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Violation du code des marchés publics DANS UN APPEL D’OFFRES RESTREINT : Le CRD/ARMDS épingle la Daf de la présidence de la République et l’enjoint à reprendre le processus
Publié le samedi 19 novembre 2022  |  Aujourd`hui
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Suivant L’Essor no19753 du mercredi 19 octobre 2022, la direction administrative et financière (Daf) de la Présidence de la République a émis un avis général de passation des marchés pour l’exercice budgétaire 2023. Un processus qui viole, selon l’Entreprise Moussa Dembélé, le code des marchés publics pour ce qui concerne l’offre portant sur le nettoyage et l’entretien des services de la présidence. Saisi pour plancher là-dessus, le Comité de règlement des différends de l’ARMDS, par décision n°22-030/ARMDS-CRD du 10 novembre 2022, vient de lui donner raison en enjoignant la Daf de la présidence de la République la reprise du processus.

L’une des activités figurant sur l’avis général de la Daf de la présidence de la République intéressant l’Entreprise Moussa Dembélé est en effet le nettoyage et l’entretien des services de la présidence de la République en plusieurs lots, et pour laquelle l’appel d’offres restreint est retenu comme mode de passation. Ainsi, le 25 octobre 2022, l’Entreprise Moussa Dembélé introduisait un recours gracieux auprès de la Daf de la présidence pour contester l’avis général de passation en invoquant notamment la violation du principe du libre accès à la commande publique.

Elle conteste notamment le choix de l’appel d’offres restreint pour la passation du marché de nettoyage et d’entretien, au motif que ce choix n’est pas conforme aux dispositions de l’article 54 du code des marchés publics. N’ayant reçu aucune réponse à son recours gracieux, le 1er novembre 2022, elle a donc décidé de saisir le Comité de règlement des différends pour contester l’avis général de passation desdits marchés.

A l’appui de son recours, l’Entreprise Moussa Dembélé SARL indique avoir contesté la violation d’un des principes fondamentaux régissant les marchés publics, à savoir le libre accès à la commande publique, à travers la restriction du service courant relatif au nettoyage et à l’entretien des services de la présidence.

Pour elle, l’appel d’offres restreint prévu comme mode de passation pour ledit objet n’est pas conforme aux dispositions de l’alinéa 2 de l’article 54 du code des marchés publics qui dispose que : “il ne peut être recouru à la procédure de l’appel d’offres restreint que lorsque les biens, les travaux ou les services, de par leur nature spécialisée, ne sont disponibles qu’auprès d’un nombre limité de fournisseurs, d’entrepreneurs ou de prestataires de services”.

Par ces motifs, elle sollicitait le CRD de bien vouloir demander à l’autorité contractante de réviser le mode de passation prévu dans l’avis général de passation, afin d’ouvrir le marché à toutes les entreprises qui souhaitent y participer.

Les arguments peu convaincants de la Daf de la présidence

En réaction aux prétentions de l’Entreprise Moussa Dembélé SARL, l’autorité contractante, à savoir la Daf de la présidence de la République, a expliqué que le choix de l’appel d’offres restreint pour la passation des marchés de nettoyage et d’entretien est fondé sur le caractère spécifique de la présidence de la République. Des spécificités qui sont liées, selon elle, à des exigences de sécurité et de sûreté de l’institution dont la garantie est assurée par le Service de sécurité présidentielle.

Elle évoque par ailleurs les points 7.2 et 7.3 des instructions aux candidats (éclaircissements apportés au DAO portant sur la visite du site et réunion préparatoire), qui stipulent qu’il est conseillé au candidat de visiter et d’inspecter le site des travaux et ses environs et d’obtenir par lui-même, et sous sa propre responsabilité, tous les renseignements qui peuvent être nécessaires pour la préparation de l’offre et la signature d’un marché (7.2 des IC) DPAO)).

Pour ce faire, “l’autorité contractante autorisera le candidat et ses employés ou agents à pénétrer dans ses locaux et sur ses terrains aux fins de ladite visite, etc. (7.2 Des IC)” DPAO).

Autre argument évoqué par la Daf de la présidence de la République : la situation socio-sécuritaire du pays qui requiert de faire respecter les mesures de sécurité de la présidence et qui implique le choix d’un prestataire digne de confiance et habitué des protocoles sécuritaires exceptionnels.

Qu’en admettant de procéder par appel d’offres ouvert, les endroits à prester tels que le palais présidentiel, la famille du président de la Transition, celles des anciens présidents de la République, les villas présidentielles, les locaux de la Sécurité présidentielle, etc., allaient être exposés à toutes sortes d’insécurité en cette période d’insécurité grandissante.

Que de même, le mode de concurrence ouverte s’accommode difficilement aux nouvelles mesures de sécurité instaurées par la Sécurité présidentielle, dans sa mission de sécurisation de l’institution. Et qu’au surplus, la direction administrative et financière ne saurait minimiser les conséquences qui en résulteront, en fournissant aux candidats nationaux et étrangers dans le cadre de leur évaluation, les informations nécessaires sur les sites de la présidence, ce qui d’ailleurs, s’accommode difficilement au principe de confidentialité et de discrétion et à la stricte interdiction de libre accès à certains endroits non réservés au public.

D’où le choix, selon elle, du mode de passation restreint, à titre exceptionnel, lié aux exigences de confidentialité, de sûreté et de sécurité minimisant les risques d’insécurité et préservant les informations confidentielles sur la présidence.

Des arguments qui ne résistent pas à l’analyse du code des marchés publics qui stipule, en son article 54, que l’appel d’offres est dit restreint lorsque seuls peuvent soumettre des offres, les candidats que l’autorité contractante a décidé de consulter.

Son alinéa 2 précise qu’il ne peut être recouru à la procédure de l’appel d’offres restreint que lorsque les biens, les travaux ou les services, de par leur nature spécialisée, ne sont disponibles qu’auprès d’un nombre limité de fournisseurs, d’entrepreneurs ou de prestataires de services.

En des termes plus clairs, le recours à la procédure de l’appel d’offres restreint doit être motivé et soumis à l’autorisation préalable de l’organe chargé du contrôle des marchés publics et des délégations de service public, à savoir l’ARMDS, qui n’a nullement été saisie au préalable pour ce faire.

Si dans le cas d’espèce, pour recourir à la procédure d’appel d’offres restreint, l’autorité contractante invoque le caractère spécifique des services de la présidence de la République exigeant des garanties de sécurité et de sûreté, ce motif, selon le CRD de l’ARMDS, ne peut prospérer, dans la mesure où il ne permet de déterminer ni la nature spécialisée des services attendus, ni que ceux-ci ne sont disponibles qu’auprès d’un nombre limité de prestataires, et cela, au regard des dispositions de l’article 54.

Par ailleurs, il est établi que le besoin de s’assurer de garanties de confidentialité, de sécurité et de sûreté ne justifie pas le recours à la procédure d’appel d’offres restreint, sachant aussi que les prestations prévues dans le cadre de l’avis général de passation ne font l’objet d’aucune particularité relevée par l’autorité contractante, sans compter que le recours aux procédures exceptionnelles ou dérogatoires à l’appel d’offres ouvert n’obéit qu’aux principes fixés par le code des marchés publics, et que les exigences de confidentialité, de sécurité et de sureté évoquées pouvaient être prévues à travers une procédure d’ appel d’offres ouvert.

En effet, l’autorité contractante, c’est-à-dire la Daf de la présidence de la République, pouvait fixer les critères de qualification techniques et financiers en adéquation avec la nature des prestations demandées, dans le respect des règles et principes de libre accès à la commande publique et de transparence des procédures, et exclure, si besoin, les prestataires ne répondant pas aux critères préalablement définis. Autant de raisons et de manquements qui ont amené le Comité de règlement des différends de l’ARMDS à déclarer le recours de l’Entreprise Moussa Dembélé SARL fondé.

Enfin, le Comité de règlement des différends de l’ARMDS ordonne ainsi la révision de l’avis général de passation en vue de prévoir un appel d’offres ouvert en lieu et place de l’appel d’offres restreint pour ce qui concerne le nettoyage et l’entretien des services de la présidence de la République.

En raison des caractéristiques spécifiques évoquées par la Daf de la présidence de la République, il recommande l’utilisation de la procédure d’appel d’offres ouvert précédé de pré-qualification.

Un procédé aussi simple qui aura échappé à la prudence de la Daf de la présidence de la République. A moins que les vrais motifs ne soient ailleurs !

El Hadj A.B. HAIDARA
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