L’Hôtel Kempeski El Farouk de Bamako a servi de cadre, le jeudi 24 novembre 2022, au lancement du Rapport National sur le Développement Humain (RNDH) 2021-2022 et du rapport Mondial sur le Développement Humain (RMDH) 2021-2022. Ils ont été lancés par le Ministère de la santé et du développement social, à travers l’Observatoire du Développement Humain Durable et de la Lutte Contre la Pauvreté (ODHD/LCP) et le Programme des Nations Unies pour le Développement, dans le cadre de la mise en œuvre du Programme d’appui à la gouvernance économique, à la résilience et au développement durable au Mali (PAGEDD-Mali 2021-2024. Les travaux des lancements ont été coprésidés par Abdoulaye Idrissa Maïga, représentant du Ministre de la santé et du développement social, et du représentant résident du PNUD au Mali, Alfredo Teixeira. C’était en présence de plusieurs autres personnalités dont le Médiateur de la République, Mme Mallé Aminata Sanogo ; de la Mairie de la Commune III ; du conseil national de la société civile ; du conseil national du patronat du Mali. Si le thème du RNDH a porté sur la «Distribution et redistribution du revenu au Mali et leurs impacts sur la pauvreté et les inégalités», celui du RMDH a porté sur «Temps incertains, vies bouleversées : façonner notre avenir dans un monde en mutation». Selon l’ODHD/LCP, ces deux rapports demeurent des outils de dialogue, de politique et de mobilisation de ressources. Ils constituent également, outre l’observatoire, des instruments de sensibilisation et de plaidoyer à l’intention de différents publics cibles décideurs, organismes de développement, collectivités territoriales, secteur privé, société civile, milieu universitaire et les médias. L’objectif général est de présenter le RNDH et le RNDH 2021-2022 en vue de favoriser l’appropriation de leurs résultats par les différents acteurs.
Selon Abdoulaye Idrissa Maïga, l’objectif du RMDH est de nous aider à sortir de cette impasse et à suivre une nouvelle voie qui mettra fin à ces incertitudes mondiales actuelles. Selon lui, le RMDH examine les raisons pour lesquelles le changement nécessaire ne se produit pas et suggère que les raisons en sont nombreuses, notamment la façon dont l’insécurité et la polarisation s’alimentent mutuellement aujourd’hui pour entraver la solidarité et l’action collective dont nous avons besoin pour faire face aux crises à tous les niveaux.
Selon le représentant du ministre de la santé, le RMDH fournit tout d’abord un état des lieux des avancées et reculs enregistrés en matière de développement humain dans le monde, en s’appuyant sur les différents indicateurs de développement humain du PNUD. «A titre illustratif, le développement humain est retombé à ses niveaux de 2016, annulant ainsi une grande partie des progrès vers la réalisation des objectifs de développement durable, car plus de 90 % des pays ont enregistré une baisse de leur indice de développement humain (IDH) en 2020 ou 2021 et plus de 40 % ont vu leur score chuter au cours de ces deux années, signalant que la crise continue de s’aggraver pour beaucoup», a-t-il illustré. Avant d’ajouter que le rapport constate que certains pays commencent à se remettre sur pied. « La reprise est inégale et partielle, creusant encore les inégalités en matière de développement humain. L’Amérique latine, les Caraïbes, l’Afrique subsaharienne et l’Asie du Sud ont été particulièrement touchées. Doubler le développement humain sera essentiel pour assurer un avenir plus prospère pour tous », a-t-il prévu.
S’agissant du thème du RNDH 2021/2022, indiqu Abdoulaye Idrissa Maïga, il a pour objectif d’analyser les impacts de la distribution et de la redistribution du revenu sur la pauvreté et sur les inégalités au Mali. Il demande, ajoute-t-il, de faire un état des lieux du système fiscal et des transferts, notamment du point de vue de la progressivité des impôts et taxes, des autres formes de prélèvement obligatoire et des transferts. Il se focalise, selon lui, sur les inégalités de revenus, fait le point des mécanismes de distribution et de redistribution de revenus et leurs impacts sur la pauvreté et les inégalités. «Les résultats obtenus montrent qu’au Mali, il y a trois (3) grandes sources de revenu, à savoir le revenu procuré par le travail, le revenu procuré par le capital et le revenu tiré des transferts. Le revenu du travail comprend à son tour les salaires et le revenu d’activité des indépendants qui peuvent être agricoles ou non agricoles. Le revenu annuel total de l’ensemble du pays est estimé en 2019 à 3 984 milliards de FCFA dont 91% de revenu du travail, 7% de transferts et 2% de revenu de capital», a fait savoir Maïga. Et d’ajouter que la pauvreté frappe en 2019 un peu moins de la moitié de la population (47,8%), mais cette incidence est plus grande en milieu rural ((59,7%) qu’en milieu urbain (13,9%). «Le taux de pauvreté baisse clairement avec le niveau d’éducation. L’écart moyen au seuil de pauvreté est de 23% dans l’ensemble et a globalement les mêmes tendances que le taux de pauvreté. Les contributions relatives à la pauvreté sont de 7% pour le milieu rural et 92% pour le milieu urbain. Le niveau global d’inégalité de revenu mesuré par l’indice de Gini est, en 2019, de 44,5%. La distribution du revenu est plus inégalitaire en milieu urbain et parmi la population ayant un homme comme chef de ménage. La composante «intra-milieu» de l’inégalité de revenu pèse 50,8% contre 31% de composante «inter-milieu»», a révélé le représentant du ministre du développement social.
Il ressort du rapport, dit Abdoulaye Idrissa Maïga, que la redistribution par les taxes a eu pour effet d’augmenter les indices de pauvreté, aussi bien l’incidence que la profondeur. Le milieu urbain est plus touché que le milieu rural en termes d’augmentation de la proportion de pauvres, mais moins touché en termes d’augmentation de l’écart moyen des pauvres à la ligne de pauvreté. L’effet des taxes sur les inégalités est aussi à la hausse, mais atténué par l’effet des transferts sur les revenus des ménages surtout ceux au bas de la distribution. L’essentiel des prélèvements obligatoires est constitué par la taxe sur la consommation des ménages 17,2% comparativement à l’impôt sur le revenu 5,4% et très peu de charges sociales 0,5% puisque l’emploi est majoritairement informel.
Alfredo Teixeira a justifié que le RMDH a porté sur les incertitudes. « Les pays du monde entier ont été confrontés, depuis cinq ans, à des défis de divers formes qui s’expriment en termes de crises. Les souffrances des populations ont été grandes en raison de la crise engendrée par la pandémie du Covid-19, la problématique de changements climatiques et les effets socioéconomiques de la guerre en Ukraine et dans d’autres pays. Cette situation d’incertitudes a certainement des répercussions sur le niveau de développement humain des populations. Le rapport positionne clairement le développement humain non seulement comme un objectif, mais aussi comme un moyen d’avancer en ces temps incertains », explique-t-il.
Le rapport mondial recommande de mettre en œuvre des politiques axées sur l’investissement (des énergies renouvelables à la préparation aux pandémies) et sur l’assurance (notamment la protection sociale) qui prépareront nos sociétés aux aléas d’un monde incertain. C’est-à-dire, «redoubler d’efforts en matière de développement humain sans nous contenter d’améliorer la richesse ou la santé des personnes ; protéger la planète et fournir aux individus les outils dont ils ont besoin pour se sentir plus en sécurité, reprendre le contrôle de leur vie et conserver l’espoir dans l’avenir».
Le RNDH 2021/2022, pour sa part, formule des recommandations pertinentes en vue d’améliorer la mise en œuvre des politiques de distribution et de redistribution au Mali, en vue de lutter contre la pauvreté des populations et de réduire les inégalités de revenus. Ainsi, conclut ledit rapport, les recommandations pertinentes contenues dans ces deux (02) rapports, contribueront à une meilleure prise en compte des questions de Développement Humain Durable et de la lutte contre la pauvreté en vue de l’atteinte du Cadre stratégique pour la Relance Economique et le Développement Durable (CREDD) 2019-2023 et des Objectifs de Développement Durable (ODD).