Quand bien même ils rempliraient une mission vitale de service public dans une démocratie, les organes de presse ne sont pas moins des entreprises soumises aux exigences de la rentabilité financière. Pour survivre, ces organes doivent générer suffisamment de ressources pour couvrir leurs charges récurrentes; et pour croître, ils doivent générer suffisamment de profit pour financer des investissements à moyen ou long terme. Or, la plupart des organes de presse au Mali vivent dans une grande précarité. Ils sont confrontés à des problèmes de survie quotidienne et la croissance demeure un rêve lointain pour eux.Plusieurs radios et journaux privés se débattent entre la légalité et l’illégalité, entre le formel et l’informel, bref la vie et la mort. De nombreux employés n’ont pas de contrats de travail en bonne et due forme; ceux qui ont des contrats ne sont pas déclarés à l’Institut national de prévoyance sociale (INPS); et pour ceux qui sont affiliés à l’INPS, les cotisations ne sont pas versées régulièrement.Les comptes sont souvent au rouge et les fins de mois difficiles à gérer: lorsque le patron paye les charges de fonctionnement: frais de location du siège, factures d’électricité et de téléphone, etc., les maigres salaires des employés restent en souffrance; et lorsqu’il choisit plutôt de verser les salaires, les factures s’accumulent. Les conditions minimales de travail sont rarement réunies: le mobilier de bureau et les équipements ne sont pas suffisants, les moyens de déplacement sont un luxe. On joue au cache-cache avec la loi: les déclarations d’impôts ne sont pas remplies correctement, les redevances ne sont pas payées à temps, et on passe à la diffusion avant l’autorisation de la commission d’attribution des fréquences.Les télévisions privées sont redevables au fisc des montants exorbitants. Les promoteurs font la publicité mensongère auprès des pouvoirs en place pour se mettre à l’abri des impôts. La grande précarité dans laquelle se débattent les organes de presse affecte naturellement la qualité du produit proposé aux consommateurs. Les journaux affichent des titres accrocheurs, suivis généralement de développement étriqués et fantaisistes qui laissent souvent le lecteur sur sa faim.Le constat est le même pour les radios libres. La plupart des radios libres n’ont pas suffisamment de moyens pour réaliser des reportages. Elles se contentent donc de meubler le temps en commentant les articles des journaux de la place dans des revues de presse en langue nationale qui sont très prisées par le public, ou en prêtant leurs ondes à des charlatans, guérisseurs et autres faiseurs de miracles de tout acabit qui rivalisent d’astuces pour appâter la clientèle. Il y a un sentiment très répandu chez les Maliens que l’on peut acheter la plume d’un journaliste de la presse écrite et lui dicter le contenu de son article, ou le micro d’un animateur de radio et lui faire débiter les propos qu’on veut. Cette précarité expose aussi les employés des organes de presse à toutes sortes de tentations et c’est cela le grand alors que l’État accorde à la presse une subvention de 200 millions de FCFA par an.Enfin, la précarité dans laquelle se débattent les organes de presse conduit certains à une mort subite ou lente. De nombreux journaux ont disparu des kiosques, soit du fait du caractère impitoyable de la loi du marché, soit parce que le vrai bailleur de fonds tapi dans l’ombre a décidé de serrer les cordons de la bourse, soit parce que le promoteur a obtenu un emploi plus stable et plus rémunérateur dans la fonction publique ou dans un organisme d’aide au développement. On ne voit plus dans les kiosques: L’Espion, La Tribune, La Boussole, Le Tambour, Le Courrier, La Nouvelle République, Le Matinal, etc. La générosité de l’État malien ne se limite pas seulement aux partis politiques, elle s’étend aux organes de presse.L’aide publique à la presse a été instituée, depuis 1996 sous la forme de subventions annuelles accordées par la présidence de la République aux organes de presse écrite et audio-visuelle, qu’ils soient publics ou privés. Actuellement, elle est réglementée par le décret N°03-264 du 7 juillet 2003 et son arrêté d’application N°04-1549 du 3 août 2004. Ces deux (02) textes fixent les critères d’éligibilité, de répartition et de détermination des allocations. Le montant forfaitaire alloué chaque année par l’État se chiffre à 200 millions de francs CFA. Il est reparti comme suit: 75 millions pour la presse écrite, 75 millions pour la presse audio-visuelle privée, 30 millions pour la maison de presse, 10 millions pour l’Agence malienne de presse et de publicité (AMAP) et 10 millions de FCFA pour l’Office de radiodiffusion et télévision du Mali (ORTM).Dans ce cas, aussi il y a opacité dans le partage des fonds. Des journaux disparus des kiosques ou des journaux proches des dirigeants de la Maison de la presse se taillent la part du lion. Neuf ans après l’application de la Loi sur l’aide à la presse, il revient à l’État de procéder à une vérification des fonds débloqués qui sont aujourd’hui au centre d’une crise ouverte entre le président de la Maison de la presse et le président de l’Association des éditeurs de privée écrite (ASSEP). Comment sont gérés les fonds d’aide à la presseLisez quelques passages du rapport dressé par son Président. Le décret N°03-264/P-RM du 7 juillet 2003 qui détermine les conditions d’éligibilité, d’attribution et de gestion de l’aide publique à la presse.Rappelons que l’aide publique à la presse provient de l’État et des collectivités territoriales. Elle est constituée de l’aide directe et de l’aide indirecte. Pour bénéficier de la subvention, l’organe médiatique doit remplir les conditions suivantes: exister sous le statut de société, coopérative, association, groupement d’intérêt économique ou établissement public de presse; tenir une comptabilité régulière et être en règle vis-à-vis du fisc; respecter la législation du travail, notamment l’immatriculation des employés à la sécurité sociale; avoir assuré la parution régulière de l’organe d’information ou dans le cas d’une radio ou d’une télévision, la production régulière d’émissions pendant l’année budgétaire écoulée. Les montants des allocations aux organes de presse écrite sont fonction de la périodicité des parutions, du tirage, du nombre de pages.Chapitre concernant l’aide indirecte: Tout organe médiatique bénéficiant de la subvention est éligible à l’aide indirecte. L’aide indirecte consiste en des appuis accordés par l’État, autres que la subvention spéciale inscrite dans le budget d’État. Elle concerne notamment la prise en charge de tout ou partie des besoins de formation.À cet effet, la Maison de la Presse soumet au ministre chargé de la Communication annuellement un programme de formation sur la base des crédits disponibles. La Maison de la Presse adresse annuellement au ministre chargé de la Communication un rapport sur l’affectation et l’utilisation de l’aide. Le contrôle sur l’organe de gestion des fonds de l’aide est assuré par l’État conformément à la règlementation en vigueur.Rapports annuels d’utilisation et d’affectation des fonds destinés à l’aide à la presse pour la période allant de 2018 à 2021.Pour rappel, le montant de l’aide à la presse a été de 1996 à 2017, deux cents (200) millions de FCFA. Jusqu’à l’an 2016, l’aide était logée à la Présidence de la République. À partir de cette date, l’on a logé 90 millions à la Présidence et 90 millions au niveau du ministère de la Communication. La répartition classique de l’aide à la PresseL’aide à la presse concerne l’ensemble des organes médiatiques du pays notamment les journaux et les radios. Chaque année, le nombre des organes augmente de manière exponentielle. Ces organes sont regroupés au sein de deux (02) faitières principales: l’URTEL (Union des Radios et Télévisions Libres du Mali) pour les radios et l’ASSEP (L’Association des Éditeurs de la Presse Privée du Mali) pour les journaux.En 2018, le Mali comptait plus de 350 radios et près de 200 parutions. Les 200 millions sont répartis équitablement entre l’URTEL et l’ASSEP et chacune d’elle contribue à hauteur de 15 millions au fonctionnement de la Maison de la Presse. En d’autre terme, les 200 millions sont répartis comme suit: 30 millions pour la maison de la presse, 85 millions pour l’ensemble des radios et 85 millions de FCFA pour l’ensemble des journaux.Cette répartition a toujours été faite par une commission instituée par un arrêté du Ministère de la Communication conformément au décret N°03-264/ P-RM du 7 juillet 2003. Cette commission présidée par le Ministère de la Communication regroupe les représentants du ministère de l’Administration Territoriale, de l’Économie et des Finances, du Conseil Supérieur de la Communication (actuel Comité National de l’Égal accès aux médias d’État), de la Maison de la Presse qui assure le secrétariat, de l’URTEL et de l’ASSEP. La commission a siégé pour la dernière fois en 2019. L’aide à la Presse au titre de l’année 2018En 2018, le département en charge de la Communication a alloué à la Maison de la Presse au titre du fonds d’aide à la presse soixante-onze millions deux cent cinquante mille francs (71 250 000 CFA sur une prévision de 90 millions de francs CFA.Pour l’année 2018, la Présidence de la République n’a rien mis à la disposition de la Maison de la presse au titre du fonds d’aide à la presse. Donc sur les 200 millions, seulement 71 250 000 FCFA ont été mobilisés, montant insuffisant pour un partage entre les organes radios plus de trois cent (300) et les journaux plus de deux cent (200). Le ministère de la Communication n’a pas jugé nécessaire de convoquer la commission. Cependant le président de la Maison de la presse a effectué des dépenses sur ce fonds d’aide à la presse de janvier 2018 à décembre 2018 d’un montant total de de 45 580 087 FCFA.Dans les rubriques des dépenses: on peut lire facture (connexion Orange Mali: 1581200 FCFA;Réparation fuite d’eau SOMAGEP-SA: 700 000 FCFA;Salaires personnel: 9060 000 FCFA.Dans la rubrique autre charges: Réparation véhicule: 1900 000 FCFA;Carburant véhicule: 1 200 000 FCFA0;Cas sociaux (hospitalisation, baptême, mariage, décès…): 5 000 000 millions de FCFA;Réunion comité de pilotage: 1 800 000 FCFA;Appui: Ramadan et Tabaski: Sucre, bœufs: 2 400 000 FCFA;Appui aux initiatives des associations: 3 500 000 FCFA. L’aide à la presse au titre de l’année 2019En 2019, le Département en charge de la Communication a alloué à la Maison de la Presse au titre du fonds d’aide un premier versement de 45 000 000 millions de FCFA puis un second versement de 45 000 000 millions sur une prévision de 90 millions de FCFA. Pour l’année 2019, la Présidence de la République n’a rien mis à la disposition de la Maison de la Presse au titre du fonds d’aide à la Presse. Donc sur les 200 millions, seulement 90 millions de FCFA ont été mobilisés, montant insuffisant pour un partage entre les organes radios et journaux.Cependant en 2019, la Primature a fait une rallonge de 200 millions de FCFA, à travers le ministère de la Communication. Alors en 2019, le fonds d’aide à la Presse est de 290 millions de CFA. En effet, le ministère de la Communication a décidé de convoquer la commission en 2019, sur la base des 290 millions versés en 2019 et du montant viré en 2018. La commission a siégé sur la base des 361 250 000 FCFA. Le montant a été réparti comme suit: 150 millions aux radios (URTEL), 150 millions aux journaux (ASSEP); 61 250 000 FCFA à la Maison de la Presse. La commission a siégé en 2019, au titre de l’aide 2018. Quelques montants perçus par certains journaux en 2018Pour les journaux, cent soixante-sept (167) ont postulé et tous ont bénéficié en fonction de leur périodicité et de leur régularité. Pour les quotidiens le montant le plus élevé était de trois millions (3 000 000) de FCFA (L’Indicateur du Renouveau, le Pays); le plus faible: 1250 000 FCFA (Le Combat). Pour les bi-hebdos le montant le plus élevé: 1900 000 FCFA (Tjikan, le Pouce, la Sirène, Zénith Balé). Le montant le plus faible 1475 000 FCFA (Nouvelle Patrie).Pour les hebdos le montant le plus élevé 1675 000 FCFA (Le Guido, Aujourd’hui, 26 Mars, Le Point). Le montant le plus faible 150 000 FCFA (Expresse International, Politicien musulman). L’aide à la Presse au titre de l’année 2020En 2020,le Département en charge de la Communication a alloué à la Maison de la Presse au titre du fonds d’aide à la Presse un premier versement de vingt un millions trois cent quatre-vingt-neuf mille huit cent francs (21389 800) FCFA puis un versement de trente-trois millions huit cent quarante-trois mille sept cent cinquante (33843 750) FCFA soit un total de cinquante-cinq millions deux cent vingt-trois mille cinq cent cinquante francs (55 223 550) FCFA sur une prévision de 90 millions de francs CFA.Quid du versement des cinquante millions de francs (50 000 000) de FCFA effectués en cette même année 2020 ?En réalité, ces 50 millions de francs CFA n’étaient pas destinés à l’aide à la Presse de l’année 2020. Ce montant était un appui exceptionnel pour l’achat de matériels audiovisuels et de mobiliers au profit de la Maison de la Presse.Donc sur les 200 millions, cinquante-cinq millions deux cent vingt-trois mille cinq cent cinquante francs (55 223 550) FCFA ont été mobilisés, montant insuffisant pour un partage entre les organes radios et journaux. Sur les 55 223 550 FCFA, la Maison de la Presse a dépensé 43 841 490 FCFA en 2020.En janvier 2021, la Maison de la Presse s’est dotée d’un nouveau comité de pilotage sous la houlette de Bandiougou Danté.Sur les fonds d’aide à la Presse le nouveau comité de pilotage à la Maison de la Presse a hérité du précédent comité de pilotage les reliquats des montants alloués à la Maison de la Presse en 2020 (Dramane Aliou Koné). Combien ? L’aide à la Presse au titre de l’année 2021En 2021, le Département en charge de la Communication a alloué à la Maison de la Presse au titre du fonds d’aide à la Presse un premier versement de trente-huit millions quatre cent quarante mille francs (38440 000) FCFA puis un versement de quatre-vingt-dix-sept millions six cent soixante-dix-huit mille quatre cent francs (97678 400) FCFA soit un total de cent trente-six millions cent dix-huit mille quatre cent francs (136 118 400) FCFA.Des dépenses effectuées de janvier 2021 à décembre 2021: 82 271 075 FCFA;Année 2021-Aide à la presse: 136 118 400 FCFA;Affectation aux organes: 0.Dépenses effectuées: 82 271 075 FCFA;Reliquat: 53 847 325 FCFA Situation du personnelLa Maison de la Presse dispose d’un personnel qui a un statut précaire. Ces travailleurs sont l’Administrateur délégué, deux (02) secrétaires, un planton, un électricien, un chauffeur, un technicien audio, informaticien, des manœuvres chargés de l’entretien des locaux, un gardien.Excepté la secrétaire principale, les dix (10) autres travailleurs n’ont aucun contrat de travail avec la Maison de la Presse bien que certains y travaillent depuis plus d’une décennie. Ce personnel ne bénéficie d’aucune protection sociale. Les salaires qui leur sont payés varient de 150 000 FCFA à 40 000 FCFA. Le salaire de ce personnel est lié au fonds d’aide à la Presse. Situation récapitulative des versementsAnnées2018: aide à la presse 361 250 000; affectations aux organes: 300 000 000 FCFA;Utilisation: 45 580 087FCFA;Reliquat: -27 682 780 FCFA.2019: aide à la presse: 0;Utilisation: 43 352 693 FCFA.2020: aide à la presse: 55 223 550 FCFA;Affectations aux organes: 0;Utilisation: 43 847 490 FCFA;Reliquat: 11 376 060 FCFA;2021: aide à la presse: 136 118 400 FCFA;Affectations aux organes: 0;Utilisation: 82 270 000 FCFA;Reliquat: 53 848 400 FCFA;Total reliquat: 37 541 680FCFA.Bamako le 21 avril 2021Le Président de la Maison de la PresseBandiougou DANTÉ