Jamais la classe politique malienne ne s’est portée aussi mal que sous la transition du Colonel Assimi Goïta. Elle peine à se faire entendre et à jouer le rôle qui est le sien, malgré la situation chaotique du pays, caractérisée par une crise financière sans précèdent, une insécurité alimentaire inquiétante, une situation économique dramatique. Elle est véritablement à la recherche d’une issue de secours pour sauver encore ce qui peut l’être de son identité. Oui le pays sous la soldatesque ne se porte pas mieux que sous les démocrates. La transition ne fait que s’embourber dans la crise dont l’issue est incertaine. Aujourd’hui il y a un gros risque de glissement dans le calendrier électoral, ce qui entrainerait probablement une prolongation de la transition au grand dam du Mali qui s’exposerait à d’autres sanctions de la CEDEAO et de l’UA. La classe politique est vraiment inaudible pour ne pas dire qu’elle est aphone, malmenée par une opinion qui lui endosserait la responsabilité de tous les crimes et obstacles bloquant le développement du Mali, elle semble céder voir se résigner face à ce sévère jugement d’une certaine opinion, manipulée à souhait. Le hic est que ce jugement est porté sur la classe politique, avec la complicité de certains leaders politiques, tout aussi responsables des crimes, s’il y en a, mais qui ont su retourner la veste en se faisant passer pour des chantres du Mali Koura. Pour ces leaders certaines vertus comme l’honneur et la dignité sont à jeter aux chiens et ce qui compte c’est le profit qu’ils peuvent tirer d’une telle situation. L’Opinion est-elle très sévère dans sa sentence contre la classe politique ? Pourquoi est-elle plus clémente vis-à-vis des militaires malgré leurs bourdes ?En analysant sans passion la situation du pays et en situant sans complaisance les responsabilités, on en conclurait simplement que la classe politique malienne a failli. Elle n’a pas du tout été à la hauteur de l’espoir et de l’espérance que le peuple malien avait fondé sur elle, après l’avènement de la démocratie. Sa gouvernance a été surtout caractérisée par la corruption à ciel ouvert, le clientélisme, la culture de la médiocrité, la faillite de l’éducation, la détérioration du système de santé, et surtout le manque de formation du citoyen de demain. Et pour autant, cette classe politique est le fruit d’une longue lutte politique qui aurait débuté au lendemain du 19 novembre 1968, après le renversement, par le Comité Militaire de Libération Nationale, CMLN, du régime socialiste de Modibo Keita, le premier président du Mali indépendant. La question que l’on est en droit de se poser est celle de savoir pourquoi la classe politique malienne n’a pas su préserver les précieux acquis des combattants de la démocratie et de la liberté que furent entre autres, Me Demba Moussa Diallo, Me Drissa Traoré, Abdramane Baba Touré, Victor Sy, Mohamed Lamine Traoré, pour ne citer que ces quelques figures de proue. Leurs successeurs semblent trahir la noble cause, celle de la bonne gouvernance, pour laquelle ils se sont battus des années durant, Ils ont trahi l’idéal de combat pour une gouvernance vertueuse, pour s’adonner à des pratiques qui ont été dénoncées et combattues sous le régime dictatorial du général Moussa Traoré. D’où la colère noire de l’opinion qui semble aujourd’hui s’accommoder des bourdes des militaires au pouvoir plutôt que le retour de cette classe politique aux affaires. Erreur d’appréciation ou immaturité du peuple qui pense pouvoir trouver aux hommes en uniformes la solution de son malheur ? Autant la classe politique a échoué, autant les militaires, qui ont gouverné jusqu’ici le pays, ont également échoué. Donc la solution est entre les mains du peuple qui veut fuir ses responsabilités en mettant son destin entre les mains d’un groupuscule fut-il armé. Il revient au peuple et à lui seul de décider de son avenir, en choisissant des hommes et des femmes dignes de confiance, désintéressés, patriotes et qui répondent aux critères moraux et d’intégrité. Ceux-ci auront la lourde mission de dessiner le futur du Mali, en mettant surtout l’accent sur la formation des citoyens de demain. Qu’il soit dit en passant il n y a pas d’autres alternatives à la démocratie. Youssouf Sissoko