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Insécurité : Le retour du spectre des otages
Publié le mercredi 21 decembre 2022  |  L’Informateur
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La plus grande peur de certains observateurs est que le Mali retombe dans le cycle des prises d’otages qui alimentent le terrorisme. Les évènements récents montrent une tendance du retour des preneurs d’otages. On se souvient notamment de l’opération spéciale qui a libéré trois otages chinois au cours de l’année. Il y a eu aussi la libération réussie de la religieuse colombienne Sœur Gloria. Mais depuis, plus aucun otage étranger n’a été libéré des mains des terroristes au Mali. Pourtant, le président Goïta avait réitéré à un émissaire américain la disposition du Mali à soutenir tous les efforts visant à la libération des autres otages.

Selon des experts, il y a au moins six Occidentaux otages au Sahel dont deux Américains. Le premier Américain, Jeffrey Woodke, est un humanitaire chrétien qui venait en aide aux populations nomades avec une ONG à Abalak au Niger. C’est dans ce pays qu’il a été enlevé le 14 octobre 2016 et conduit au Mali. Sa compatriote Suellen Tennyson, une religieuse de plus de 83 ans avait été enlevée par des hommes armés non identifiés, dans la nuit du 4 au 5 avril 2022 dans la paroisse de Yalgo dans le nord du Burkina Faso.

À ces deux Américains s’ajoutent d’autres étrangers : allemand, australien, italien, roumain ou togolais. Beaucoup pensent qu’ils sont détenus au Mali. Il y a le journaliste Français Olivier Dubois. L’Allemand Jörg Lange, qui travaillait pour une ONG, avait été enlevé le 11 avril 2018 dans l’ouest du Niger et emmené vers le nord, non loin de la frontière malienne. Arthur Kenneth Elliott, un Australien âgé de 82 ans et chirurgien de profession, avait été kidnappé au Burkina Faso le 15 janvier 2016 avec son épouse Jocelyn, une prise d’otage revendiqué par le groupe djihadiste Ansar Dine.

Le Roumain Iulian Ghergut, officier de sécurité dans une mine de manganèse dans le nord du Burkina Faso, près des frontières du Mali et du Niger, a été capturé le 4 avril 2015 par des hommes armés. Au mois de mai dernier, un couple italien avec leur enfant et un Togolais avaient été enlevés par des hommes armés non identifiés à Sincina dans le cercle de Koutiala près de la frontière avec le Burkina Faso.

C’est dans ce contexte qu’il y a quelque mois, le président de la Transition a reçu en audience, l’envoyé spécial du président américain, chargé des questions d’otages, Roger Carstens. Les échanges entre les deux parties ont porté notamment sur les efforts mutuels à déployer par les deux pays pour libérer les otages américains et d’autres étrangers aux mains des groupes terroristes au Mali. La délégation américaine a trouvé que le Président de la Transition est dans de bonnes dispositions pour aider les otages de toutes les nationalités.

Aujourd’hui, de nombreuses questions se posent au sujet des disparitions de personnes comme le père blanc que l’on continue de rechercher. Les djihadistes ont-ils pu enlever un missionnaire chrétien à Bamako au cœur de la capitale malienne ? La question est posée de plus en plus depuis le 20 novembre, date à laquelle le père Hans Joachim Lohre, membre des Missionnaires d’Afrique, est porté disparu. Pour l’instant, c’est seulement sa voiture qui a été retrouvée avec la porte ouverte. Les proches et la communauté du prêtre ont fait part de leur inquiétude. Le vieux prêtre enseignait à Bamako devait se rendre dans sa communauté de Kalaban Coura pour la messe dominicale, mais depuis, il n’y aucune nouvelle de lui, selon ses proches.

Plus de vingt jours après sa disparition, aucune revendication ni demande de rançon n’a été faite. Les enquêtes sont en cours et il n’y a toujours aucune piste encore moins une nouvelle du père blanc. Beaucoup se demandent si l’on a à faire à une simple criminalité. Les questions autour de cette disparition restent encore en suspens, selon les spécialistes qui savent que les enlèvements récents à Bamako ne sont pas tous l’œuvre de terroristes assoiffés d’argent.

Il y a quelques semaines, les forces spéciales maliennes ont mis aux arrêts des preneurs d’otages à Bamako. Plusieurs étrangers étaient parmi les ravisseurs dont des Français. Ces malfrats motivés par le gain facile étaient venus à Bamako pour prendre en otage les membres d’une famille et avaient réclamé près d’un milliard de FCFA comme rançon. Pour le cas du père Joachim, la thèse d’un enlèvement par les groupes djihadistes dans la capitale n’est pas à écarter.

Certains affirment que le prêtre serait aux mains du JNIM, ce groupe djihadiste affilié à Al-Qaida. Dirigé par Iyad Ag Ghali, ce groupe fait d’habitude de la prise d’otage son principal business. Le groupe d’Iyad n’en est pas à son premier enlèvement dans la communauté chrétienne du Mali. En février 2017, la sœur colombienne, Gloria Cecilia Narváez, a été enlevée par des membres du JNIM et libérée plus de 4 ans plus tard contre une rançon de centaines de milliers d’euros payée par le Vatican.

On raconte que le père Joachim est un grand connaisseur du Mali où il résidait depuis 30 ans. Le missionnaire d’origine allemande avait pour mission, au sein de l’Institut de formation islamo-chrétienne de Bamako, la formation de laïcs et religieux dans l’objectif de promouvoir le dialogue entre chrétiens et musulmans. Partenaire de l’Aide à l’Église en Détresse (AED), il avait déjà évoqué auprès de l’ONG le danger qui le menaçait.

Selon plusieurs sources, la plupart des prises d’otages est l’œuvre de la katibat Macina, un groupe djihadiste actif dans le centre du Mali.

Faut-il le rappeler, en novembre 2018, l’armée française avait annoncé avoir « probablement » tué son chef, Amadou Koufa, ce qui s’est révélé faux. L’information avait ensuite été confirmée par le gouvernement malien, puis démentie par les faits : Amadou Koufa est réapparu dans une vidéo, et un dernier message diffusé début mai sur les réseaux sociaux lui est encore attribué.

A la tête de la katiba Macina, ce prédicateur radical est devenu ces dernières années une figure du djihadisme au Mali, et par extension au Sahel. Plus qu’un chef militaire, Amadou Koufa est un guide spirituel, catalyseur des frustrations des jeunes de sa région, principalement issus de la communauté peule, frustrations exploitées pour le projet djihadiste global. Agé d’une soixantaine d’années, il est devenu en janvier 2015 le fer de lance de l’insurrection islamiste dans le centre du Mali, désormais principal foyer de tensions de la région.

Début mars 2017, il apparaît aux côtés du Touareg malien Iyad Ag Ghali et de ténors d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) et d’Al-Mourabitoune, sur une vidéo entérinant la fusion de leurs mouvements au sein du Groupe pour le soutien de l’islam et des musulmans (GSIM). Tous ces hommes se placent alors sous le commandement d’Iyad Ag-Ghali, confirmant une nouvelle fois la stratégie d’ancrage local voulue par les chefs algériens d’AQMI.

Une forme de consécration d’Amadou Koufa intervient le 8 novembre 2018 avec la publication d’une nouvelle vidéo de propagande où, cette fois, l’homme n’est plus en retrait mais face caméra, flanqué de son mentor et de l’Algérien Djamel Okacha, qui aurait été tué en février par l’armée française. Le prédicateur accuse alors la France d’avoir envoyé « ses chiens dans le Macina » mais, surtout, son message est pour la première fois clairement destiné à rallier à la cause djihadiste, bien au-delà de sa région, les Peuls « massacrés parce qu’ils ont élevé le drapeau de l’islam ».

Nampaga KONE
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