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Refondation et reforme de l’Etat : La révision constitutionnelle a du plomb dans l’aile
Publié le mardi 15 novembre 2022  |  Autre presse
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Annoncée à grand renfort de battages populistes, le processus de révision constitutionnelle s’essouffle et se meurt au rythme d’une baisse d’enthousiasme consécutive à la perte évidente de confiance et de crédibilité de la Transition auprès de la population. En cause, de profondes divergences, fractures sociétales et intérêts inconciliables mis en exergue par le contenu de cet avant-projet de loi fondamentale.



À mesure qu’approche l’échéance prévue pour la consultation référendaire, les jugements négatifs s’accumulent et s’accordent toutes sur un labeur Sisyphien abattu par la commission constituée autour du célèbre constitutionnaliste Fousseini Samaké. Un produit innommable et illisible dans le style, selon certains, tandis que d’autres retiennent le caractère hybride d’une œuvre en deçà de la nature et des caractéristiques reconnues à une constitution digne de ce nom : des dispositions de l’ordre des législations courantes, par exemple, font ménage avec celles qui sont le propre d’une loi fondamentale. Des constats de forme auxquels n’envie rien la salve de réserves en rapport avec un déséquilibre patent entre les pouvoirs ou l’absence de contrepouvoirs, l’inopportunité de la démarche constitutionnelle ou encore le défaut d’habilitation de ses initiateurs, etc.

Quoi qu’il en soit, aux critiques ayant trait aux divers angles de lecture professionnels se greffent les récriminations d’ordre corporatiste ainsi que les griefs de différentes entités politiques, associatives ou communautaires. C’est le cas de la diaspora malienne dont une frange conséquente estime s’être longtemps battue en vain pour approfondir son insertion dans le mécanisme institutionnel de la patrie. En plus de ne pas arracher une présence à la représentation nationale par le suffrage populaire, les concitoyens établis à l’Extérieur peuvent s’offusquer de la déchéance de certains droits civiques au nom de leur statut et de leur adoption par le pays d’accueil. Pour autant, ils ne sont pas plus insatisfaits que certains courants politiques du rang des gardiens du temple démocratique malien ainsi que des lourds sacrifices consentis pour son avènement de la démocratie. En clair, les tendances du passage à la quatrième République s’apparentent, aux yeux de nombreux fidèles acteurs du Mouvement Démocratique, à une désacralisation des symboles du 26 Mars 1991 quand ce n’est pas une tentative de réécriture ou de remise en cause de l’histoire. Après que l’ADEMA – association ait donné le ton de la protestation dans ce sens, c’était au tour de la CNAS – Faso Hèrè de Soumano Sacko de mettre les pieds dans le plat en assimilant le processus constitutionnel à une «voie sans issue et une tentative de relégation aux oubliettes de l’histoire de la Constitution républicaine et démocratique du 12 janvier 1992».

À la faveur de la même sortie, le CNAS a plaidé pour une laïcité sans fioriture, à la différence notoire de nombreuses tendances religieuses qui veulent profiter de la révision constitutionnelle pour tirer les dividendes de l’ascendant du confessionnel sur le politique par une forme d’arrimage des fondements laïcs de la République aux intérêts de la religion dominante. C’est toute la teneur de la démonstration de force récemment concoctée par les associations musulmanes, au détour de la profanation des symboles de l’islam par un mécréant affirmé. Et dire que les tenants de la religion majoritaire ne veulent rien entendre qu’une clarification de l’étendue de la laïcité pour les moins radicaux, un renoncement pur et simple au principe pour les plus inflexibles.

L’obstacle le moins surmontable ne s’annonce pas pourtant du côté des religieux mais plutôt du côté des corporations de magistrats. À l’unisson, les syndicats de magistrature, y compris la marginale Référence Syndicale, font bloc contre le contenu de l’avant-projet de constitution qu’ils qualifient de réforme rétrograde sur fond de présomption de soumission du pouvoir judiciaire à l’Exécutif. C’est la déduction que leur a inspiré, en tout cas, la publication de l’esquisse constitutionnelle quant à ses dispositions réformatrices de la composition du Conseil supérieur de la magistrature ainsi que de la redistribution des rôles entre magistrats de différents ordres, etc. Les magistrats dénoncent notamment un démantèlement des contre-pouvoirs et annoncent visiblement les couleurs d’un sabotage du processus référendaire, avec l’appel au boycott de la rentrée des Cours et Tribunaux sur fond de dissonances autour d’un autre projet de texte, à savoir : les modifications de la loi organisant les règles de fonctionnement de la Cour suprême.

En attendant de découvrir les intentions de voix aussi déterminantes que celles des mouvements signataires de l’Accord pour la paix, la réforme constitutionnelle entre dans une phase déjà si périlleuse avec tant d’écueils pendants ou imminents. Le processus fait face notamment à la gageure de satisfaire la pléiade d’intérêts et exigences assez inconciliables pour présager d’un avortement certain. Tout porte à croire, en définitive, que cette autre tentative de réforme constitutionnelle est vouée au même échec que les précédentes.



A KEÏTA

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