La réforme du franc CFA, exigée par les chefs d’État de la Cemac depuis 2019 se rapporte à l’évolution des principaux mécanismes actuels de la coopération monétaire avec la France.
Au cours du colloque qui s’est tenu à Libreville, les 17 et 18 novembre derniers, sur le thème « Monnaie et développement en Afrique centrale », les enseignants d’université, économistes et autres acteurs de la société civile de la zone Cemac ont globalement penché pour une réforme « profonde » du F CFA.
« Je crois qu’il est apparu de manière assez claire de ces travaux que la coopération monétaire avec la France mérite d’être réformée. Maintenant, au niveau du sens de la réforme, les avis bien évidemment sont partagés. Il y en a qui se contenteraient par exemple d’une réforme même simplement de l’appellation, vu la charge symbolique qui est autour de ce nom. Mais, pour la grande majorité, la réforme ne devrait pas se limiter à un changement de nom. Il faudrait une réforme profonde », a expliqué le professeur Alain Kenmogne Simo, agrégé des facultés de droit.
Parité avec l’Euro
Avec cette réforme en gestation, l’on pourrait s’attendre par exemple en plus du changement de nom à la mise en place d’une nouvelle politique de change. Notamment, quitter la parité fixe avec l’euro pour un taux de change flottant ou intermédiaire. « Entre le taux de change flottant et le taux de change fixe, il y a une panoplie de politiques de change intermédiaires. En réalité, nous tendons vers une politique intermédiaire et non plus sur l’arrimage à l’euro qui pour nous est déjà dépassé. Dépassé parce que nous avons de nouvelles ambitions, une nouvelle stratégie de développement, parce que l’environnement international a également changé », explique le professeur Gabriel Zomo, professeur titulaire à l’Université Omar Bongo de Libreville.
Pour cet économiste, les échanges de la Cemac (Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée Équatoriale et Tchad) avec la France constituaient, au moment de l’adoption du F CFA comme monnaie, une grande part du commerce extérieur des pays de la zone. Or, aujourd’hui, les partenaires économiques de la zone sont assez diversifiés, avec des échanges qui se sont considérablement accrus ces dernières années avec la Chine et d’autres pays asiatiques.
Par ailleurs, pour le professeur Gabriel Zomo, les pays de la zone devraient chercher à avoir un taux de change faible au vu de la qualité de produits qu’ils proposent sur le marché international. « En général, quand on est spécialisé dans des produits de haute intensité technologique, on a tendance à avoir un taux de change fort. C’est le cas de l’Allemagne. Mais, quand on a des produits ‘’bas de gamme’’, on a tendance à chercher un taux de change plus faible parce qu’il faut vendre. C’est pourquoi l’arrimage à l’euro pose problème. Car, on a une surévaluation tendancielle, alors que nous avons des produits “bas de gamme” ».
La bonne gouvernance
Créé en 1945, le F CFA renvoie à l’époque des colonies françaises puisqu’il signifiait « franc des colonies françaises d’Afrique ». Ce nom a évolué depuis novembre 1972 pour devenir Franc de la coopération financière en Afrique centrale. La réforme exigée par les chefs d’État de la zone depuis 2019 se rapporte à l’évolution des principaux mécanismes actuels de la coopération monétaire avec la France, à savoir : la garantie de convertibilité illimitée de la monnaie émise par le BEAC, le F CFA, par la France ; la fixité du taux de change ; la liberté de transfert entre les pays membres de la BEAC et la France ; la centralisation des réserves auprès d’un Compte d’opérations ouvert au trésor français.