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Mali: An Bi ko marche sur les plates-bandes de Yèrè Wolo
Publié le jeudi 12 janvier 2023  |  L’Oeil du Mali
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Au moment du divorce entre les autorités et ‘’Yèrè Wolo Debout sur les remparts’’, les responsables du mouvement ont recyclé toutes les critiques qu’ils adressaient au régime d’IBK. Ils ont même osé remettre en question « la montée en puissance de l’armée » à demi-mot. Mais il y a une ligne rouge qu’ils n’ont pas osé franchir : critiquer le mouvement politique de la société civile An Bi Ko et sa présidente fondatrice Fatoumata Batouly Niane.

Tout au plus, Siriki Kouyaté a jasé sur An Bi Ko sans jamais le nommer et de manière très prudente au point que seuls le milieu politique et ses observateurs ont pu déceler la pique. Yèrè Wolo, qui s’est fait connaître pour ses critiques sans ambages de la politique africaine de la France, qui se réclamait de tous les héros panafricains au verbe haut et fort, qui crachait à tout bout de champ des « tchièfarinkoumaw », est soudainement devenu « koromatikèla » comme un wolosso. Il faut croire que Batouly est plus puissante que Macron ou à tout le moins effraye plus que le freluquet de l’Elysée.

Il faut croire qu’elle est une tigresse pour que le champ politique, qui par nature est traversé de conflits de territoire, soit empiété par cette nouvelle venue sans que les fauves bien établis ne bronchent. « Aux âmes bien nées la valeur n’attend pas le nombre des années » ; An Bi ko est né avec toutes ses dents de fauve adulte.

Il est la réalisation, la synthèse, le produit achevé de l’amalgame qui a commencé avec l’élection d’ATT, entre le monde de la société civile et le champ politique. Il a pour vocation à se rattacher toutes les organisations capables de mobiliser des électeurs en se plaçant au sommet des réseaux de clientélisme qui structurent la vie politique et sociale du Mali. An Bi Ko est donc un objet politique bien identifié et est désormais à la pointe du soutien politique aux autorités de la transition.

La grenouille Yèrè Wolo s’est crue plus grosse que le bœuf, elle a bombé son torse, puis juste avant d’exploser, a eu la sagesse de se dégonfler et de se recroqueviller sur elle-même. Ce ne sera pas le dernier mouvement politique à apprendre qu’une opposition interne au pouvoir est vouée à un échec cuisant.

Les exemples sont nombreux dans la période « démocratique » de l’histoire politique du Mali. En 1994, des membres fondateurs de l’Adéma le quittent au motif que les frelons ont envahi la ruche. Ils pensaient que leur légitimité dans le combat contre le régime de GMT leur suffirait à se rallier les militants du parti. Très mauvais calcul. Ils seront condamnés à une traversée du désert qui durera huit ans. Ceux qui en émergeront vivants rejoindront l’Adéma ou resteront dans la formation politique créée en 1994, entre-temps, devenue un micro-parti.

Six ans plus tard, IBK s’oppose à Alpha ; il veut devenir président en 2022. Alpha lui rend la vie impossible au sein de l’Adéma et aide à la propulsion d’ATT à la tête du Mali contre IBK. Plus récemment, le « un moment » très populaire Issa Kaou Djim a abandonné ses compagnons du M5 pour soutenir politiquement le CNSP. À la faveur de son second coup d’Etat, le CNSP se rabiboche avec le M5 et confie la primature à celui qui était de facto son leader, Choguel Maïga. Djim n’est pas content, n’épargne aucune diatribe à Choguel.

En coulisses, on lui conseille de baisser de ton. Il persiste, se croit puissant, revoit dans sa tête les scènes des meetings du M5 où ses mouvements de bras commandaient des milliers de personnes enthousiastes et déterminées, se pense intouchable jusqu’au jour où il est mis au gnouf sans ménagement pour une broutille. Comme un vulgaire voleur de poules, à la veille d’un 31 décembre, il est embastillé plusieurs semaines pour être libéré sous caution.

Entre-temps, il a été exclu du CNT. C’est le fait du prince qui l’a nommé dans l’organe législatif de la transition et c’est un autre fait du prince qui l’en enleva. Celui qui était le bruit et la fureur, celui qui fulminait et qui tempêtait contre IBK, contre « les politiciens de 1991 », le franc-tireur, l’homme d’Etat autoproclamé, est devenu silencieux comme un silure.

Mahmoud Dicko, « l’autorité morale » de la contestation, qui montra aux yeux de tous la vacance du pouvoir d’IBK, le faiseur et défaiseur de Premiers ministres, le témoin de moralité d’hommes politiques dont il finit toujours par se détourner, l’homme qui a avoué avoir transformé des mosquées en QG de campagne pour IBK, ce qui n’était d’ailleurs pas un bien grand secret.

Dans bien de mosquées en 2013, les imams dirent que seuls les mécréants ne voteraient pas pour IBK. Le « très éclairé » imam Dicko est mécontent que Bah Ndaou et surtout le Premier ministre de Bah Ndaou, Moctar Ouane, que Dicko a désigné pour être Premier ministre, aient été renversés. Son courroux est d’autant plus intense qu’il n’a pas été consulté pour la nomination de Choguel.

Il sort sa tête de sa mosquée pour jeter un coup d’œil dans la rue, un missile sol-sol manque de le décapiter, de justesse, il l’a ramenée à l’intérieur. La tortue est lente pour ce qu’il est de marcher, mais pour ce qu’il est de rentrer sa tête dans sa carapace, elle est très vive. À toutes ses tentatives futures de tâter le terrain politique, il s’apercevra que des missiles à tête chercheuse sont braquées sur lui.

Yèrè Wolo n’a rien retenu de ces leçons politiques, il a ignoré que « fanga dé yéfangayé ». Étant à l’avant-garde de la contestation organisée contre la politique française au Mali, Yèrè Wolo a pensé qu’il était à l’origine de cette puissante lame de fond, alors que le rejet épidermique par les populations maliennes de cette politique a toujours constitué une dimension constitutive du champ politique malien et ce à toutes les époques. La transition n’ayant pas dévié d’un iota en cette matière, Yèrè Wolo n’avait aucune chance de gagner un bras de fer.

Les mouvements politiques spontanés ou suscités pour supporter un pouvoir au Mali sont toujours légion. Dès qu’un mouvement se pense grand et indispensable au pouvoir, il est remplacé par d’autres lorsque sa mission historique est achevée. Yèrè Wolo, le M5, Dicko, Djim ont tous été des véhicules pour le CNSP. Arrivés à destination, ils ne pouvaient continuer le voyage qu’en se pliant intégralement aux desideratas du CNSP.

Aujourd’hui, il y a deux personnalités au Mali qui sont si bénies des dieux que si on leur jetait des excréments, ils se transformeraient en lingots d’or : Assimi Goïta et Biguini Bagaga. Il n’y a qu’eux-mêmes, par leur comportement, qui peuvent changer l’amour passionnel que les Maliens leur vouent. Aucune opposition, aucune propagande, aucun commérage ne changeront l’opinion des Maliens.

À la différence d’Issa Kaou Djim, Yèrè Wolo s’est arrêté juste à temps. Il faut dire que Kaou Djim avait une vie sociale et une vie associative riches, des activités économiques et une renommée avant le 18 août. Cela n’est pas le cas pour les principaux animateurs de Yèrè Wolo debout sur les remparts.

On aura bien de la peine à attribuer à son leader, Ben le Cerveau, une quelconque qualification professionnelle ou académique. Sa « lutte » doit le faire vivre, il ne peut se permettre d’aller au bout de sa logique de confrontation sous peine d’être exclu de la mangeoire du CNT et des autres prébendes auxquelles il a accès. Les membres de Yèrè Wolo seraient bien en peine de justifier leurs moyens de subsistance légale et légitime.

De même, ils n’auront jamais le courage de demander ouvertement les sources de revenus de Batouly Niane, les sources du financement des activités de son mouvement. Ils n’auront jamais le courage de dénoncer le mélange mortifère des genres qui consiste à faire croire à des populations abruties par le dénuement que leur salut ne peut venir que de la générosité de philanthropes aux fortunes sulfureuses qui bientôt les traiteront en bétail électoral. L’odyssée du mouvement An Bi Ko commence. Il est encore temps de faire partie des « militants de la première heure ».

Au Mali, la taille du gâteau n’augmente pas tant que ça, c’est pour cela que l’on retrouve les mêmes types d’acteurs dans les mêmes types de mouvement. Il y a des mangeoires et lorsqu’on s’y présente en premier, on a des chances de manger lorsque le plat est servi.

Mais, comme il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier, il faut aller de temps en temps se présenter devant d’autres mangeoires. Des familles en font une stratégie économique. À tout moment, leurs membres se répartissent entre les différentes factions en lutte pour le pouvoir de telle sorte qu’à la fin, leurs écuelles ne sont jamais vides.

A. Bagayogo/L’Oeil du Mali

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