Avait-on sous-estimé les menaces pouvant peser sur le Mali post-élection présidentielle ? Au vu de ce que le pays vit depuis quelques jours, la réponse à cette question est indubitablement oui. Alors que le calme relatif qui avait caractérisé le premier et le second tour de l’élection présidentielle était perçu comme la preuve de la victoire définitive et absolue contre les fauteurs de troubles, d’où qu’ils viennent, les multiples fronts qui s’offrent à la convalescente armée malienne remettent en cause certaines assurances.
En réalité, aucun des principaux problèmes qui minaient le pays n’aura connu eu une véritable solution. Avec les incidents d’hier et d’avant-hier à Kidal entre l’armée malienne et les combattants du MNLA, on réalise qu’entre ces deux camps, les rancœurs n’ont jamais été enterrées. Tandis qu’avec l’attentat de samedi dernier à Tombouctou, AQMI semble vouloir dire qu’il est encore et toujours là. Enfin, les tirs d’hier dans le camp de Kati sonnent comme un avertissement en direction des nouvelles autorités, par rapport à la délicate réforme au sein de la grande muette.
Avec le vote massif et la très surprenante accalmie qui l’avait caractérisé les 28 juillet et le 11 août derniers, les Maliens avaient clairement fait le choix de la stabilité contre l’anarchie et l’insécurité généralisées.
En se mobilisant comme ils l’avaient fait, ils voulaient définitivement tourner la sinistre page des dix-huit mois qu’ils avaient vécus sous le joug du tout aussi sinistre tandem putschistes-islamistes. Sauf qu’au regard de ce qui se passe dans le pays depuis quelques semaines, les voeux formulés ne sont pas encore exaucés. La désillusion guette les chemins de la réconciliation nationale.
Mais pas que chez les Maliens seulement. Du côté de la France aussi, où, soit dit en passant, se trouve d’ailleurs actuellement le nouveau président Ibrahim Boubacar Keïta, on ne doit pas trinquer avec les nouvelles en provenance de Kidal, Tombouctou et Kati.
Pour François Hollande qui commençait déjà surfer sur les vagues du succès de son intervention au Mali, c’est un début de camouflet inquiétant. Lui, par la volonté quasi exclusive duquel les élections maliennes se seront tenues, aurait certainement aimé que les choses ne passent se pas comme elles se passent actuellement. Autrement, ce sont ceux qui avaient crié à l’empressement qui pourraient avoir raison…
Les nouvelles autorités maliennes en général et le nouveau président en particulier demeurent cependant ceux qui ont le plus de souci à se faire. Evidemment , dans ses discours d’investiture, IBK n’avait point fait valoir un angélisme béat. Il semblait avoir pleinement conscience des défis qui l’attendaient. Mais il doit tout de même être surpris de la fulgurance avec laquelle ces problèmes se manifestent.
Les ennemis ne lui laissent aucune période de grâce. Il se rend désormais plus amplement compte de l’urgence et de la délicatesse de ta tâche qui l’attend en matière de réconciliation nationale. Il réalise qu’il lui faudra aller bien au-delà du symbolique ministère de la réconciliation nationale et du développement du nord du pays.
Du côté de l’armée aussi, il apprend ainsi sur le tas qu’il y a des intendances qui ne peuvent attendre les stratèges de la réforme des forces de défense. De même, pour lui, AQMI pourrait se révéler comme une hydre dont ne se débarrasse point parce qu’on lui aura coupé certaines tentacules. Mais très certainement, le drame avec tous ces problèmes qui surgissent aussi prématurément, c’est qu’ils vont occulter la dimension développement du pays. Or, ce facteur-là est également de beaucoup dans ce que le Mali a connu et continue de connaître.