ÉconomieMise sous mandat de dépôt du président de la CCIM et de deux de ses collaborateurs : Méprise ou mauvaise appréciation, attention à l’erreur de justice !
Cela fait maintenant une semaine, depuis le 23 novembre, que Youssouf Bathily, le très entreprenant président de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Mali (CCIM), et deux de ses proches collaborateurs, Cheick Oumar Camara et Lamine Sacko, respectivement Secrétaire général et comptable de l’institution consulaire, croupissent à la Maison Centrale d’Arrêt de Bamako dans l’affaire dite des fonds du Covid-19. Depuis cette mise sous mandat de dépôt qui ne cesse de défrayer la chronique, le monde des affaires et aussi le landerneau politique sont traversés par de multiples questionnements. Le rapport du bureau du Vérificateur général à la base de la poursuite est retourné dans tous les sens pour déceler d’éventuelles failles. Normal puisque Youssouf Bathily n’est pas n’importe qui : il est connu comme un homme d’affaires particulièrement avisé, sérieux et honnête, qui, au-delà de sa personne, a toujours eu grand souci du secteur privé et du Mali.
*Dans l’affaire, deux choses ne souffrent d’aucun doute. La première est que tout le monde sait que le bureau du Vérificateur général investigue selon des règles précises de gestion, de comptabilité, de passation des marchés, en suivant les conséquences qui doivent être absolument traçables dans les livres d’opérations. La deuxième est qu’il ne viendra à l’esprit de personne de vouloir défendre les manquements aux bonnes procédures. Mais ces deux positions suffisamment claires et incontournables, l’opinion publique, non pas seulement les citoyens lambda, mais aussi de nombreux chevronnés des questions économiques et financières, se demandent si le rapport du bureau du Végal a tenu de l’exceptionnel, c’est-à-dire des autorisations ad hoc qui ont prévalu dans la gestion des fonds Covid-19 en 2020. Le magistrat, en l’occurrence le Procureur en charge du Pôle économique et financier de la commune III, contraint lui aussi au respect des règles en vigueur, peut ne pas s’accommoder des facilités accordées officiellement dans l’urgence par le président de la République et le chef du gouvernement en matière de procédures de décaissement et d’inscriptions légales des opérations. Or, se référant (se fondant donc) sur un discours à la nation prononcé le vendredi, 10 avril 2020, par le Président Ibrahim Boubacar Keïta, le Premier ministre, Boubou Cissé, avait adressé sept jours après, le 17 avril 2020, une lettre confidentielle à madame le ministre délégué auprès du ministre de l’Economie et des Finances, c’est-à-dire lui-même puisqu’il cumulait les deux fonctions de Premier ministre et de ministre de l’Economie et des Finances). Autrement dit, IBK, le président de la République, et son Premier ministre, chef du gouvernement et non moins ministre de l’Economie et des Finances, sont, en tant qu’autorités au niveau supérieur, ceux-là qui ont autorisé d’enjamber les procédures avec célérité afin que les élections législatives auxquelles ils tenaient comme à la prunelle de leurs yeux se tiennent qu’ils voulaient, peu importe que les règles soient respectées ou pas. On se souvient toujours de la malencontreuse affirmation du Premier ministre d’alors, qui a eu au moins sept jours pour se concerter avec son Président, disant « Covid-19 ou pas, les élections législatives se tiendront ». Or, la lettre confidentielle du 17 avril 2020 mettait particulièrement l’accent sur l’exonération (« – exonérer droits et taxes les produits sanitaires et pharmaceutiques entrant dans le cadre dans la lutte contre le Covid-19… ». Quand le président de la République et son Premier ministre, qui est en plus le ministre de l’Economie et des Finances ordonnent prestement l’exonération sur des produits dans un contexte particulier, ils en portent l’entière responsabilité. Ceux qui s’y conforment ne sont rien de moins que comme des soldats qui reçoivent des ordres particuliers.
Or, selon l’opinion de beaucoup, il y a dans l’affaire une différence dans l’interprétation des règles de procédure de passation des marchés selon que l’on soit de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Mali ou selon la rigueur de la démarche suivie par le bureau du Végal ou la perception non moins professionnelle du magistrat. Dans tous les cas, dès lors qu’il existe bien une instruction confidentielle autorisant l’exonération aux opérateurs engagés dans la lutte contre le Covid-19, il est difficile de faire l’impasse sur l’esprit de cette lettre confidentielle du Premier ministre qui est, ipso facto, la cause de l’imbroglio.
En 2020, c’est effectivement et indéniablement dans cet esprit que, dans le cadre du « Plan de riposte économique et social contre la Covid-19 », la Primature a alloué des fonds à plusieurs structures publiques et parapubliques. La Chambre de Commerce et d’Industrie du Mali (CCIM) en a bénéficié pour l’achat de 20 millions de masques anti-Covid-19 pour prendre une part importante dans le programme présidentiel «Un Malien, un masque ». La raison ? Sans doute parce que la CCIM, en tant que tremplin des opérateurs privés, est la structure appropriée pour agir dans l’urgence. Et c’est parce que, aussi, le Président de la CCIM, Youssouf Bathily est connu pour ses capacités de négociation et pour son carnet d’adresses bien fourni. C’est pourquoi il convient et il urge de réexaminer avec minutie rapport du Végal sur la gestion des fonds alloués à toutes les structures publié le 13 juin 2021, et transmis à la justice, dans lequel le Vérificateur général indique avoir décelé des irrégularités financières d’un montant de 10 942 500 000 F CFA dans l’achat des masques effectué par l la CCIM. Ce qui a valu à Youssouf Bathily et à ses deux collaborateurs directs d’être convoqués par le Pôle économique et financier de Bamako et ensuite placés en garde à vue, pour être finalement mis sous mandat de dépôt et envoyés illico dare-dare à la Maison Centrale d’Arrêt de Bamako. Il s’avère bien pourtant que les protagonistes dans cette affaire n’ont pas eu la même façon d’interpréter les règles de procédures de passation de marché de la Ccim en raison, justement, d’une instruction confidentielle du Chef de l’Etat et du Chef du gouvernement.
S’il y a méprise, voire différence d’interprétation, il importe d’éviter de commettre l’erreur judiciaire. Youssouf Bathily et ses collaborateurs peuvent être bien exhibés comme de formidables trophées dans la lutte contre la corruption et la délinquance financière, mais s’il s’avère demain que c’est dans la hâte qu’il n’a pas été tenu compte de l’exonération sur la base de laquelle ils ont agi, le préjudice, moral et social, sera énorme pour eux, et on aura brisé des acteurs innocents qui n’auront joué que selon une opportunité offerte par le président de la République et son Premier ministre. Il s’y ajoute que de vrais délégués, véritables fossoyeurs de l’Etat, se la coulent douce, narguant même l’opinion publique, et ne manquent d’actionner les syndicats, les centrales en l’occurrence, chaque fois que la justice veut les rattraper.
Youssouf Bathily n’est pas n’importe qui. En mars 2022, il y a seulement huit mois, c’est lui qui, au nom de son institution, a accompagné le Premier ministre, chef du gouvernement, Dr. Choguel Kokalla Maïga, à Doha (Qatar), à la tête d’une importante délégation. La Chambre de Commerce et d’Industrie du Mali (CCIM) avait été en vedette au cours de ce voyage qui a été, pour les opérateurs économiques de notre pays une véritable aubaine. En effet, un protocole d’accord signé par M. Bathily avait consacré entre Qataris et Maliens plusieurs opportunités d’affaires. On citera, entre autres : le secteur de l’agriculture et l’agro-industrie, le textile (le Mali est premier producteur du coton en Afrique subsaharienne), l’élevage (Mali le cheptel occupe la 2ème place après le Nigeria en bétail sur pieds), le commerce et les services connexes, les mines (le Mali est 2ème producteur d’or après le Ghana) ; les énergies, l’eau potable, le gaz, les industries manufacturières, les industries du bâtiment et des travaux publics, le tourisme et l’hôtellerie, les transports, les télécommunications, les services financiers ; les caisses d’épargnes et les banques, les nouvelles technologies de l’information, les industries artistiques et culturelles, le ciment dont le clinker, principale matière première, est disponible à ciel ouvert dans beaucoup de zones au Mali, la formation professionnelle, la liste n’est pas exhaustive. Un mois après cette belle moisson, l’opportunité lui sera offerte de se rendre en Guinée, avec Abdoulaye Diop, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, qui y conduisait une délégation officielle comprenant Alousséni Sanou, ministre de l’Economie et des Finances, et Madame DEMBELE Madina SISSOKO, ministre des Transports et des Infrastructures. Il négociera avec talent au profit du Mali une importante livraison de carburant dont le pays était en attente fébrile. Par son entremise d’homme d’affaires averti, la négociation a été en effet engagée avec les autorités guinéennes pour céder au Mali quatre millions de litres de gasoil de leur stock. L’esprit de fraternité prévalant par ces temps d’hostilité à l’égard du Mali, la partie guinéenne ne rechignera pas, elle accélère même la conclusion du contrat. Ainsi, la SONAP (Société Nationale du Pétrole de Guinée) met les bouchées doubles pour vendre à son homologue du Mali, la SOMAPP (Société Malienne des Produits Pétroliers), les quatre millions de litres de gasoil. Ce n’est pas tout. La société guinéenne offre en plus 52 de ses citernes pour acheminer à Bamako, en deux voyages aller-retour, la précieuse quantité de carburant. En deux semaines, l’opération, contrôlée de bout en bout par Youssouf Bathily, a été exécutée à la grande satisfaction de la partie malienne.
Cette bouffée d’oxygène insufflée à EDM-sa, qui consomme un million de litres de gasoil par jour, était arrivé au bon moment. Elle aura coûté deux fois 800 millions FCFA pour la première phase et autant pour la seconde, soit 3,2 milliards FCFA, une importante somme qui vaut autant le sacrifice consenti. Tel se présente, dans l’opinion publique nationale, Youssouf Bathily, aujourd’hui privé de sa liberté.