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Affaire des 10% de subvention pour la filière bétail-viande et lait : Quand les ministres Keïta et Ould Mohamed tentent de noyer le poisson
Publié le vendredi 24 fevrier 2023  |  Le Tjikan
Conférence
© aBamako.com par AS
Conférence de presse des ministres du Commerce et de l`Economie et des Finances
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A la suite de notre livraison sous le titre : « Subvention accordée par le président de la transition à la Fenalait : Trimbalés par l’administration, les producteurs de lait lancent un cri du cœur », paru dans Le Tjikan n°789 du vendredi 17 février 2023, il nous est revenu que le ministre du Développement rural a finalement été amené à convoquer, avant-hier mercredi 22 février 2023, une réunion regroupant tous les acteurs de la filière bétail-viande et lait dans ses locaux, à la Cité administrative. Autour du secrétaire général du ministère, Daniel Siméon Kéléma, des cadres des deux ministères, des agents de la Compagnie malienne pour le développement des textile (Cmdt), des représentants des faitières et l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture du Mali (Apcam), etc.

Il s’agissait, comme le stipulait l’avis de réunion ventilé à cet effet, de se pencher sur la clé de répartition de la quantité de tourteau disponible dans le cadre de l’opération de subvention de 10% de graine de coton promis par le président de la Transition, Assimi Goïta, lors du dernier Conseil supérieur de l’agriculture, tenu à Koulouba en novembre 2022, sous sa présidence.

Au sortir de la réunion, il a été convenu de se retrouver encore aujourd’hui autour du Directeur nationale de la production de l’industrie animale et de l’élevage (Dnpia) dans ses locaux, pour convenir d’un cahier de charges devant valider, pour la réunion technique du mercredi 1er mars 2023, la clé de répartition de ladite subvention. Mais, d’ores et déjà, les faitières semblent dubitatives quant à l’issue des discussions. Et pour cause, la clé proposée ne tient pas compte de leurs intérêts. Il nous est revenu qu’il leur a été proposé : 30% pour les exploitants de la zone cotonnière détenteurs de bœufs de labour ; 30% pour les producteurs laitiers ; 40% pour les emboucheurs (production de viande). Or, de leur point de vue, un tel critère est déjà exclusif. Car, il ne tient pas compte des propriétaires des bœufs de labour du reste du pays, notamment ceux des autres grands bassins de production : l’Office du Niger, les Offices riz de Ségou et Mopti, Offices de Sélingué, Baguinéda, pour ne citer que ceux-ci. Certains se demandent comme un tel critère basé sur l’exclusion a échappé à l’objectivité des agents publics des deux ministères. Le temps édifiera tout le monde de la pertinence d’une telle mesure, a conclu notre interlocuteur.

Au fait, selon nos sources, l’éléphant annoncé lors du fameux Conseil arrive les deux pattes de l’avant cassées, au point que l’animal ne peut même plus se tenir débout. Et pour cause, il avait été annoncé au président de la Transition à Koulouba que sur la base des prévisions, la graine attendue cette année était de 435 000 tonnes, sur lesquelles les 10% de la promesse présidentielle devraient être extraits, ce qui représentait environ 43 500 tonnes. Une fois établies, celles-ci devraient être mises à la disposition des industriels pour la transformation.

Malheureusement, pour des raisons que nous évoquerons dans la suite de cet article, le total des graines produites est de loin inférieur à la prévision de 435 000 tonnes. L’équation en cours en ce moment à la Dnpia est de trouver la meilleure formule pour contenter tous les intervenants de la filière. Que sont outre les acteurs des filières bétail-viande et lait, les propriétaires de bœufs de labour. Le hic qui fait tilt est qu’habituellement, cette dernière catégorie d’acteurs n’est pas affiliée à aucune faitière du secteur. Le quota mis à leur disposition a toujours été pris en charge par la Cmdt, en solo. Transporter cette affaire pour la greffer à cette nouvelle situation revient à créer de la surenchère, une manière de noyer le poisson. C’est pourquoi les représentants des deux faitières (filière bétail-viande et filière lait) ont vu dans la démarche des deux ministères une manière de les piéger, dans le but de les décourager pour qu’ils se retirent des travaux de la Commission. Mais, ayant senti le piège venir, ils ont refusé de mordre à l’hameçon.

Nos sources de rappeler que chaque année, l’Etat, par le biais du ministère de l’Agriculture, accordait déjà une subvention de 3 à 4 milliards de FCFA à la filière bétail-viande et lait en guise de mesure d’accompagnement pour prévenir les tensions sur les prix des produits alimentaires de première nécessité à la veille de chaque mois de ramadan. Cette année, les acteurs des deux filières ont souhaité un changement de paradigme à ce niveau. Au lieu de faire de cette enveloppe une simple mesure d’accompagnement du mois de carême, qu’elle soit utilisée comme mesure incitative pour booster la productivité dans les deux filières, afin de permettre aux consommateurs d’accéder à moindre coût à la viande et aux produits laitiers en République du Mali. Il consiste pour l’Etat de mettre à la disposition de la Cmdt pour qu’à la fin de chaque campagne hivernale, elle mette à la disposition des producteurs bétail-viande et de lait des graines de coton subventionnées et vendues mon cher une fois transformées en huile et tourteau. Ce n’est un secret pour les initiés que l’investissement en amont sur les facteurs de production aura forcément une influence positive sur les prix à la consommation. Cette piste de solution n’a même pas été épluchée, à fortiori obtenir l’adhésion des agents publics. Or, il a été donné de constater que jamais ces milliards de soutien public à la filière ne sont parvenus aux vrais producteurs. C’est toujours une minorité mafieuse, en complicité avec des agents publics du ministère, qui accaparent cette subvention au détriment des citoyens maliens. Car, l’objectif de toute aide publique à une branche quelconque de l’économie est d’atténuer les effets de la surchauffe des prix des produits sur le marché de la consommation. C’est aussi des mesures conservatoires que les gouvernements se donnent pour intervenir sur le marché pour réguler les prix.

Notons que les interventions de l’Etat se manifestent de divers ordres. Elle peut être des injonctions pour protéger les consommateurs des conséquences sanitaires suite à la mise en circulation d’un produit quelconque. Elle peut être aussi pécuniaire. Dans ce cas de figure, l’Etat peut être amené à renoncer à des droits fiscaux pour rendre moins cher un produit quelconque sur le marché. Dans certains cas, les avantages fiscaux ne suffisent pas, l’Etat est obligé d’injecter des derniers publics dans la filière pour maintenir les prix à la consommation à des niveaux supportables pour les citoyens. Le soutien à la filière bétail-viande et lait se situe dans cette fourchette de situation. Car, le Mali étant réputé comme un pays d’élevage, il n’est pas pensable que le prix du kilogramme de viande soit au-delà du pouvoir d’achat du citoyen moyen. Un tel scénario peut conduire de facto à des soulèvements populaires, notamment en certaine période de l’année, telle le mois de carême qui est annoncé pour le mars prochain. Un mois déjà probablement à cause de la forte température. Pendant les deux mois qui se suivent, habituellement, surtout durant les trois dernières décennies, le mercure frôle les 45° à l’ombre dans le thermomètre.

Cette année 2023 du calendrier grégorien et 1444 de l’année hégirienne, les musulmans sont appelés à faire face à leur obligation religieuse en cette période de forte chaleur. Donc, il est tout à fait légitime qu’un gouvernement responsable puisse prendre des mesures clémentes pour leur permettre de passer ce moment dans la tranquillité d’esprit. Mais, malheureusement, les hommes n’ont pas les mêmes centres d’intérêts face à des choses de la vie. Surtout face à l’argent, les données changent. C’est ce qui arrive généralement dans la gestion des fonds publics sous nos tropiques. Ceux ou celles qui ont la main dedans oublient qu’ils ou elles ne sont que de simples intermédiaires pour faire parvenir l’argent public aux vrais bénéficiaires. Car, ce sont des mécanismes bien rodés et bien connus de tous les acteurs. Changer la destination d’un franc de cette manne se fera sentir aux résultats. C’est cette notion qui a vraisemblablement manqué à certains agents publics et pas les moindres au niveau des ministères du Développement rural et de l’Industrie et du Commerce. Eux qui étaient chargés, chacun dans son rôle, à intervenir pour rendre service à la filière, à la demande du premier décideur du pays, en la personne du président de la Transition, colonel Assimi Goïta. Lui qui a instruit le gouvernement de mettre directement à la disposition des acteurs de la filière 10% de la production de la graine de coton produite par les usines de la Compagnie malienne pour le développement des textiles (Cmdt). Ce qui représente un volume de 43 500 tonnes de graine brute.

Cette graine, mise à disposition, devrait être acheminée chez des industriels, choisis de commun accord entre l’Etat, à travers les agents techniques des deux Ministères ; les bénéficiaires, à travers leurs représentants émanant des faitières et les industriels, à travers également les représentants de leur faitière. Les critères d’attribution des quotas aux industriels, les conditions de vente après transformation, la gestion des sous-produits, notamment l’huile extraite de la graine subventionnée, etc. Tout cela devrait être discuté de commun accord. Car, signalons qu’après transformation, la quantité de tourteau normalement produite, selon nos sources, est de 34 800 tonnes. Qui doivent être mises à la disposition des producteurs de bétail-viande et de lait pour soutenir l’alimentation des troupeaux durant la période de sècheresse.

Malheureusement, à la surprise générale, les choses se sont passées autrement. Sans aucune discussion en amont, il a été donné de constater l’attribution unilatérale du marché de la transformation à 6 (six) usines par le ministère de l’Industrie et du Commerce. Que sont : Huicosi pour 12 000 tonnes ; Htdo pour 5 000 tonnes ; Diarra Negoce pour 4 000 tonnes ; Htgs pour 4 000 tonnes ; Huicobo pour 2 000 tonnes ; Alcoma pour 5 000 tonnes ; soit un total de 32 000 tonnes de graines brutes. Qui vont être de 30 000 tonnes de tourteau après transformation. Soit un taux de 94%. Mais, le hic, c’est le one-man-show du ministre Mahamoud Ould Mohamed dans ce dossier. Selon nos sources, il fut un moment où il s’était fermé à toute discussion sur les critères de choix consensuel qui a prévalu au moment de l’élaboration du cahier de charges, qu’il prétend établi en rapport avec les industriels. Quand bien même la majorité des industriels affirment le contraire.

Autre zone d’ombre dans ce dossier sulfureux, c’est la façon dont le jeu de ping-pong s’est passé entre lui et son collègue Modibo Kéita, ministre du Développement rural, par-dessus la tête du ministre délégué en charge de l’Elevage et la Pêche, Youba Bah. Qui est le grand absent dans ce dossier. Or, dans l’architecture gouvernementale, la gestion de ce dossier devrait prioritairement lui revenir en sa qualité du ministre chargé de l’Elevage. Un tel dysfonctionnement doit être réglé par le Premier ministre, le manager général. Mais, cela est une autre histoire.

Pour revenir à cette affaire des 10% de graine de coton, nos sources rapportent que cette subvention doit coûter aux contribuables maliens environ 4, 610 milliards FCFA TTC. En hors taxe, elle s’élève à 3,905 milliards de FCFA. Le mécanisme de commercialisation prévoit un point de vente unique. Qui n’est autre que les magasins de l’Office des produits alimentaires du Mali (Opam) à Bamako, où le produit transformé doit être acheminé pour être vendu au prix subventionné. Mais, il convient d’attirer l’attention des décideurs sur un aspect : le seuil de vente à ne pas dépasser pour permettre au maximum d’éleveurs d’y accéder facilement. Sinon, pour rien au monde les spéculateurs ne laisseront filer une telle opportunité entre les doigts. Ils profitent de la faiblesse du système pour accaparer tout et en revendre plus cher sur le marché. Car, il n’est pas évident que les industriels et les agents publics des deux ministères aient pris soin d’écrire sur les sacs la mention : « Tourteau subventionné non vendable sur le marché libre ». Il s’agit à travers ces actions de permettre aux producteurs d’accéder au sac de tourteau à moindre coût pour que le consommateur final puisse à son tour acheter la viande ou le lait à un prix relativement supportable par son porte-monnaie.

Mais, il revient à l’autorité de rester vigilante pour éviter que ces mesures de soulagement du consommateur ne soient détournées de son contexte. Même si des tentatives de la part de certains agents publics sont perceptibles. Surtout que certains d’entre eux ne sont à des coups d’essai. L’histoire récente de l’affaire des engrais est là pour nous rappeler la boulimie de certains citoyens, qui sont à des niveaux de responsabilité assez élevé. A cette occasion, des agents publics se sont permis d’exploiter les instructions du Président de la Transition à leur seul profit. On se rappelle que des personnalités de premier plan du gouvernement sortaient dans les médias pour expliquer les causes du retard de la livraison des intrants agricoles (engrains et produits phytosanitaire chimiques et herbicide) aux producteurs. Le ministre du Développement du rural, Modibo Keïta, est intervenu plusieurs fois sur le sujet à la télévision nationale. Même le Premier ministre Choguel K. Maïga a dû s’expliquer quelques fois sur le sujet. Pendant que des rumeurs folles faisaient état de l’opacité dans la gestion de cet autre dossier. Car, des sources généralement bien introduites ont fait cas de la volonté des autorités de refaire l’histoire avec de nouveaux opérateurs du secteur au lieu de laisser la main à des professionnels bien trempés, tels le Groupe Togouna. Qui est reconnu pour son excellente expertise dans la fourniture du marché des intrants tant au Mali que dans la sous-région. En outre, il est connu de tous les professionnels que seule Togouna Agro-Industries dispose de la plus grosse capacité de stockage au Mali. Dans le jargon des agents de la Cmdt, on parle de N+3. Qui veut dire en langage simple qu’elle peut assurer la fournir des besoins de l’année en cours, mais trois autres années de suite sans interruption.

Selon notre interlocuteur, le gouvernement a manqué de vigilance et même d’intelligence en voulant contourner un tel opérateur dans la filière des intrants agricoles au Mali. Surtout dans un contexte de crise mondiale née de la guerre opposant les deux plus gros producteurs d’intrants dans le monde : la Russe et l’Ukraine. Mais, pour des raisons de calculs politiques, le gouvernement a semble-t-il tenté de promouvoir de nouveaux opérateurs sans expérience et sans carnet d’adresses dans le secteur. L’échec ne pouvait qu’être garanti. C’est exactement ce qui semble être le cas dans cette autre aventure dans l’affaire des 10% de subvention. Les industriels exclus du marché estiment qu’il s’est passé des choses dans la plus grande opacité. Vivement des sanctions contre les agents fautifs, jusqu’au niveau gouvernemental, réclament certains industriels qui misaient sur ce marché pour pouvoir travailler un peu cette année. Car, faute de production de coton suffisante, leurs unités industrielles ne pourront pas tourner cette année. Est-ce besoin de dire que les usines d’engrainage de la Cmdt sont presque toutes à l’arrêt après avoir égrainé le peu de quantité de coton produit cette année à cause de l’indisponibilité des intrants à temps. Il est évident que le mensonge du gouvernement ne pouvait pas remplacer les intrants. On se souvient des assurances du ministre de Développement rural sur l’arrivée prochaine des commandes, qui ne sont jamais arrivées jusqu’à la fin de l’hivernage.

Les conséquences de ces comportements peu recommandables sur le Mali ont été immédiates. Notre pays a été bousculé de sa place de leader dans la production de coton en Afrique au sud du Sahara. Pour des raisons d’égo et de mercantilisme, et non d’intérêt général pour le pays. La chute de la production du coton ne pouvait qu’entrainer avec elle la baisse de la quantité de la graine produite. Selon nos interlocuteurs, ce sont seulement 435 000 tonnes de graines qui ont été produites par les usines d’égrainage de la Cmdt pour plus d’une centaine d’unités de transformation. Il est donc évident que beaucoup d’entre elles n’auront pas de quoi transformer cette année. Ce qui revient à dire qu’elles vont passer une année blanche. C’est pourquoi la plupart des industriels en veulent aux dirigeants de leur faitière.

Affaire à suivre donc…

M A. Diakité
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