PolitiqueLa principale : Financement du terrorisme dans le Liptako-Gourma Les multinationales agroalimentaires et de la pétrochimie européennes et américaines mises à l’indexe
Les potentialités agricoles (agriculture et élevage) et minières dans le Liptako-Gourma sont à l’origine du conflit intra et extra communautaire actuel qui déchire la région dans les trois pays : Mali, Burkina Faso et le Niger. Comme pour dire que l’Afrique est encore victime de ses immenses richesses agricoles et minières.
Après la signature de l’accord de paix entre le Mali et les rebelles du MNLA et ses alliés extrémistes du HCUA, les régions de Mopti, Douentza, Bandiagara et de Ségou dans le Centre du pays ; de Sikasso et Koutiala dans le sud-est, se sont embrassées. Progressivement, l’insécurité s’est réinstallée dans les parties septentrionales des régions de Gao et de Ménaka. La métastase a fini par gangrener toutes les régions du Liptko-Gourma, qui couvre les trois pays du Sahel : le Mali, le Burkina-Faso et le Niger. La spécificité des groupes armés qui opèrent dans ces zones se sont spécialisés dans le vol de bétail et la destruction systématique des récoltes obligeant les occupants (les populations locales) à l’exil forcé, comme si quelqu’un tire bénéfice de la destruction du secteur d’élevage dans nos trois pays. Le même scénario est descriptible au Nigéria, au Tchad et au Cameroun. Dans toutes ces zones fortement touchées par l’insécurité, les bandes armées ne s’attaquent qu’aux bétails. Ce fut le cas aussi en Madagascar au début des années 2010. A cette époque aussi, le pays de Andry Rajoelina a été fortement secoué par des vols de bétails.
Le Zébu malgache est une variété de chair très prisé dans les assiettes. Le kilogramme en son temps coûtait aux consommateurs malgaches 3 euros, environ 1 965 Fcfa. A l’international, le prix triplait. Ce qui alimenta un négoce illicite très lucratif faisant des centaines de morts sur son passage. Aussi bien dans le Liptko-Gourma que sur les Plateaux malgaches, les bovins constituent l’une des principales sources de revenus de la population. Dans la Revue internationale de botanique appliquée et d’agriculture tropicale, 26e année, bulletin n°286 bis, septembre, il a été établi par le ministère des Colonies de la France coloniale que l’élevage constitue une des richesses du Madagascar et il est intéressant, qu’au sortir de la guerre, d’établir le bilan des ressources actuelles en bétail de la Grande Île, de situer l’importance de son cheptel et de tenter d’en déterminer l’avenir. Selon la revue, sur une population de 4 227 000 habitants, le Madagascar possède environ 6 millions de bovins, 420 000 porcins, 300 000 moutons et chèvres. En 1921, la Grande Île comptait au total 7 800 000 têtes.
En analysant le spectacle qui s’offre à notre compréhension, on peut déduire que le phénomène est loin d’être un simple hasard. C’est pour cette raison que l’étude confiée au bureau d’études Jokkoo par le Réseau Action Climat, Oxfam France et Greenpeace lève le voile sur les vraies raisons des conflits communautaires dans nos pays. Et, ces 3 ONG sont dans leur droit de mieux comprendre dans les évolutions récentes des exportations françaises de productions issues de l’élevage laitier, de volailles de chair et de porcs. L’objectif de cet exercice de compréhension était d’analyser les évolutions des exportations françaises de ces trois groupes de produits, en particulier vers les pays en développement en Afrique et en Asie. Ce travail cherche à appréhender les impacts de l’évolution des échanges sur les méthodes de production et de transformation et leur impact potentiel sur le bien-être animal et sur l’environnement.
Les exportations françaises en Afrique
Il ressort de cette étude que les filières françaises de lait, porc et volaille de chair exportent respectivement à hauteur de 42% ; 39% et 25% de leur production. La part de ces exportations destinées aux pays en développement est en augmentation et concerne essentiellement des produits très bas de gamme comme « le poulet export », les morceaux du porc ou de lait en poudre.
L’exportation de ces produits d’élevage est dominée par quelques groupes agroalimentaires comme Lactalis, Bigard ou la Cooperl, qui enferment une grande partie de ces filières dans une course folle à la concurrence internationale, les entrainant dans une compétitivité des prix tirant vers le bas tous les coûts de production, avec des conséquences en chaîne. Nos pays subissent de plein fouet cette stratégie. Les produits déversés à bas coût sur nos marchés les déstructurent. Mais, ce qui ne se dit assez fort, c’est qu’elle nuise à notre quête de souveraineté alimentaire par la destruction totale de notre outil de production.
L’étude révèle qu’en 2020, la France s’est classé 6e exportateur mondial de produits agroalimentaires en assurant 4,6% des exportations agricoles et agroalimentaires mondiales (en valeur). Les exports agricoles et agroalimentaires représentaient 61,8 milliards d’euros en 2020, soit environ 15% des exports totaux de biens français. Concernant les produits agricoles, la France est au 9e rang des exportateurs de produits agricoles bruts, derrière les États-Unis, le Brésil, les Pays-Bas, la Chine, l’Espagne, le Canada, l’Inde et le Mexique.
Par ailleurs, la France est au 4e rang mondial des exportateurs de produits alimentaires transformés (en valeur), derrière les États-Unis, l’Allemagne et les Pays-Bas. À l’échelle européenne, elle conserve une position de leader en matière de production agricole, mais sa production stagne depuis la fin des années 90. Dans un contexte où la demande alimentaire mondiale augmente, la France a par conséquent perdu des parts sur le marché mondial et fait partie des pays qui en ont perdu le plus depuis 2003. La France a ainsi vu ses parts de marché au niveau mondial passer de presque 8% en 2000 (elle était alors le deuxième exportateur mondial) à 4,7% en 2014. En matière de balance commerciale, la France est historiquement excédentaire (de 6,1 milliards d’euros en 2020, en baisse de 20% par rapport à 2019). Néanmoins, il convient de rappeler que « sans le vin et les spiritueux, la France aurait un déficit commercial agricole de plus de 6 milliards d’euros ». Hormis les vins et les spiritueux, quatre autres filières tirent leur épingle du jeu en maintenant d’importants excédents commerciaux : les céréales, notamment le blé et l’orge (+ 4 Md€), les produits laitiers (+ 3,8 Md€), l’exportation de bovins, ovins ou de volailles vivants (+1,6 Md€) et les sucres (+ 0,6 Md€).
Les exportations françaises de productions animales s’élèvent à 15,1 milliards d’euros en 2017, contre 10,9 milliards d’euros en moyenne sur la période 2000-09. Au niveau géographique, deux tiers de cette croissance sont dus à la hausse des exportations en dehors de l’Union Européenne (vers les « pays tiers »). Concernant les produits exportés, 60 % de cette croissance des exportations est imputable aux produits laitiers6. La France est le 10e exportateur mondial de viande et produits carnés, affichant un solde commercial négatif de – 1,4 milliard d’euros. Au niveau européen, la France produit 23 % des bovins (1er place), 9% des porcs (4e place), 12 % des ovins (3e place) et 12 % des caprins (4e place) de l’UE. Elle est par ailleurs le 3e producteur de poulets et de dindes en Europe (Eurostat). Globalement, les cheptels européens de bovins, d’ovins et de caprins connaissent une baisse depuis 2010, tandis que ceux de porcs et de volailles sont en hausse.
La consommation en recul en Europe
Dans un contexte marqué par la stabilité de la consommation européenne (UE 28) de produits carnés, l’excédent commercial français en matière de produits d’élevage est également relativement constant (4,3 milliards d’euros en 2021). Cette situation cache une évolution importante de la nature des échanges avec le reste du monde : d’une part, le solde commercial français connaît une forte dégradation avec les États membres de l’UE (– 2,49 milliards d’euros entre 2000-09 et 2017), alors qu’il s’améliore avec les pays tiers (+ 2,79 milliards d’euros entre 2000-09 et 2017). Les cinq pays tiers avec lesquels la France a le plus amélioré son solde commercial entre 2000-2009 et 2016 sont les suivants : la Chine (+ 922 millions d’euros), l’Algérie (+ 169 millions d’euros), les États-Unis (+ 124 millions d’euros), l’Arabie Saoudite (+ 109 millions d’euros) et l’Indonésie (+ 88 millions d’euros).
Parmi les productions animales, deux tendances sont à noter face à cette évolution. D’une part, le lait et les produits laitiers (7,2 milliards d’euros d’exports en 2020) ont un solde de leur balance commerciale positif (3,5 milliards d’euros), et la France est le 4ème exportateur mondial (le 1er étant la Nouvelle-Zélande). Les principaux clients de produits laitiers français en Europe sont l’Allemagne, la Belgique et l’Italie. Parmi les pays tiers, les trois premiers importateurs sont la Chine, les États-Unis et le Royaume-Uni. D’autre part, les viandes et les produits carnés (4,2 milliards d’euros d’exports en 2020) ont un solde de leur balance commerciale négatif (-1,2 Mds €). Dans ce domaine, la France est le 11e exportateur mondial (le premier étant les États-Unis). Les principaux clients européens de la France sont l’Italie, la Belgique et l’Allemagne. Parmi les pays tiers, les deux premiers importateurs sont la Chine et le Royaume-Uni. Selon Agreste, face à cette dégradation du solde commercial, le taux d’approvisionnement français en viandes (part des utilisations intérieures couvertes par la production nationale) est passé de 146% en 2000 à 95% en 2017, alors que la production nationale demeurait relativement stable sur cette période, traduisant une augmentation des importations, notamment en provenance des pays de l’UE.
Les exportations françaises de produits laitiers, de viandes de volailles et de porcs
Afin de caractériser plus spécifiquement les exportations de produits animaux français vers les pays tiers, et plus particulièrement vers les pays en développement, trois groupes de produits ont été étudiés dans le rapport. Il s’agit : les produits laitiers, qui constituent la catégorie de produits d’élevage français la plus exportée vers le reste du monde ; les viandes et abats de porc, dont les exports vers les pays en développement connaissent une forte croissance en volume, avec une importante concentration de la demande vers la Chine ; les viandes de volaille, qui connaissent une dynamique inverse à celle de la viande de porc : une forte baisse des exportations, après qu’elles aient été longtemps concentrées vers des économies en développement (dans un contexte d’augmentation continue de la demande française et européenne).
Les exportations de produits laitiers
Selon l’étude, à l’échelle mondiale, les échanges de produits laitiers concernent essentiellement des produits standardisés et transformés à grande échelle par des entreprises multinationales. La part des produits laitiers qui fait l’objet d’échanges internationaux varie fortement d’une catégorie à l’autre. De façon générale, les échanges portent essentiellement sur certains fromages et différentes catégories de poudres de lait (lait infantile, lait écrémé, lait entier, lactosérum…). Les pays en développement ont tendance à acheter des produits laitiers moins coûteux (les poudres de lait en particulier) que les pays développés (plus souvent acheteurs de fromages). Leur contribution au commerce international est par conséquent plus importante en volume qu’en valeur.
L’analyse démontre que le secteur de la transformation laitière en France a la particularité d’être atomisé, avec 1 200 « unités légales » (INSEE, ESANE), employant 56 000 salariés, parmi lesquelles de très nombreuses PME (Petite et moyenne entreprise) mais aussi quatre groupes de taille mondiale dans le « top 20 mondial » en 2021 (Lactalis (1er), Danone (4e), Savencia (14e) et Sodiaal (17e). Au cours des vingt dernières années, le secteur de la transformation s’est fortement restructuré. Le nombre d’entreprises de transformation a fortement baissé au gré́ des processus de fusions et d’acquisitions, autour des leaders privés ou coopératifs dont le rôle, déjà prépondérant, s’accroit en matière de production de lait sur le territoire et de développement des exportations.18 La France exporte environ 42% de sa production laitière.
En 2019, la balance commerciale des produits laitiers français est excédentaire de 3,3 milliards d’euros et 84% de cet excédent est réalisé grâce aux exportations vers les pays tiers. Les exportations françaises de produits laitiers ayant progressé moins rapidement que les exportations mondiales, la part de la France dans le commerce international de produits laitiers a diminué de façon continue entre 2010 et 2018, passant de 10,5 % à 8,7 %. Néanmoins, elle est le 1er exportateur européen de lactosérum (21,4 % des volumes européens exportés) et de poudre de lait écrémé (19 %) vers les pays tiers en 2020, le second exportateur de poudres infantiles (21,4 %), le 3ème exportateur de beurre (15,5 %) et le 4ème exportateur de fromages (13,2 %). Si les pays tiers représentent le principal débouché des poudres infantiles (70 % des volumes) et des poudres de lait écrémé françaises (62 %, l’autre tiers étant destiné à l’industrie agroalimentaire), le marché européen absorbe, quant à lui, 88 % des volumes de lait liquide, 83 % des fromages et 95 % des yaourts et laits fermentés. Cette dichotomie des exports traduit une évolution structurelle de la consommation européenne de produits laitiers frais, qui décline et se modifie au profit d’une consommation accrue de matières grasses. Cette tendance se vérifie en France, où la consommation est de 24,8 milliards de litres équivalent lait pour le composant matière grasse, contre 17,9 milliards de litres équivalent lait pour le composant protéique.
90% des exportations françaises de produits laitiers sont destinées à 30 pays. La France exporte principalement vers l’Union européenne (60%), et les expéditions vers les pays tiers sont plus modestes (Chine, 8%, des États-Unis, 4%, ou de l’Algérie, 3%), mais leur importance augmente. Cette croissance des exports vers les pays tiers s’explique en particulier par une importance croissante des produits secs (essentiellement les poudres de lait) dans les exports français : ils comptaient pour un tiers des exportations en valeur en 1988, derrière les fromages (37,9%), contre près de la moitié en 2018 (49,7%). Parmi les premiers clients des poudres de lait françaises, la plupart sont des pays en développement : la Chine, qui est son 4e débouché en valeur en 2018, et l’Asie du Sud-Est au sens large (les exportations de produits laitiers ont été multipliées par neuf en trente ans), mais également l’Algérie, son 1er client pour la poudre de lait écrémé et la poudre grasse.
Enjeux et impacts des exportations françaises de produits d’élevage vers les pays en développement
Les exportations de produits d’élevage français vers les pays en développement (PED) ont connu une hausse au cours des années 2010 en valeur et, plus significativement, en volume. Ainsi, entre 2010 et 2021, la part des exportations françaises en volume de produits animaux vers les pays en développement est passée de 16% à 21%36. Cette croissance s’explique en grande partie par la croissance des ventes de produits laitiers, qui dominent les échanges et représentent plus de la moitié des exportations de produits animaux vers les pays en développement. Concernant les exportations de viandes, les tendances sont variables selon les filières. Depuis dix ans, la viande de porc connaît une forte croissance de ses échanges avec l’Asie, alors que, les exportations de viande de volaille vers les PED connaissent, depuis 2011, une forte tendance à la baisse, et ce malgré une demande en forte augmentation au niveau mondial.
Ces évolutions de la structure des exports français de produits d’élevage ont plusieurs effets potentiels. Primo, une production accrue de produits animaux à faible coût sur le sol français, puisque les marchés des pays en développement sont davantage orientés vers des produits accessibles en matière de prix. Cette orientation des filières, vers des produits qui doivent nécessairement être compétitifs sur le marché mondial, a un effet direct sur la recherche de productivité, qui dépend elle-même d’une recherche de rentabilité des systèmes d’élevage et des unités de transformation agro-industrielle ainsi que de l’optimisation des systèmes de commercialisation.
Secundo, l’augmentation de la concurrence de produits français vis-à-vis de la production de filières de pays en développement, où les productions animales recouvrent une importance particulière en matière de moyens de subsistance. En effet, l’élevage fait partie des systèmes de production de 1,7 milliard de petits exploitants agricoles dans les pays en développement et joue, par conséquent, un rôle économique important dans les pays en développement.
En conclusion, l’étude démontre que l’impact des exports français sur les filières d’élevage des PED est une problématique historiquement connue déjà des organisations de solidarité internationale. Beaucoup d’entre elles dénoncent les conséquences sociales de la déstructuration des filières par des produits alimentaires importés dans un contexte où, à l’échelle mondiale, 79% des personnes les plus pauvres vivent en milieu rural et pratiquent généralement une activité agricole39. Dans ce débat historique, les denrées produites « en bout de chaine » industrielle posent problème de manière récurrente. Ces denrées sont des co-produits difficilement commercialisables sur le marché européen (lait écrémé, bas morceaux de poulets, viandes désossées …) et sont exportées, après la vente des productions les plus demandées (matière grasse laitière, blanc de poulet, jambons …), vers des « marchés de dégagement ».
Au regard des informations délivrées par cette étude commandée par les 3 humanitaires, ne peut-on affirmé sans le risque de se tromper que les guerres tribales, qu’on allume et entretienne à dessin dans nos pays s’apparentent plus à des instruments de régulation du marché mondial et non de simples conflits communautaires ? Mais, le temps nous dira certainement plus. Nous y reviendrons.