Pour se rappeler de notre héros de la semaine, Amara Cissé, il faudrait surtout fouiller les archives du journal Podium. L’emblématique pionnier de la presse sportive malienne ne manquait pas de qualificatifs pour magnifier le talent du jeune Kayésien. Le maestro, le sauveur, le métronome… Tels étaient les mots directeurs pour illustrer ses photos d’actions dans le journal Podium. Au milieu des années 1980, il formait avec Bourama Traoré du Djoliba, Amadou Pathé Vieux Diallo de l’AS Réal, le meilleur trio dépositaire du football malien. La performance de l’AS Biton ou du Sigui de Kayes dépendait de sa forme du jour. Amara Cissé était un jeune dont le physique lui permettait de pénétrer même dans un trou de souris. Technique et très combatif, son rôle dans la ligne médiane lui conférait le statut de leader pour imposer son talent face à n’importe quelle équipe du district de Bamako. De telle sorte que chaque entraîneur avait sa stratégie pour le museler. Au Djoliba, c’est Mamadou Doumbia dit Ouolof qui se chargeait de son cas. Face au Réal, Adama Traoré dit Boxeur lui était affecté comme garde du corps. Mais à la moindre échappatoire, Amara Cissé faisait la différence. Quelle est l’histoire d’Amara Cissé ? Quels furent les grands moments de sa carrière ? L’enfant de Kayes Khasso nous a accordé une interview quelques heures après son jubilé.
Son talent ne lui est jamais monté par la tête. Il est demeuré un homme modeste, respectueux et discipliné. Des valeurs d’homme qui expliquent l’engagement de la Cité des rails pour lui rendre un vibrant hommage à la faveur de son jubilé joué le 24 décembre 2022. Il fallait être à Kayes pour se rendre compte de la mobilisation ce samedi de Noël. Les autorités administratives, politiques, sportives et coutumières ont fait de son jubilé un moment inoubliable.
Ledit événement a été marqué par un match de gala entre les anciens joueurs du Sigui de Kayes, toutes générations confondues et l’Amicale des anciens joueurs du Mali, qui a effectué le déplacement en grand nombre sous une forte escorte sécuritaire. L’émotion était à son comble, quand le maître de cérémonie égrenait le parcours d’Amara Cissé depuis son adolescence jusqu’à sa retraite. Il retient de l’ancien joueur du Biton un homme modèle, qui sert d’exemple et de référence pour les générations futures.
A peine arrivé à la maison, nous lui posons la question de savoir quel bilan il tire de son jubilé ? Et quels sont ses sentiments ? “La fête fut une réussite. Je suis ému par la mobilisation de toute la population de Kayes. Les anciens joueurs sont venus de toutes les régions du pays. Le gouverneur de Kayes, la société civile, les chefs de quartier, le président du Sigui, Abdoulaye Coulibaly dit A. C. se sont investis, ont donné les moyens pour que mon jubilé soit une fête inoubliable. Très franchement il a été une fête. Je leur dis un grand merci. Je suis fier d’être Kayésien”.
Bio express
Il est né à Dakar, son père était cheminot de la Fédération Mali-Sénégal. A l’éclatement de ladite coalition en août 1960, la famille rejoint Kayes, et Amara est inscrit à l’école de Médine à 15 km de la Cité des rails. Admis au CEP, il fréquente le second cycle de Khasso, et signe sa première licence à l’Avenir de Kayes en 1978.
La réforme sportive initiée en 1979 par le ministre de la Jeunesse et des Sports, Alpha Oumar Konaré, conduit à la création du Sigui de Kayes.
En compagnie des Bourama Traoré, Lassine Coulibaly, Karamoko Traoré dit Gery, Seydou Camara, Fousseyni Coulibaly, Boubacar Gaye, Amara Cissé contribue à guider les premiers pas du nouveau bébé. Au bout d’un an et demi il transfère au Djaraf de Dakar par le truchement du président du Sigui, Alassane Diallo. Celui-ci avait des relations avec le directeur technique du club sénégalais.
Amara joue une saison et demie, puis retourne à Kayes. Son mentor était dans la logique de création d’un autre club : la Kayésienne. Il monte la pression et lui promet les mêmes avantages qu’au Djaraf. Malheureusement l’équipe n’est pas créée, mais Amara Cissé réintègre le Sigui. En 1983, à l’issue d’un match amical de l’équipe nationale à Kayes, il est sélectionné immédiatement par l’entraîneur Steve Manfred. Il retourne avec l’équipe pour une mise au vert en prélude à la Coupe Cédéao.
Grosse enveloppe
De l’internat, le coach des Aiglons, Mamadou Kéita dit Capi, lui fait appel pour les éliminatoires de la Can des juniors. Les nôtres s’inclinent aux tirs au but face aux Eléphanteaux de Côte d’Ivoire. Parmi cette génération trois sont rappelés en équipe nationale senior : Papa Coulibaly, Amadou Pathé Vieux Diallo et Amara Cissé pour les tournois Cabral en Mauritanie et Cédéao à Abidjan. L’enfant de Kayes parle de sa première satisfaction morale dans le football malien.
“A la fin du tournoi Cédéao, le président Félix Houphouët-Boigny (paix à son âme) offre un dîner aux différentes délégations au palais de la présidence. Chacun membre desdites délégations a reçu la somme de 300 000 F CFA. Hélas ! Cela a été la plus grosse prime de la carrière de ma génération en équipe nationale. A présent, Fagnery Diarra me rappelle ce bon souvenir, chaque fois que nous nous rencontrons. La joie nous attendait aussi à Bamako. De l’aéroport nous continuons sur le stade Omnisports pour le jubilé de Cheick Fantamady Diallo. Cela a été pour moi l’occasion de côtoyer de grandes vedettes africaines de l’époque”.
Après ce voyage abidjanais, Amara Cissé transfère à l’AS Biton contre un emploi au gouvernorat et une moto. De 1984 à 1989, il porte l’équipe ségovienne. Le Sigui de Kayes qualifié en Coupe Ufoa insiste sur son retour en famille pour renforcer l’équipe. Les autorités politiques des deux régions trouvent la bonne formule, pour l’affecter au gouvernorat de Kayes.
Fair-play
Amara Cissé joue la Coupe Ufoa cette année et la Coupe des vainqueurs de coupe en 1994, avant de mettre un terme à sa carrière. Laquelle a enregistré des bons souvenirs : sa première sélection en équipe nationale à Kayes, la victoire du Biton sur le Stade malien de Bamako en demi-finale de la Coupe du Mali. Même si par la suite les Blancs ont fini par gagner sur tapis vert, la satisfaction morale de n’avoir jamais pris de carton rouge. L’élimination de l’équipe nationale junior à Abidjan est son seul mauvais souvenir. Dans la vie Amara Cissé n’aime que le football. Il déteste l’ingratitude. L’enfant de Kayes est marié et père de quatre enfants.
Depuis sa retraite footballistique en 1994, il n’a pas quitté le milieu sportif. Directeur technique du Sigui de Kayes, il dirige en même temps le Centre de formation du Stade Abdoulaye Macoro Sissoko, à la faveur de la politique de réinsertion des anciens joueurs initiée par le feu président Amadou Toumani Touré en 2010.
A la fin du mandat qui l’a propulsé dans le comité directeur l’équipe, une crise fratricide frappe le Sigui, dont les conséquences furent fatales. Elle est reléguée en 2e division, et de ce jour elle a de la peine à réintégrer l’élite. Entre-temps les violons se sont raccordés, pour la mise en place d’un bureau légal dirigé par Abdoulaye Coulibaly dit A. C. Dans ce bureau de mission Amara Cissé occupe le poste de directeur technique adjoint.
Aujourd’hui, partant volontaire à la retraite, il mène moult affaires pour joindre les deux bouts.