Dans la gestion de la crise du nord, le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, avait promis « rigueur et fermeté ». Mais, l’évolution de la situation à Kidal, où les groupes armés occupent toujours une moitié de la ville et des édifices publics, traduit l’impuissance des nouvelles autorités et du président de la République, à se saisir de ce dossier et à le traiter avec toute la fermeté requise. Au contraire, le gouvernement, à travers un communiqué, vient d’annoncer aux Maliens, une série de mesures prises dont la libération d’une trentaine de rebelles et l’examen du cas des députés de la rébellion, qui sont sous le coup de mandats d’arrêt international, lancés par les autorités de la transition. Et du coup, l’opinion s’interroge sur la situation de Kidal.
Les groupes armés de Kidal, notamment, la Coordination du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) et du Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad (HCUA), et le Mouvement Arabe de l’Azawad (MAA), ont décidé « de suspendre toute participation à la mise en œuvre de l’accord cadre de Ouagadougou, et ce, jusqu’à nouvel ordre ». Ce communiqué relance de facto les hostilités entre le gouvernement malien et les rebelles de Kidal, qui affichent une détermination à obtenir une autonomie pour les régions du nord.
Mais la déclaration des rebelles a permis au peuple d’en savoir plus sur la façon dont le gouvernement du président IBK entend gérer la crise du nord : une gestion (pour l’instant) faite d’opacité et d’amateurisme, sur fond de discours trompeur du président de la République. La preuve.
En réaction à la décision des trois mouvements (Mnla, Hcua, MAA), de se retirer du processus de négociations, le gouvernement a annoncé une série de mesures, qui, dit-on, rentrent dans le cadre de l’application de l’accord de Ouaga. La surprise ? C’est à travers ce communiqué que les Maliens ont appris la libération de 32 criminels de guerre. Tous arrêtés lors d’opérations au nord et qui étaient sous mandat de dépôt pour diverses infractions (voir ci-dessous l’entretien accordé à L’Aube par le procureur Tessougué. D’ores et déjà, l’annonce du gouvernement au sujet de ces libérations suscite beaucoup d’interrogations au sein de l’opinion malienne. Qui sont ces prisonniers rebelles libérés? Dans quelles conditions, ont-ils été libérés ? La justice a-t-elle été associée à la décision de libération ? Pourquoi avoir gardé le silence sur cette libération ?… Ce sont là, entre autres, interrogations entendues au sein d’une opinion malienne, à qui l’on avait promis, une impunité totale pour tous ces bandits armés qui ont pillé, volé et violé au nord lors de l’occupation. Où est donc passée cette promesse de fermeté ? Elle semble, pour l’instant, sans effet. Et, depuis son arrivée au pouvoir, l’on a entendu que des discours du président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta. Des discours dans lesquels, le chef de l’Etat reprend systématiquement ses propos de campagne et qui ne sont pas suivis d’actes concrets.
A Kidal, le gouvernement n’est pas la bienvenue. Trois des ministres du gouvernement actuel ont été caillassés, le 15 septembre dernier, sans qu’aucune action ne soit envisagée contre les auteurs de ces actes. Même un communiqué pour condamner ces actions malveillantes des partisans du Mnla et du Hcua, n’a été publié par le gouvernement. Aveu d’impuissance face aux groupes de Kidal ? Tout porte à le croire.
Impunité pour des députés rebelles
Autre aveu d’impuissance : après la libération des combattants prisonniers, Le gouvernement s’apprête à lever le mandat d’arrêt lancé contre certains responsables du Mnla et du Hcua. Et le cas de ses élus, dont AG Bibi, Mohamed Ag Intallah, Algabach Ag Intallah (tous de Kidal) et Ibrahim Ag Assaleh (Bourem), est à l’étude, selon le communiqué du gouvernement. C’est dire que dans les prochains jours, ces députés n’auront plus de soucis à se faire. Or, ils furent parmi les djihadistes et autres terroristes qui ont commis des crimes au nord du Mali. Mais, la pression des groupes armés est devenue si forte que les autorités maliennes sont sur le point de céder. Où est donc la fermeté… ? D’ailleurs, ces criminels séjournent régulièrement à Bamako depuis quelques temps.
Et la question d’autonomie ?
Autre constat, dans le communiqué du gouvernement, c’est l’absence du mot ‘’AUTONOMIE’’ qui serait à la base de la colère des mouvements armés. En effet, pour ces mêmes mouvements de Kidal : « Cette suspension est intervenue… suite aux graves déclarations du nouveau président malien qui affirmait dans son discours à Bamako ‘’Sauf l’indépendance, le fédéralisme et l’autonomie, tout est négociable… ‘’. Cette déclaration rend, de facto, nulle et non avenue la participation des mouvements de l’Azawad à toute discussion dans la mesure où elle implique explicitement qu’il n’y a strictement rien à négocier ».
En ne faisant pas allusion à l’autonomie, le gouvernement du Mali a-t-il ainsi fait le choix d’ignorer les propos du chef de l’Etat afin de calmer l’ardeur des rebelles ou a-t-il fait un pas en arrière pour donner une chance à la reprise du dialogue ? Dans les deux cas, un dialogue de sourd est en train de s’établir entre Bamako et Kidal.
Aussi, face à la « fermeté » d’IBK, les groupes armés opposeront toujours leur mauvaise foi. Ce qui est loin d’arranger les choses à Kidal et de favoriser le dialogue entre les autorités maliennes et les groupes armés.
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Idrissa Maïga