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𝐌𝐚𝐥𝐢 : 𝐁𝐨𝐮𝐛𝐨𝐮 𝐂𝐢𝐬𝐬é, 𝐥𝐞𝐬 𝐯é𝐫𝐢𝐭é𝐬 𝐝’𝐮𝐧 𝐞𝐱𝐢𝐥é
Publié le lundi 7 novembre 2022  |  Jeune Afrique
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© aBamako.com par A S
Lancement de la nouvelle version du système intégré de gestion des impôts et taxes assimilés
La cérémonie de lancement de la nouvelle version du système intégré de gestion des impôts et taxes assimilés a eu lieu le 7 Août 2017. Photo Boubou CISSE
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Poursuivi par la justice malienne, l’ancien Premier ministre vit désormais hors de son pays, mais n’a pas renoncé à un avenir politique. Très critique vis-à-vis de la junte d’Assimi Goïta, il clame son innocence.

Les démêlés judiciaires n’auront pas tardé à pleuvoir. Dès le lendemain du coup d’État qui a renversé Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), dont il était le dernier Premier ministre. 𝐁𝐨𝐮𝐛𝐨𝐮 𝐂𝐢𝐬𝐬é 𝐬’𝐞𝐬𝐭 𝐫é𝐟𝐮𝐠𝐢é « 𝐞𝐧 𝐥𝐢𝐞𝐮 𝐬û𝐫 », 𝐚𝐥𝐨𝐫𝐬 𝐪𝐮’𝐢𝐥 é𝐭𝐚𝐢𝐭 𝐩𝐨𝐮𝐫𝐬𝐮𝐢𝐯𝐢 𝐩𝐨𝐮𝐫 « 𝐜𝐨𝐦𝐩𝐥𝐨𝐭 𝐜𝐨𝐧𝐭𝐫𝐞 𝐥𝐞 𝐠𝐨𝐮𝐯𝐞𝐫𝐧𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭 ».

Si la procédure a finalement été annulée par la Cour d’appel de Bamako, les affaires se sont enchaînées, et l’ancien chef du gouvernement déchu n’est pas réapparu dans son pays. En exil au Niger, où vit sa famille, Boubou Cissé dénonce « une épée de Damoclès judiciaire que les autorités de la transition ont placé au-dessus de la tête des hommes politiques ».

𝐋’𝐚ff𝐚𝐢𝐫𝐞 𝐏𝐚𝐫𝐚𝐦𝐨𝐮𝐧𝐭

Celle qui plane au-dessus de sa tête s’incarne à travers plusieurs affaires. La plus récente a éclaté en juillet 2022, avec la publication d’un communiqué du procureur général de la Cour suprême de Bamako. Le document confirmait qu’une demande de mandat d’arrêt international avait été émise à l’encontre de l’ancien Premier ministre et de trois autres personnalités dans le cadre de l’affaire dite
« 𝐏𝐚𝐫𝐚𝐦𝐨𝐮𝐧𝐭 ». Ce dossier, exhumé par les magistrats qui soupçonnent des cas de « faux et usage de faux » et « d’atteinte aux biens publics », remonte à 2015. Cette année-là, l’État malien signe un contrat pour la livraison d’une quarantaine de blindés avec la société d’Ivor Ichikowitz, Paramount, et décaisse un premier versement de 30 millions d’euros. Seuls 10 véhicules seront obtenus par IBK.



Boubou Cissé, qui fût ministre de l’Économie et des Finances de 2016 à 2019, se défend de toute infraction. L’homme politique de 48 ans affirme n’avoir pas connaissance des faits précis qui lui sont reprochés, et n’avoir d’ailleurs « jamais reçu de convocation du pôle économique et financier pour être entendu sur ce sujet ». Il déplore par ailleurs que ses avocats « n’aient pas accès à l’instruction ».

Surtout, se défend-il, les faits évoqués « sont antérieurs à [son] arrivée au ministère ». « J’ai hérité du ministère de l’Économie et des Finances en janvier 2016, alors que le contrat mis en cause a été signé en octobre 2015. À mon arrivée, j’ai réalisé que le matériel prévu, en l’occurrence des véhicules blindés, n’avait pas été livré, malgré un premier paiement. J’ai constaté des faiblesses dans le contrat, qui n’était 𝐩𝐚𝐬 𝐜𝐨𝐧𝐟𝐨𝐫𝐦𝐞 à 𝐧𝐨𝐭𝐫𝐞 𝐫è𝐠𝐥𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧, 𝐞𝐭 𝐣𝐞 𝐥’𝐚𝐢 𝐟𝐚𝐢𝐭 𝐫é𝐯𝐢𝐬é », justifie l’intéressé.

𝐂𝐥𝐚𝐬𝐬𝐞 𝐩𝐨𝐥𝐢𝐭𝐢𝐪𝐮𝐞 « 𝐚𝐩𝐡𝐨𝐧𝐞 »

Pour cet économiste de formation, cette nouvelle affaire est une « émanation du politique, plus que du judiciaire ». « Je reste convaincu que la justice a été instrumentalisée, car je ne suis en aucune manière tenu pour responsable de ce contrat. Je n’en étais ni signataire, ni payeur », cingle-t-il sans nommer son prédécesseur au ministère : Mamadou Igor Diarra, poursuivi dans la même affaire.

Cette « instrumentalisation systématisée de la justice » selon l’ancien Premier ministre expliquerait en partie « l’effacement de la classe politique traditionnelle, devenue aphone ». « À mon sens, cela témoigne de la mainmise grandissante de la junte militaire sur l’espace politique. » Signe de la fin de l’impunité ou justice aux ordres ? Les poursuites se multiplient en tout cas à l’encontre des caciques de la politique malienne, jugés présidentiables. Outre Boubou Cissé et 𝐌𝐚𝐦𝐚𝐝𝐨𝐮 𝐈𝐠𝐨𝐫 𝐃𝐢𝐚𝐫𝐫𝐚, Tiéman Hubert Coulibaly, Oumar Mariko sont dans le viseur de la justice, comme le fut 𝐒𝐨𝐮𝐦𝐞𝐲𝐥𝐨𝐮 𝐁𝐨𝐮𝐛è𝐲𝐞 𝐌𝐚ï𝐠𝐚, 𝐚𝐯𝐚𝐧𝐭 𝐬𝐨𝐧 𝐝é𝐜è𝐬 𝐞𝐧 𝐝é𝐭𝐞𝐧𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐞𝐧 𝐦𝐚𝐫𝐬 𝟐𝟎𝟐𝟐.
« La transition aurait pu se passer dans un climat moins délétère. Elle pouvait être l’occasion de réformer la classe politique malienne, mais ce n’est pas le cas », juge Boubou Cissé qui reconnaît « une forme de discrédit de la classe politique auprès d’une partie de la population ».



« Cette perte de confiance est l’une des explications du coup d’État de 2020. Ceux qui ont été au pouvoir avant cela portent une part de responsabilité. Et je ne m’en exclus pas, même si je suis arrivé tard dans l’arène politique », assume-t-il tout en dépeignant un bilan calamiteux pour la transition.

Situation sécuritaire, tissu économique, société, éducation : « Tout s’est dégradé, tance-t-il, estimant qu’ « aucun des maux qui ont été avancés pour justifier le putsch de 2020 ne semble connaître ne serait-ce qu’un début de solution ».

𝐂𝐡𝐚𝐧𝐭𝐚𝐠𝐞 𝐝𝐢𝐩𝐥𝐨𝐦𝐚𝐭𝐢𝐪𝐮𝐞

Le regard qu’il porte sur la diplomatie malienne n’est pas moins sévère. « Évidemment, le Mali doit parler aux autres nations d’égal à égal Mais cela ne peut pas passer par l’invective permanente », juge-t-il.

Celui qui fut étudiant dans le sud de la France évoque ainsi les relations glaciales entre Paris et Bamako, mais aussi les attaques régulières à 𝐥’𝐞𝐧𝐝𝐫𝐨𝐢𝐭 𝐝𝐮 𝐜𝐡𝐞𝐟 𝐝𝐞 𝐥’É𝐭𝐚𝐭 𝐧𝐢𝐠é𝐫𝐢𝐞𝐧 𝐌𝐨𝐡𝐚𝐦𝐞𝐝 𝐁𝐚𝐳𝐨𝐮𝐦. Sans oublier 𝐥’𝐚𝐟𝐟𝐚𝐢𝐫𝐞 𝐝𝐞𝐬 𝐦𝐢𝐥𝐢𝐭𝐚𝐢𝐫𝐞𝐬 𝐢𝐯𝐨𝐢𝐫𝐢𝐞𝐧𝐬 𝐝é𝐭𝐞𝐧𝐮𝐬 𝐚𝐮 𝐌𝐚𝐥𝐢 , qui défraie la chronique depuis bientôt quatre mois.

Rapidement, le nom de Boubou Cissé y a été associé. Non pour quelque implication supposée, mais parce que l’extradition de l’ancien Premier ministre et d’autres personnalités serait une condition posée par Bamako pour libérer les soldats encore détenus.

« J’entends que mon nom est mêlé à cette affaire, mais je ne sais pas si je suis concerné directement. Quoi qu’il en soit, que je le sois ou non demander ce genre de troc à un pays ami relève du chantage. C’est moralement choquant, contraire au droit et à toutes les règles diplomatiques », s’insurge-t-il. S’il ne réside pas en Côte d’Ivoire, Boubou Cissé se rend régulièrement à Abidjan. Pour ses affaires, mais aussi sans doute pour rendre visite à Alassane Ouattara, dont on le dit proche.

Une proximité au sujet de laquelle le Malien est peu dissert. Surtout depuis que, le 11 février,𝐥’𝐞𝐧𝐫𝐞𝐠𝐢𝐬𝐭𝐫𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭 𝐝’𝐮𝐧𝐞 𝐜𝐨𝐧𝐯𝐞𝐫𝐬𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐪𝐮𝐞 𝐥’𝐨𝐧 𝐩𝐫ê𝐭𝐞 𝐚𝐮𝐱 𝐝𝐞𝐮𝐱 𝐡𝐨𝐦𝐦𝐞𝐬 𝐚 𝐟𝐮𝐢𝐭é 𝐬𝐮𝐫 𝐥𝐞𝐬 𝐫é𝐬𝐞𝐚𝐮𝐱 𝐬𝐨𝐜𝐢𝐚𝐮𝐱. On y entend des voix similaires à celles de Boubou Cissé et du président ivoirien tenir des propos très critiques à l’égard des autorités transitoires de Bamako.

𝐂𝐨𝐦𝐦𝐞𝐧𝐭 𝐀𝐥𝐚𝐬𝐬𝐚𝐧𝐞 𝐎𝐮𝐚𝐭𝐭𝐚𝐫𝐚 𝐞𝐭 𝐁𝐨𝐮𝐛𝐨𝐮 𝐂𝐢𝐬𝐬é 𝐚𝐮𝐫𝐚𝐢𝐞𝐧𝐭-𝐢𝐥𝐬 𝐩𝐮 ê𝐭𝐫𝐞 é𝐜𝐨𝐮𝐭é𝐬 ?

Interrogé sur l’authenticité de cet audio, l’ancien chef du gouvernement malien botte en touche : « Alassane Ouattara a dit tout ce qu’il y avait à en dire ». Bien peu de choses, donc, puisque lorsqu’il était interrogé sur le sujet par France 24, le chef de l’État ivoirien s’était content d’un lapidaire : « 𝐉𝐞 𝐩𝐚𝐫𝐥𝐞 à 𝐭𝐨𝐮𝐭 𝐥𝐞 𝐦𝐨𝐧𝐝𝐞 ».

𝐀𝐯𝐞𝐧𝐢𝐫 𝐩𝐨𝐥𝐢𝐭𝐢𝐪𝐮𝐞

Reste que cette affaire pourrait constituer une entrave judiciaire de plus au retour de Boubou Cissé, la justice malienne ayant ouvert une enquête pour « atteinte ou tentative d’atteinte et complicité à la sûreté intérieure et extérieure du Mali ». Pas de quoi inquiéter l’ancien Premier ministre quant à son avenir politique, assure celui qui nie fermement les rumeurs selon lesquelles son aventure avec l’Union pour la république et la démocratie (URD) aurait tourné court. Se disant prêt à participer de nouveau à des primaires si telle était la décision du parti en vue du scrutin présidentiel censé se tenir en 2024, Boubou Cissé assure ne se projeter dans aucune autre formation.

𝐌𝐚𝐥𝐢 : 𝐥𝐞𝐬 𝐠𝐫𝐚𝐧𝐝𝐞𝐬 𝐦𝐚𝐧œ𝐮𝐯𝐫𝐞𝐬 𝐝𝐞 𝐁𝐨𝐮𝐛𝐨𝐮 𝐂𝐢𝐬𝐬é à 𝐥’𝐔𝐑𝐃

« Je suis en contact permanent avec les dirigeants de l’URD et les relations n’ont jamais été aussi bonnes. J’y ai été accueilli avec bienveillance, c’est une famille politique au sein de laquelle je me suis beaucoup investi », lance-t-il. 𝐐𝐮𝐚𝐧𝐭 𝐚𝐮𝐱 𝐭𝐞𝐧𝐬𝐢𝐨𝐧𝐬 𝐪𝐮𝐢 𝐨𝐧𝐭 𝐝𝐢𝐯𝐢𝐬é 𝐥𝐞 𝐩𝐚𝐫𝐭𝐢 𝐚𝐮𝐭𝐨𝐮𝐫 𝐝𝐞 𝐬𝐚 𝐜𝐚𝐧𝐝𝐢𝐝𝐚𝐭𝐮𝐫𝐞 ? « C’est un débat sain et démocratique comme il en existe dans tous les partis. »

Son avenir politique reste suspendu aux dossiers judiciaires qui le visent et qui l’enverraient très certainement en détention provisoire en cas de retour au Mali. En attendant leur dénouement, cet ancien de la Banque mondiale a troqué l’habit d’homme politique pour celui d’homme d’affaires. « Je voyage beaucoup en Afrique et dans le monde, afin de rencontrer des décideurs politiques et économiques dans le cadre de grands projets d’infrastructures notamment. Je fais également du conseil auprès de certains États », résume-t-il.

Il n’en dira pas plus. Il lâche seulement qu’il s’est attelé à écrire une autobiographie : « Le récit s’ouvre sur le coup d’État de 2020 et remonte jusqu’à mon enfance. J’y raconte mon parcours mais j’y précise également mes idées politiques », explique Boubou Cissé au sujet de son livre qui, déjà, revêt des allures d’outil électoral.

𝐒𝐨𝐮𝐫𝐜𝐞: Jeune Afrique
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