Alioune Ifra Ndiaye, réalisateur et opérateur culturel malien, qui avait soutenu le coup d’Etat contre IBK, regrette aujourd’hui son acte. Il porte un regard très critique sur la gouvernance des colonels au pouvoir, surtout sur la célébration de la Journée nationale de la souveraineté retrouvée.
« C’est du ‘’sékoutouréïsme’’, du ‘’dictaturisme éclairé’’, du ‘’père de la Nation’’, du ‘’ainé de la Nation sans être le plus âgé’’, des récits d’un autre siècle, qu’on nous impose. Ils sont en train de pirater notre conscience collective », dénonce l’opérateur culturel.
« De ce que j’observe, j’espère me tromper, les militaires ont décidé de garder le pouvoir. Et c’est très facile pour eux. Parce qu’on a laissé la société en mode survie. Elle est occupée par des choses plus pressantes : trouver de quoi manger, payer l’école des enfants, se loger, dépenser énormément d’énergie pour obtenir le moindre service public », regrette Alioune Ifra Ndiaye.
Il pense que dans cette situation, si on a le pouvoir, c’est tellement facile de pirater l’imaginaire de la société en l’inondant d’informations sans pertinence, pour s’octroyer le pouvoir de décider à sa place. C’est ce que font malheureusement les autorités de la transition.
« Je précise que cette pratique n’a pas commencé par eux. Mais on aura espéré que ça allait s’arrêter avec eux. Mais elle finit toujours par une rupture préjudiciable au pays, parce que ce n’est pas tenable, même sur du moyen terme », critique le réalisateur.
En effet, M. Ndiaye fait partie des personnes qui ont dénoncé la mascarade électorale « perpétré par l’ensemble du personnel politique contre les électeurs, avec la complicité des institutions judiciaires. Partis d’opposition et partis au pouvoir se sont mis sur la même liste à ces élections, nous empêchant de sanctionner la gouvernance d’IBK ».
« On se disait à l’époque qu’un coup d’État est le moindre mal qui puisse nous arriver. D’où mon soutien clair et net. J’avais proposé tout de suite qu’on dissolve la constitution, que la transition finisse le mandat d’IBK, qu’on envisage tout de suite une 4ème République. Que chaque secteur ministériel soit confié à des professionnels efficaces et reconnus, qui ont une culture de résultats. Et que ces personnes ne soient pas en mesure de se présenter aux prochaines élections », rappelle-t-il.
Dans sa logique, il pensait que les militaires allaient faire une amnistie générale de tous les faits qui ont eu lieu de 1960 à ce jour et inviter les fonctionnaires et les militaires milliardaires à sortir de la fonction publique et à se positionner comme investisseurs dans le nouveau climat d’affaires, entre autres.
Ainsi, imaginait-t-il, partout où l’armée rase, qu’on y construise tout de suite des villages modernes écologiquement intelligents, avec des connections internet, des caméras de surveillance, des forages, de l’énergie solaire, du biogaz, un programme de plantation de dizaines de milliers d’arbres, de petits ateliers et entreprises liés aux pratiques locales, et des boutiques de vivres subventionnées.
Le réveil a été brutal pour Alioune Ifra Ndiaye car aucune de ses propositions n’a été prise en compte par les militaires au pouvoir. D’où ses critiques contre la transition.