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Etat de la nation : ‘’Notre pays doit prendre la décision ferme de ne pas vivre avec l’épidémie de violences atroces’’
Publié le vendredi 23 decembre 2022  |  Le challenger
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L’année qui s’achève a posé de nombreux défis au peuple malien. Notre pays subit une période historique de conflits sanglants et meurtriers qui ont culminé ces douze derniers mois et refusent encore de diminuer malgré l’agressivité des forces de défense et de sécurité dans leurs approches et réactions. Les effets néfastes de ces attentats perpétrés par des terroristes impies ont engourdi et traumatisé notre peuple. La violence saigne dans notre conscience. Mais encore, ce qui nous empêche de dormir la nuit, c’est la question de savoir si notre pays apprend simplement à vivre avec ces horreurs. Nous devons maintenir notre sentiment d’indignation face à ces monstruosités. Notre pays doit prendre la décision ferme de ne pas vivre avec cette épidémie de violences atroces.

Les lumières de l’année s’éteignent aussi avec la disparition inestimable de plusieurs de nos dignitaires comme le Président Ibrahim Boubacar Keita, les Premiers ministres et Présidents de Partis, Messieurs Soumeylou Boubeye Maïga et Younoussi Touré, et bien d’autres citoyens dont nous ne saurions citer tous les noms, mais tous très importants pour notre nation. Que leurs âmes demeurent en paix pour l’éternité.

Comme toujours, nous nous inclinons respectueusement devant le courage et le sacrifice des maliens qui endurent, avec beaucoup de dignité et de philosophie, les épreuves de ces moments difficiles qui nous espérons ne seront qu’une parenthèse de notre histoire commune et de notre destin commun. Nous tenons à réaffirmer notre solidarité avec nos sœurs et frères des régions au centre et au nord du pays en quête de paix et de liberté, et réitérer notre soutien envers toutes les initiatives visant à mettre un terme aux occupations immorales et illégales ‘‘djihadistes’’. Nous exprimons notre compassion et notre solidarité profonde aux familles des victimes. Nous rendons aussi hommage aux braves et héros tombés sur le champ de bataille qui méritent à jamais notre reconnaissance et notre respect relatif à l’ultime sacrifice qu’ils ont accompli pour notre nation. Ce sacrifice consenti pour notre pays ne doit jamais être oublié. Le Mali a toujours été une nation de mémoire. Célébrer la mémoire de nos volontaires tombés au champ d’honneur c’est également recevoir le patrimoine de la mémoire et le transmettre. Le devoir de mémoire, c’est l’expression de la dette éternelle que nous avons à l’égard de ceux qui sont tombés en défendant la patrie, et de l’héritage que nous devons à notre tour léguer, en ayant à l’esprit que nous ne sommes que dépositaires de ce patrimoine. Nos pensées et nos prières accompagnent nos citoyens en uniforme et les troupes étrangères qui risquent chaque jour leur vie au nom de notre nation, et à leurs familles qui vivent dans l’anxiété.

Pour rembourser cette immense dette de reconnaissance à leur égard, nous devons mobiliser tous les secteurs de la société pour lutter contre la haine anti forces de défense et sécurité maliennes et travailler avec nos institutions pour prendre des mesures sérieuses afin de mieux équiper et protéger nos femmes et hommes en uniforme. En effet, les reportages sans fondement remplies d’inexactitudes sur les forces de défense et de sécurité continuent à s’intensifier face à la reconquête de la souveraineté du pays et dans un climat complice de certaines presses et organisations de droits de l’homme, et sans cesse instrumentalisés par les adversaires du Mali qui se sont promis d’engager une campagne d’intoxication contre nos femmes et hommes en uniformes afin de les empêcher de remplir leurs prérogatives constitutionnelles d’assurer la protection du pays, et d’empêcher leur projet diabolique de nous diviser sur plusieurs lignes. Le peuple malien ne saura donner l’occasion aux adversaires du Mali de continuer à diviser notre pays, à soumettre nos compatriotes à des violences physiques et assassinats, à meurtrir notre patrimoine culturel qui porte notre mémoire et notre identité, et à mener des assauts constants contre nos valeurs. Il faut se garder du piège de la division et de l’abdication et refuser la condescendance et le déni. Notre nation est menacée et nos femmes et hommes en uniformes comptent sur nous, le peuple dans son ensemble – uni et solidaire, pour poursuivre concrètement les efforts de défense et de sécurité.

L’année 2022 a commencé avec un mouvement qui symbolise la force, la résilience et la profonde fierté du peuple malien. Il y a aujourd’hui un constat évident de mouvement spectaculaire de transformation sociale et politique à travers le continent Africain. Ce mouvement traduit le besoin conscient, non seulement d’une indépendance politique et du bien-être des populations, mais aussi la nécessité de briser les chaînes de la dépendance économique et de la stagnation au niveau des politiques de gouvernance qui ont presque anéanti les capacités institutionnelles, délabré les infrastructures de base et profondément altéré les tissus socio-économiques. Le cri de ralliement des populations pour affranchir le continent du paupérisme, de l’instabilité, de la corruption et de l’assujettissement marque sûrement le début d’une nouvelle ère de gouvernance après plus de 60 ans de politiques non adaptées à nos réalités et valeurs.

Nos populations sont évidemment prêtes pour ce renouveau. Cependant, bon nombre de nos dirigeants n’arrivent toujours pas à saisir l’occasion pour apporter une vision différente et mettre au point de nouvelles stratégies de développement. Les dirigeants Africains en général ont besoin de changer de logique et leur mode de pensée. Ils doivent agir différemment pour tirer parti de la dynamique actuelle. Cela passe par la définition d’un nouveau contrat social et la mise au point de politiques nationales de sécurité et de nouvelles formes de partenariat dans lesquelles nos pays, en tant que partenaires à part entière, traitent intelligemment avec le reste du monde, tout en assurant une défense efficace de nos intérêts vitaux et nos propres priorités.

C’est pour cette raison que les maliens ont décidé de ne plus continuer à ignorer les causes de la crise que nous vivons. Ils ont compris que nous nous battons pour l’âme de notre nation et que le combat ne sera efficace que si elle s’appuie sur des citoyens mobilisés et acteurs de leur propre changement. Ils ont sûrement compris que nous sommes aujourd’hui face à notre destin et à nos responsabilités. Ils ont jugé de ne plus être vus comme des victimes consentantes. Alors, ils se sont réveillés et répondirent massivement à Bamako et à travers le pays, à l’appel des gouvernants maliens à manifester contre les sanctions de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et à s’opposer aux pressions internationales qui ne faiblissent pas. En effet, ils montrèrent une résilience stoïque face aux sanctions régionales et internationales. Et oui, on ne détruit pas l’âme d’un peuple même en quelques décennies !

Les gouvernants de la transition et leurs auteurs embauchés de l’avant-projet de Constitution du Mali nous ont présenté un projet de texte qui divise et délibérément discrimine certains segments de notre population. Aucune Loi ne doit hypothéquer l’avenir que les dignes filles et fils du pays ne peuvent manquer d’élaborer pour la mère patrie. Il semble que les auteurs de ces textes tiennent à nous désunir à jamais en pervertissant la loi à cette fin. Aussi, La non-clarification de certains concepts parmi tant d’autres lacunes et omissions dans le texte de loi ne peut qu’entraîner davantage des malentendus et des conflits dans notre société. Ce texte démontre une césure de plus en plus évidente entre nos populations et nos ‘‘élites’’ venant des différentes couches : religieuse, militaire, économique et intellectuelle, ou plus largement, entre les cercles de pouvoir et la société civile. Il démontre aussi et sûrement la faillite de nos élites et le besoin sans ambiguïté en compétence ingénieuse et innovante. Il est temps de comprendre que la nation et sa consolidation ne peuvent résulter que de la mise en œuvre de politiques de gouvernance adaptées et des institutions qui représentent réellement les aspirations du peuple. En tout état de cause, la Constitution doit être un esprit clair qui nous unis à travers des institutions stables et une pratique citoyenne. Ce qui doit être commun ne doit point nous désunir.

La situation économique et financière de notre pays est calamiteuse et les perspectives sont défavorables. Les finances publiques sont malsaines et bénéficient d’une gestion prédatrice. Le fléau de la corruption reste important et répandu dans tous les secteurs de la vie nationale. L’existence des malversations à grande échelle dans le secteur public est confirmée par le Vérificateur Général du Mali (VEGAL) dans ses récents rapports. L’apparition de l’inflation durable a détruit le pouvoir d’achat réel du malien menant une vie misérable et constamment à la merci de la violence, de la marginalisation et de la pauvreté endémique. Notre pays a besoin d’investissements et d’amélioration de la productivité (il faut remettre nos citoyens au travail) pour améliorer le pouvoir d’achat. Nous pouvons à présent apprécier ces quelques notes de réalisations dans ce sens :

Un protocole d’accord a été signé entre l’État du Mali et la Chine pour l’installation d’infrastructures de deux usines de filature à Koutiala et à Bamako.


La réduction de la dépendance du secteur minier vis-à-vis de l’extérieur et un meilleur contrôle de l’État sur le commerce se concrétisent davantage avec la signature d’une convention de partenariat relative au raffinage de l’or au Mali.


La pose de la première pierre d’une nouvelle usine de fabrication de ciment a été effectuée par le président de la transition malienne.


Le barrage hydroélectrique de 140 mégawatts de Gouina a été inauguré à Kayes. Cette infrastructure construite par l’Organisation pour la Mise en Valeur du Fleuve Sénégal (OMVS) fournira l’électricité aux pays membres de l’organisation.


Les derniers mois de l’année ont également été dominés par des images choquantes d’hôpitaux et de centres de santés insalubres dans un piètre état et les personnels soignants vivant des états d’âme complexes : confusion, angoisse, peur et souffrance. Pourtant, nous devons savoir que la santé de l’économie est tributaire de la santé des citoyens. Aujourd’hui, beaucoup de Maliens renoncent à se soigner faute de moyens. Le gaspillage, la corruption, le prix élevés des médicaments et soins par rapport aux revenus, le cout de l’hospitalisation, la pénurie de médecins compétents, et le laisser-aller dans le secteur ont contribué à creuser le fossé entre une population pauvre et malade et une population aisée en bonne santé recevant des soins à l’extérieur du pays ; mais aussi et surtout, ils menacent la pérennité de notre système de soins.

Des efforts doivent être menés afin d’accroître l’accès des populations à des soins de santé fiables en instituant une réforme de la santé pour établir un droit à la santé par amendement à la constitution. Les dépenses de santé au Mali représentent aujourd’hui peu de notre produit intérieur brut (PIB). Notre objectif doit être d’accroître d’une manière considérée cette part des dépenses nationales, et il faut notamment rationaliser les dépenses et lutter sans merci contre le gaspillage, la corruption, et les abus. L’exercice effectif des droits sociaux (notamment le droit à l’éducation et aux soins de santé) est un élément clé des droits du citoyen et devrait être considéré comme un objectif intrinsèque de toutes politiques de gouvernance. L’accès des citoyens aux soins de santé est un facteur de recul de la pauvreté qui permet d’améliorer les résultats scolaires, d’accroître la productivité et de doper la croissance économique. La prospérité et la juste répartition de ses fruits contribuent à la stabilité de la nation.

Malgré ces temps critiques pour la nation, les conflits sociaux avec plusieurs corporations dont les magistrats, les enseignants, les personnels soignants hospitaliers, ne trouvent aucune issue.

En effet, l’année a été aussi couronnée par une escalade de la tension dans le bras de fer entre les syndicats et l’administration. Il faut reconnaître que les inégalités de revenus sont criantes dans notre pays. La montée de la polarisation politique, la division sociale et la criminalité sont directement liées à l’inégalité économique croissante. Nos politiques actuelles de l’emploi semblent ne plus fonctionner comme souhaité. Pour autant, le manque d’emploi ou sa disponibilité sont des facteurs déterminants de la paix sociale dans un pays. L’emploi est le levier majeur de toute politique et stratégie de lutte contre la pauvreté. Il est donc important de faire de cette lutte, la pierre angulaire de notre politique de développement. Si nous voulons un jour réduire sérieusement les inégalités, nous avons besoin de solutions innovantes qui s’attaquent aux causes profondes.

Notre pays fait sûrement face à une crise sans précédent et nous devons en tenir compte dans nos demandes et considérations, toutefois faisons-en sorte que les vraies voix des travailleurs soient entendues et non celles des activistes avec des politiques sociales opportunistes. Conséquemment, il est crucial que les syndicats et le gouvernement trouvent activement et résolument des voies pour œuvrer ensemble afin d’améliorer la qualité de vie des travailleurs et la production dans l’ensemble des secteurs économiques. Il est temps de restaurer et consolider des relations sociales de qualité à travers le dialogue social qui peut aussi conditionner le développement harmonieux et durable de notre économie nationale.

Comme le syndicat des enseignants, les élèves et étudiants ont à leur tour défier les autorités scolaires et étatiques. L’épidémie de grève qui sévit actuellement a touché la nouvelle génération, et enfin d’être à la mode. Cependant, après tant d’années de mauvaise organisation des examens scolaires ; cette année, les examens se sont déroulés dans des conditions satisfaisantes grâce aux efforts déployés par les autorités. Malgré cela, nous avons une obligation morale, mais surtout un devoir civique essentiel, auquel nous ne saurions nous soustraire : sauver notre système éducatif. Cela commence par la mise au point d’un cadre rigoureux de réglementation et de surveillance pour une éducation cohérente et saine. Il est nécessaire de repenser les politiques d’éducation pour rendre l’école plus performante et sécurisée. L’éducation au Mali a besoin d’être remise à niveau afin de donner une forte impulsion au développement du pays. En même temps qu’elle s’enracine dans l’histoire, l’éducation des nouvelles générations engage l’avenir de notre nation et le futur de la citoyenne et du citoyen malien. Ce sont ces jeunes générations qui porteront plus tard notre nation sur leurs épaules. Notre combat doit alors être d’emprunter avec détermination la voie d’une nouvelle gestion au service d’une société moderne pour relever nos défis. Ce combat n’est autre que pour honorer la promesse qui a toujours été au cœur de notre vie sociale et culturelle, la promesse que nous avons reçue de nos aînés, qui veut que chaque génération vive mieux que la précédente. Nous devons nous acquitter de cet engagement envers nos jeunes populations, qui doivent être mieux nantis que nous afin que notre Nation avance vers des lendemains meilleurs.

La crise sociopolitique en cours a sans doute provoqué certaines divisions le long des lignes ethniques et religieuses. Les Musulmans et leurs coreligionnaires Chrétiens ont protesté contre les attaques verbales et blasphématoires contre l’Islam en cette fin d’année. Sachons qu’aucune solution ne saurait être durable si elle ne stipule la mise en place d’un État de droit et une justice sociale garantissant le respect des différences au plan politique, social et culturel. Seule une vraie démocratie imprégnée de nos valeurs pourrait apporter ces solutions à nos problèmes, un système politique qui prend en compte les engagements en faveur du bien-être de tous, tout en priorisant l’harmonie sociale. Notre riche histoire et notre diversité doivent toujours être une force dans le Mali de demain.

Le Mali a annoncé au mois de Mai son retrait du G5 Sahel, après avoir constaté que la présidence tournante de l’organisation, qui lui revenait en principe, ne lui était dans les faits pas accordée. En cause, l’opposition du Niger, en raison soi-disant du contexte politique malien alors que le Tchad à qui on a confié la présidence vit la même situation que le Mali. Le Tchad se trouve largement épargné par les critiques de la communauté internationale. Cette posture de ‘deux poids, deux mesures’ de la communauté internationale, un paradoxe qui semble être sans embarras pour elle, et l’état de notre nation doivent nous rappeler de rester fermes et inébranlables dans notre engagement à défendre et à protéger notre pays et nos valeurs. Il doit nous rappeler de faire preuve d’audace et de courage lorsqu’il s’agit de faire progresser le bien-être de nos communautés. Il doit nous rappeler de continuer à travailler durement pour un avenir meilleur, un avenir où nos citoyens pourront exprimer fièrement leurs valeurs et leur identité.

Le gouvernement de transition a accepté le renouvellement du mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) malgré son inefficacité dénoncée partout parce que souffrant d’une absence de cadre stratégique de résolution de conflits. Il y a longtemps que l’on dénonce la quasi inutilité de la MINUSMA dont les missions ne sont pas adaptées à cette guerre asymétrique que seuls les Maliens peuvent gagner quels que soient les moyens alloués à cette force internationale. La première bataille est celle des cœurs à gagner. C’est une affaire de très longue haleine qui nécessite bien sûr la poursuite de l’effort international mieux adapté et celui prioritaire de tous les Maliens. Il se peut qu’elle puisse réussir sa mission avec le temps et un alignement entre les ressources de la mission et son mandat, mais c’est un temps précieux dont le Mali ne dispose pas.

Par ailleurs, la tension entre le gouvernement malien, la MINUSMA et ses soldats ivoiriens suscite toujours pas mal d’interrogations. Il est certes assez clair que la MINUSMA et le gouvernement ivoirien pensaient pouvoir s’affranchir des règles concernant les relèves des contingents. Pour le reste, seul le temps nous élucidera sur la véracité des accusations soulevées de part et d’autre.

La maladroite CEDEAO a jeté l’huile sur le feu en cette fin d’année. En effet, sans le mentionner dans le rapport final de son avant dernier sommet, la CEDEAO semble bassement lancer un ultimatum au Mali en exigeant la libération des 46 militaires ivoiriens détenus au Mali avant le 1erjanvier 2023. Elle ne veut plus jouer le rôle de médiateur, mais plutôt un arbitre partisan.

Il serait plutôt sage pour l’organisation sous régionale de s’activer diplomatiquement à obtenir la libération des 46 militaires car nous doutons fort que les menacent puissent aider à faire bouger le Mali sur cette affaire. Ce comportement de la CEDEAO nous pousse finalement à nous interroger sur la nécessité des organisations régionales dans leur état actuel. Peut-être qu’il conviendrait de dresser un audit, un bilan qualitatif et quantitatif des activités de cette organisation. Nous pensons que le constat et le rapport qualité-prix seraient catastrophiques. Il semble qu’il y ait encore trop de disparités pour ne pas dire d’inégalités et d’injustices entre pays africains pour que les organisations africaines comme la CEDEAO soient efficaces tant politiquement et économiquement que militairement. On le constate dès qu’une crise survient. Les décisions prises au niveau collectif ne correspondent pas aux besoins des pays en crise qui rejettent les diktats de ces organisations et qui en sortent, le plus souvent temporairement.

En l’état actuel des choses, le Mali ne peut que se prendre en charge pour promouvoir son développement en établissant des relations bilatérales et multilatérales de coopération nécessaires tout en conservant sa liberté, le temps que les présidents de la CEDEAO retrouvent la raison. Le comportement de la CEDEAO nous fait perdre chaque jour l’essentiel de notre indépendance, de nos valeurs et de notre identité. Finalement, le bénéfice n’est pas au rendez-vous parce que perdre son identité conduit un peuple à sa perte. La balle est dans le camp des présidents de la CEDEAO qui sont évidemment en total déphasage avec leurs peuples et en déconnexion des réalités de notre sous-région.

Après avoir accusé la France d’espionnage et de subversion, le gouvernement malien a dénoncé l’accord sur le statut des forces françaises au Mali et le traité de coopération militaire. Il est évident que pour les Maliens, la France n’a pas rempli son contrat de débarrasser le pays de la menace djihadiste. Le divorce entre l’Élysée et la junte militaire arrivant au pouvoir après le coup d’État était donc inévitable. En effet, la France et ses alliés occidentaux ne jurent que par leur modèle de démocratie libérale totalement inadaptée aux réalités africaines, particulièrement au Mali en guerre. Toutefois, toutes politiques de gouvernance qui ne sont pas harmonieuses et discordantes avec les valeurs et pratiques culturelles du pays sont nécessairement vouées à l’échec. Les politiques actuelles de la France n’ont pas amélioré la situation, au contraire.

Dans un pas supplémentaire dans l’escalade entre les deux pays, Koulouba expulse l’ambassadeur de France pour ‘‘agissements incompatibles’’ avec sa fonction et réagit avec force à la suspension par la France de son aide publique au développement. Toutes les activités d’ONG financées par la France sont désormais interdites. Le gouvernement malien a justifié son action en dénonçant une aide ‘‘déshumanisante’’, un ‘‘moyen de chantage’’ et un ‘‘soutien aux groupes terroristes’’ au Mali. L’ONG suisse Appel de Genève est aussi dorénavant interdite au Mali.

On ne peut pas prétendre défendre les populations déshéritées et les sacrifier à cause d’un échec diplomatique. Mais encore, c’est à nous de nous occuper de nos populations et de nos communautés. Ce fardeau nous revient directement en tant que pays, d’où la nécessité de s’attaquer aux problèmes de l’aide qui est un cancer dans le corps africain et de la dette qui lui suce le sang. Il est encore plus important de dégager des stratégies pour le développement des ressources humaines nécessaires au développement économique et pour une bonne gestion de nos ressources naturelles afin qu’elles profitent prioritairement à nos populations dans leur ensemble. Nous devons sortir de la dépendance économique, politique et de la pensée à l’égard de l’Occident ou d’autres blocs politiques pour assurer notre survie. On ne peut humilier une nation que si elle vit dans la dépendance. Il est temps de prendre notre destin en main et d’arrêter de compter uniquement sur les autres. L’indépendance c’est l’aspect d’un peuple qui refuse de dépendre d’un autre peuple pour servir son pays. Aucun pays, aucune valeur étrangère, ou encore, aucune institution ne peut nous aider à notre place pour résoudre nos problèmes sociaux. Notre image politique doit devenir avant tout celle d’être libre, pour réaliser notre destin en toute liberté. Comme nous l’avons souligné auparavant, l’indépendance est éphémère si elle ne devient pas l’essence de la souveraineté nationale.

Au-delà de tout cela, les réalités de la géopolitique obligeront les parties à vite réparer les relations non seulement entre le Mali et la CEDEAO, mais aussi entre notre pays et la France et ses alliés européens qui sont stratégiques et nécessaires pour tous. Il est crucial que les relations retournent à la normale tout en prenant en compte les valeurs socio-politiques des deux parties afin d’éviter un clash préjudiciable tant aux Maliens qu’aux Européens.

Peu de périodes dans l’histoire de notre nation ont été plus difficiles que celle dans laquelle nous nous trouvons actuellement. Notre pays fait face à de grands défis sociaux, financiers et économiques à relever. Il est juste d’affirmer aujourd’hui que la gouvernance malienne est en crise et l’ensemble des citoyens sont touchés par la peur du lendemain. L’état de la nation est certes très inquiétant, mais nous devons conjuguer nos efforts et énergies en commun pour mieux faire face à l’adversité, et surtout relever ensemble les grands défis auxquels notre pays est confronté. Nous devons examiner de près notre passé pour mieux bâtir notre avenir ; reconnaître les erreurs passées pour en tirer des enseignements. Ces défis auxquels nous faisons face actuellement devraient être une grande opportunité pour nous d’apprendre davantage et de mieux préparer l’avenir. Il est temps de prendre les décisions éclairées essentielles à la réussite de nos démarches pour un Mali stable et surtout de montrer la volonté politique nécessaire qui nous permettra de consolider notre nation. A cet effet, nous devons rassembler toutes nos forces et toutes nos intelligences pour penser le rôle et la stratégie du Mali au vingt-et-unième siècle et faire les meilleurs choix : la réconciliation et la reconstruction d’une nouvelle armée républicaine et des forces de sécurité modernes, une politique extérieure moderne et pertinente, une bonne gouvernance, un état de droit et une justice sociale, et un programme viable de développement durable. Mais aussi, faire de la décentralisation territoriale le catalyseur de l’ancrage de la démocratie de base. Nous devons nous mobiliser plus que jamais pour sauver nos acquis afin d’éviter à tout prix que cette crise ne tourne davantage au désastre économique et social. Nous devons avancer avec rapidité et urgence dans les négociations avec l’ensemble des partenaires régionaux et internationaux afin d’assurer la cohésion de nos actions, mais aussi et surtout nous réunir autour de l’accord de paix afin d’obtenir des avancées significatives et le conclure, étant donné que nous avons beaucoup à faire en cette période de périls et de possibilités. Nous pensons qu’il est nécessaire d’être audacieux dans nos actions et elles doivent être vitales. Et il n’y a donc pas meilleur moment que le présent pour agir hardiment afin d’alléger les souffrances de nos populations et consolider davantage notre nation.

Nous devons avoir la confiance et la conviction de transformer le Mali au niveau de ses structures politiques et sociales artificiellement édifiées dans l’intérêt d’élites corrompus et capricieux. Il faut un changement profond dans les politiques de gouvernance de notre pays pour faire émerger un système politique meilleur, nourri des valeurs et des structures sociales et culturelles maliennes. La reconquête de nos valeurs ne sera efficace que si elle s’appuie sur des citoyens mobilisés et acteurs de leur propre changement. Il est de notre responsabilité de réagir et de nous mobiliser, en contribuant à élargir et à mieux articuler nos aspirations.

Nous savons que 2023 sera un rendez-vous électoral de grande importance. Cependant, les défis auxquels sont confrontés nos gouvernants sont nombreux, notamment le rétablissement d’un environnement sécurisé sur l’ensemble du territoire, la restauration de l’État de droit, la consolidation des services de l’État, la réconciliation et le renforcement de la cohésion sociale.

L’objectif des élections est d’illuminer le peuple afin qu’il choisisse les meilleurs leaders pour faire avancer le pays. Et notre pays a urgemment besoin de leaders ambitieux pour consolider la nation. Le leadership, c’est surtout une vision claire sur l’avenir accompagnée des politiques pragmatiques, mais aussi le professionnalisme, la compétence et le caractère approprié. Nous espérons que notre peuple apprendra à apprécier cela chez nos hommes politiques avant de leur confier le destin de notre pays. Notre souhait est de voir notre pays se stabiliser en se dotant de leaders élus par le peuple qui feront sa fierté. Travaillons bien ensemble et plus intelligemment pour pacifier notre pays et organiser sur l’ensemble du territoire des élections ouvertes, libres, transparentes, sécurisées et apaisées.

Nous prions non seulement pour que notre pays trouve les ressorts et les moyens nécessaires pour se détacher de cette période trouble de son existence, mais aussi pour que l’année nouvelle s’annonce comme porteuse d’espérance et de renouveau. Conséquemment, nous vous souhaitons une heureuse et sereine fin d’année et formons nos vœux de bonheur les plus chaleureux pour le nouveau cycle qui commence. Que Dieu assiste notre Nation et vous bénisse dans vos cheminements.
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