Alors que la transition politique en cours au Mali est censée prendre fin dans un peu plus d’un an, le Premier ministre conditionne l’organisation des élections qui, selon lui, « doivent être précédées de réformes appropriées ». « La Transition ne saurait se résumer à une question d’élection et d’alternance au sommet de l’Etat », insiste Dr Choguel Kokalla Maïga.
Le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat à la tête d’une délégation, séjourne au Mali dans le cadre des consultations périodiques entre l’Union africaine et le Mali, a été reçu en audience, le lundi 30 janvier 2023 par le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga.
Cette visite, troisième du genre, depuis le début de la Transition politique, après celles effectuées à Bamako respectivement en novembre 2020 et en janvier 2022, sans compter celle des membres du Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) de l’Union africaine en juillet 2021, témoignent, sans nul doute, selon le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga, « de l’écoute et du souci constant de l’Union africaine à accompagner les efforts du Gouvernement pour une transition réussie ».
Cette rencontre a servi de cadre pour le bilan du Gouvernement à la Commission de l’UA, lequel gouvernement a, au demeurant, toujours encouragé, avec insistance, les partenaires du Mali à échanger directement avec les Autorités de la Transition et à privilégier les missions de terrain et de proximité afin d’avoir une analyse objective de la situation.
Le Chef du Gouvernement a informé le Président de la Commission de l’UA que conformément aux recommandations des Assises Nationales de la Refondation (ANR) de refonder l’Etat, de créer les conditions d’une gouvernance future, vertueuse, susceptible de mettre fin aux crises cycliques et à l’instabilité à travers des réformes substantielles aux plans politique et institutionnel, le Président de la transition a mis en place, le 27 janvier 2023, la Commission chargée de la finalisation du projet de nouvelle constitution qui sera bientôt soumis à referendum. Dans le même esprit, le Mali s’est doté d’une nouvelle loi électorale en 2022 et a procédé, tout récemment, à la mise en place de l’Autorité Indépendante de Gestion des Elections (AIGE). Ce processus de refondation s’est consolidé par la mise en place du Cadre stratégique de la Refondation de l’Etat (2022-2031), assorti du Plan d’Actions 2022-2026.
Changement de paradigme
Pour le Premier ministre, la résolution durable de la crise qui affecte le Mali depuis plusieurs années « nécessite un changement de paradigme ». Raison pour laquelle, selon lui, « la Transition ne saurait se résumer à une question d’élection et d’alternance au sommet de l’Etat ». « Pendant 30 ans, nous avons fait des élections, et pourtant depuis trois décennies notre pays n’a jamais été aussi instable. On l’a vu sous d’autres cieux, notamment en Afghanistan, un pays qui a régulièrement organisé des élections pendant 20 ans, sans que cela résolve durablement les problèmes structurels. Ses partenaires occidentaux ont fini eux-mêmes par en faire le constat en l’abandonnant à son triste sort », a justifié Dr Choguel.
Avant de revirer : « Loin de moi, l’idée selon laquelle les élections ne sont pas importantes, mais face à une crise de l’ampleur de celle que nous connaissons, les élections doivent être précédées de réformes appropriées. »
Le Premier ministre a fait comprendre au président de la Commission de l’UA que le plus grand défi qui se pose au Mali est le terrorisme. « Il menace les fondements de la république et la cohésion de la nation. C’est un cancer qu’il faut éradiquer à travers la conjugaison des efforts et la mise en œuvre de solutions holistiques et multidimensionnelles », a-t-il expliqué. Car, l’ordre de priorité élevé dans le Programme d’action du Gouvernement reste le retour de l’Etat et des services sociaux de base dans les zones affectées par la crise, des réfugiés et des personnes déplacées internes dans leur terroir, ainsi que la sécurité des populations. « Sur tous ces plans, nous avons engrangé des résultats notables grâce aux opérations militaires d’envergure que mènent sur le terrain, avec courage et professionnalisme, nos forces de défense et de sécurité », dira-t-il.
Le Chef du Gouvernement malien a balayé du revers de la main certaines informations qui qualifient de « tendancieuses », véhiculées par certains médias manifestement en mission contre le Mali. « La peur a changé de camp ; c’est une évidence. Nous traquons les groupes armés terroristes réduits à des actions d’éclat isolées, jusque dans leurs derniers retranchements », a-t-il martelé.
Le Premier Ministre est formel, son Gouvernement poursuivra le vaste chantier de la restauration de la sécurité sur toute l’étendue du territoire national, de la dignité, de la souveraineté et de l’indépendance, conformément aux trois (3) principes clés qui gouvernent désormais l’action publique au Mali. Il a rassuré M. Moussa Faki Mahamat de la détermination du Gouvernement à tenir ses engagements tant avec la communauté régionale et internationale, qu’avec la communauté nationale dont la vision est le « Mali Nouveau ». « Les efforts de réforme seront poursuivis de manière à atteindre le point de non-retour dans le processus de redressement de notre pays. De la même manière, nous intensifierons le processus de réforme et les préalables à la tenue d’élections inclusives, apaisées et crédibles. Notre détermination à poursuivre sur la voie des reformes n’a d’égal que la soif de réforme de notre vaillant peuple, ainsi que son aspiration à la justice et à la sécurité », a renchéri le PM.
Par ailleurs, Dr Maïga a réitéré l’engagement du Gouvernement à mettre en œuvre l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger, en capitalisant les progrès réalisés à l’issue des dernières réunions du Comité de Suivi de l’Accord et de la Réunion décisionnelle de haut Niveau tenue en septembre 2022.
Quid des sanctions de l’UA ?
Le Premier ministre Dr Choguel Kokalla Maïga a invité l’UA, au regard de ce qui précède, à « soutenir ces efforts en cours, à les consolider, à les amplifier à travers un soutien franc et robuste aux plans politique, technique et financier. Nous exhortons l’Union Africaine à la levée des sanctions qu’elle a imposées à notre pays le 14 janvier 2022, suite à l’endossement de celles de la CEDEAO prises le 09 janvier 2022 ». Lesquelles sanctions de la CEDEAO qualifiées d’« injustes, illégales et inhumaines », levées en juillet 2022, après sept (7) longs mois d’embargo.
« Nous sollicitons la réintégration du Mali au sein des instances de l’Union Africaine parce que nous sommes sur la bonne voie dans l’exécution de nos engagements », a insisté le Premier ministre Maïga. Avant de persister dans sa demande, au regard de l’inefficacité ou la contre productivité des sanctions partout où elles sont infligées dans le monde, mais aussi par attachement aux conclusions de la 3ème Réunion du Groupe de Suivi et de Soutien à la Transition tenue à Lomé le 06 septembre 2022.