Quand la volonté populaire n’est pas respectée lors des élections qui font émerger des systèmes de gouvernance dominés par la corruption, la délinquance financière, l’arbitraire et autres crimes assimilés, les coups d’Etat apparaissent, à regret comme « salutaires et sanitaires » !
Le 4 décembre, les chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest ont examiné les cas du Mali, du Burkina Faso et de la Guinée, où des militaires sont au pouvoir. Ils ont également annoncé la création d’une force censée lutter contre les coups d’État et le terrorisme.
Comme si l’espace communautaire est obnubilé par la préoccupation de lutter contre ces renversements de régimes, dont les causes sont pourtant bien connues. Celles-ci ont pour noms corruption, délinquance financière, crise sécuritaire, gabegie, favoritisme, népotisme, révision constitutionnelle pour s’octroyer de nouveaux mandats présidentiels, etc. Comment en effet éviter des soulèvements populaires pouvant conduire à démettre les présidents pour la plupart très mal élus ? Comment empêcher des mutineries susceptibles d’entraîner un putsch ? Comment éviter qu’un peuple décidé de prendre son destin en main pour dire non à la domination néocoloniale n’arrive à investir le palais présidentiel et chasser le dirigeant vomi pour sa gestion désastreuse du pays ? Voilà autant de questions auxquelles les chefs d’Etats ayant « l’art de dribler tout en gardant le ballon » ne trouvent pas de réponse.
Par ailleurs, l’on s’interroge sur l’opérationnalisation d’une force armée conjointe qui devra lutter contre les coups d’Etats. Comment des militaires de différents pays peuvent-ils constituer une force pouvant lutter contre des coups d’Etats ? Des frères d’armes devraient-ils attaquer d’autres ayant pris le pouvoir et les déloger contre les volontés des peuples ? De telles opérations ne comporteront-elles pas des risques excessifs et susceptibles de provoquer des guerres civiles, voire des génocides, quand on sait que les armées sont à dominance mono-ethnique dans certains pays? Rien n’est moins sûr.
Il faut toutefois rappeler que, récemment, l’on a enregistré des tentatives de coups d’Etat aux USA, en Turquie et, il y a quelques jours seulement en Allemagne, la première puissance économie européenne. Ces situations démontrent à suffisance que le monde est arrivé à un tournant qu’il est plutôt maladroit de compter dissuader les peuples de leurs volontés de se libérer des dominations supposées basées sur le système démocratique occidental. Et la CEDEAO doit intégrer cette donne dans ses projets politico-institutionnels, pour savoir que l’aspiration à une meilleure gouvernance, à plus de souveraineté et d’indépendance n’est pas seulement au cœur de la transition malienne, burkinabé et guinéenne. Il s’agit d’une soif collective des peuples dominés et étouffés par le système d’exploitation et d’asservissement des peuples en Afrique et au-delà de nos frontières.
Cette conviction doit inspirer les dirigeants de l’organisation ouest-africaine à revoir leurs calculs et à se préoccuper plutôt des questions de gouvernance internes des peuples. Ce qui conduira vite à la CEDEAO des peuples et non à celle des dirigeants en total déphasage avec les réalités contemporaines.