PolitiqueCoopération bilatérale : La France suspend son aide au développement au Mali… le gouvernement de Bamako déclare la guerre aux ONG financées par Paris
La France a invoqué la connexion entre les militaires au pouvoir de transition au Mali et l’organisation paramilitaire russe Wagner pour suspendre son aide publique au développement. Du coup, le gouvernent malien réplique et interdit les activités des ONG sur le financement de Paris.
La France a suspendu son aide publique au développement à destination du Mali. Pour justifier cette action, le ministère des Affaires étrangères invoque le recours au groupe paramilitaire russe Wagner par le pouvoir malien de la transition.
« Face à l’attitude de la junte malienne, alliée aux mercenaires russes de Wagner, nous avons suspendu notre aide publique au développement avec le Mali », a expliqué une source du Quai d’Orsay.
L’aide humanitaire maintenue
Le Mali, qui a connu deux coups d’État en 2020 et 2021 et entretient des relations à couteaux tirés avec Paris, s’est tourné depuis un an vers la Russie.
Selon les pays occidentaux, les autorités maliennes auraient recours au groupe Wagner, accusé de servir les intérêts du régime du président russe Vladimir Poutine, ainsi que de prédation économique et de violations des droits humains au Mali.
Le gouvernement malien dément, reconnaissant une coopération avec l’armée russe au nom d’une relation ancienne d’État à État.
Le Quai d’Orsay ajoute que Paris maintient néanmoins son « aide humanitaire » et quelques soutiens à « des organisations de la société civile maliennes », sans citer de noms particuliers.
Bamako interdit les activités des ONG sur le financement français
Suite à l’annonce de l’Hexagone de suspendre son aide publique au développement à destination du Mali, en raison de la coopération militaire Mali-Russie et des risques de détournement de cette aide, le gouvernement de la transition du Mali est sorti de son silence.
Dans un communiqué rendu public, le lundi 21 novembre 2022, le Porte-parole du gouvernement malien, Colonel Abdoulaye Maïga et non moins Premier ministre par intérim, réaffirme qu’il s’agit des “allégations fantaisistes” et qui n’ont pas de fondement.
Le porte-parole du gouvernement considère l’annonce de la France « comme un non événement », car c’est un « subterfuge destiné à tromper et manipuler l’opinion publique nationale et internationale aux fins de déstabilisation et d’isolement du Mali ». Dans ce même communiqué, le gouvernement de Bamako a tenu à rappeler les trois principes de la refondation du pays. Il s’agit du respect de la souveraineté du Mali ; le respect des choix des partenaires et des choix stratégiques opérés par le Mali ; et la prise en compte des intérêts vitaux du peuple malien dans les décisions. Par ailleurs, le gouvernement de la Transition malienne a décidé d’interdire, avec effet immédiat, toutes les activités menées par les ONG opérant au Mali sur le financement ou avec l’appui matériel ou technique de la France, y compris dans le domaine humanitaire.
Des ONG s’inquiètent !
Entre janvier 2013 et septembre 2017, le montant des octrois de la France au Mali, au travers de l’Agence française de développement, s’est élevé à 310 milliards FCFA, soit 473 millions d’euros. Mais depuis un certains temps, la tension entre les deux pays est restée vive et la France envisageait de suspendre, définitivement, l’aide au développement à destination du Mali.
Cependant, cette décision qui n’a pas encore été officiellement annoncée par Paris, intervient dans un contexte de tensions accrues avec Bamako. Depuis le rapprochement politique entre les autorités maliennes et leur nouveau partenaire russe accusé de leur fournir des mercenaires à travers le groupe Wagner, les relations entre la France et le Mali n’ont cessé de battre de l’aile.
Pour certaines organisations de la société civile, cette nouvelle mesure qui fait suite au retrait, il y a quelques mois, des derniers soldats français de la force Barkhane, présents au Mali, pourrait avoir de lourdes conséquences sur la population malienne.
Dans un courrier adressé au président français Emmanuel Macron et cité par Le Monde, le collectif Coordination Sud, regroupant des ONG françaises de solidarité internationale, indique que la suspension de l’aide publique au développement (APD) allouée par Paris « entraînera l’arrêt d’activités essentielles voire vitales menées […] au profit de populations en situation de grande pauvreté ».
Au total, près de 70 projets de développement en cours ou prévus au Mali, ces prochaines années, pourraient être stoppés en cas d’application de la mesure. D’après l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Mali a reçu 121 millions $ d’aide publique au développement de la France en 2020. Alors que plusieurs pays, tels que la Suède, le Royaume-Uni ou encore la Côte d’Ivoire, ont entamé le retrait de leurs Forces du Mali, la suspension de l’APD de la France pourrait ouvrir un nouveau front économique dans le processus d’isolation progressive de Bamako sur la scène internationale. Ces organisations appellent le président français à revenir sur cette décision, arguant que l’aide publique au développement de la France via ces ONG devait être « garantie en dehors de tout agenda politique ou sécuritaire, et uniquement selon les besoins des populations ».
Notons que, d’après l’ONU, la situation humanitaire au Mali, en proie à l’insécurité et aux chocs climatiques, est préoccupante. L’institution estime que 7,5 millions de personnes dans le pays ont besoin d’assistance humanitaire cette année, 4,8 millions sont en situation d’insécurité alimentaire alors que 1 664 écoles sont non fonctionnelles, soit 16% des écoles du Mali.
En attendant, la situation se corse davantage entre le Mali et la France.