Mme Bouaré Fily Sissoko, ancienne ministre de l’Economie et des Finances du Mali se trouve, depuis le 26 Août 2021, en détention à Bollé, la prison des femmes au Mali, pour des éventuels dossiers de corruption la concernant. Sur la base d’une lettre adressée, le 7 février 2023 au colonel Assimi Goïta, président de la transition, l’Association malienne des Procureurs et poursuivants (AMPP) revient sur les faits, tance le président et le procureur général de la Cour Suprême, et dénonce la violation « pathétique » et « flagrante » des droits de l’incriminée.
Mme Bouaré Fily Sissoko a été interpellée, puis mise sous un mandat de dépôt en 2021. Cela, suite à une « auto saisine illégale de la Cour Suprême du Mali, relativement à des affaires relevant de la compétence exclusive de la Haute cour de la justice, conformément à l’article 95 de la constitution malienne », selon l’AMPP. Par une lettre en date du 23 janvier 2023, l’association rappelle avoir évoqué l’incompétence même des faits ayant servi de prétexte aux poursuites et aux incarcérations des anciens ministres indexés dans ce dossier relatif à l’achat des équipements militaires sous l’ex-Président IBK. « Nous avons mis l’accent sur des irrégularités et vices de forme tenant aux règles de compétence et à la mode de saisine. Toutes choses qui entachent la procédure référencée d’une nullité absolue ». Via cette lettre destinée au président de la transition, l’association estime que la procédure dont Mme Bouaré Fily Sissoko, le feu Soumeylou Boubeye Maïga et Mamadou Camara, tous anciens ministres du Mali, ont fait l’objet « n’est autre que la conséquence d’une fuite de responsabilité, voire d’un manque de loyauté des premiers responsables de la Cour Suprême du Mali ». L’AMPP trouve que ces derniers ont préféré, via leur auto saisine dans l’affaire en cours, transgresser les dispositions constitutionnelles. Cela, en méprisant l’avis de la Cour constitutionnelle plutôt que d’assumer leur « faute professionnelle » d’avoir confisqué des dossiers qu’ils avaient la charge de transmettre, sans délai, au président de l’Assemblée nationale pour, ajoute l’association, formuler la résolution de mise en accusation. Aussi, indique-t-on, l’auto saisine du président de la Cour Suprême contre Mme Bouaré et les autres est non seulement illégale, mais traduit aussi le summum même du mépris des hauts magistrats envers la constitution et les lois de la République. « Monsieur le Président de la transition, le respect de la constitution n’est pas négociable et ne saurait dépendre de l’humeur d’un président et d’un procureur général de la cour suprême. Conformément à votre serment, vous avez la charge de défendre et d’imposer le respect de la constitution et de la loi en toutes circonstances », mentionne l’association. Aucune disposition particulière ne fait passer le président et le procureur général de la cour suprême comme étant des supers citoyens de la République. Lesquels seraient, déplore-t-on, au-dessus du respect dû à la constitution et aux lois de la République. Les missions assignées aux différentes institutions juridictionnelles, prévues par la constitution du 25 février 1992, sont clairement définies par les articles 81,85 et 95. Il n’y a pas lieu d’entretenir des amalgames ou confusions mettant en danger l’équilibre institutionnel, voire la République elle-même, confie le mouvement au colonel Assimi Goïta.
AMPP déplore des violations flagrantes de textes
Se fiant à l’alinéa 2 de l’article 81 de la constitution malienne, l’association tient à rapporter ceci : « Le pouvoir judiciaire est gardien des libertés définies par la présente constitution. Il veille au respect des droits et libertés définis par la constitution. Il est chargé d’appliquer, dans le domaine qui lui est propre, les lois de la République ». Au lieu de se conformer à ce texte, le président de la cour Suprême et le Procureur général ont voulu agir autrement à travers une auto saisine basée sur « une jurisprudence imaginaire », dénonce-t-elle. Puis de citer l’article 95 : « La Haute cour de justice est compétente pour juger le Président de la République et les ministres mis en accusation devant elle par l’Assemblée nationale pour haute trahison ou à raison des faits qualifiés de crimes ou délits commis dans l’exercice dans leurs fonctions, ainsi que leurs complicités en cas de complot contre la sureté de l’Etat ». Avec une répartition aussi rigoureuse des tâches entre les différentes institutions juridictionnelles du pays, le président de la Cour Suprême n’avait nullement besoin, selon AMPP, « de divertir les citoyens peu avisés, ou jeter le discrédit sur la magistrature en soutenant détenir une jurisprudence imaginaire, permettant de poursuivre des ministres sans passer par la résolution de mise en accusation, en cas de dysfonctionnement de la Haute cour de justice ». Sans ambages, elle informe que la cour suprême n’est pas compétente pour connaitre des infractions commises par des ministres dans l’exercice de leurs fonctions. Aucune disposition particulière ou spéciale ne donne un quelconque pouvoir aux premiers responsables de la cour suprême, selon la plaignante, de s’auto saisir de telles affaires, voire de se substituer à la Haute cour de justice. L’AMPP soutient que les président et le PG de la cour ont, en agissant de la sorte, simplement violé le droit à la présomption d’innocence et du privilège de juridiction de leurs victimes. Ils ont délibérément choisi d’être, pour l’association, « à l’antipode de la mission de défense et de protection des libertés et droits fondamentaux assignés au pouvoir judiciaire ». Ainsi, va-t-elle poursuivre, « la privation brutale des ministres Mme Bouaré et Mamadou Camara par la cour suprême procède d’une détention arbitraire pure et simple. Il est inadmissible que les droits fondamentaux de Mme Bouaré et autres soient aussi cyniquement violés par des premiers responsables de l’institution judiciaire, sur la base d’une auto saisine manifestement illégale ». L’association appelle, via sa lettre, le colonel Assimi à s’impliquer pour la libération de l’ex-ministre Sissoko.