loi lui appartient désormais. A mon avis, c’est un peu saugrenu de mettre dans une constitution le nombre de ministres. Tout comme il faut faire des choix clairs concernant le mode de scrutin pour les élections législatives. Il faut donc revenir aux fondamentaux.

Au niveau du législatif, l’innovation du bicaméralisme peut heurter l’opinion qui a une mauvaise image des politiques. Et puis par ces temps de difficultés financières, les populations pourraient difficilement comprendre la création d’une deuxième chambre qui va générer de nouvelles dépenses. Au niveau du pouvoir judiciaire, les syndicats sont vent debout contre les reculs constatés concernant les acquis démocratiques. Sans compter que, avec le niveau d’occupation du territoire, ça serait difficile de faire le référendum. Mieux vaut que les autorités s’occupent de ce qui justifie leur présence au sommet de l’Etat, la sécurité.

C’est un faux débat sur la question de la langue officielle. Le jour où on voudrait prendre une ou deux langues officielles, on n’aura pas à changer la constitution. Cela trouvera que le pays est prêt !

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