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Quand la rhétorique sur le dogme s’allie avec la ruse politique : La République est menacée !
Publié le mardi 4 avril 2023  |  Le Matinal
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Cette menace-là est pernicieuse, tel le cancer, elle ne sera perceptible qu’à quelques encablures de l’effondrement de la République, telle que nous la connaissons et voulons la bâtir, laïque et démocratique. Une république où toutes les composantes de la nation malienne trouveront leurs places, en harmonie, les unes avec les autres, avec un Etat, garant des libertés de chacune, particulièrement dans le cas qui me préoccupe, ici, la liberté confessionnelle. Celle-ci est dangereusement menacée dans les débats actuels autour de la nouvelle constitution.

De façon pernicieuse ! En effet, il n’est ni sain, ni responsable de vouloir discuter ou faire discuter des dogmes sur le terrain politique. La laïcité, ne doit pas être le prétexte à cela.

Que dit la laïcité ? Quels en sont les principes? Et pour quels objectifs ?

La laïcité repose sur trois principes :

La liberté de conscience et celle de manifester ses convictions dans les limites du respect de l’ordre public. Cet ordre n’est pas d’essence dogmatique, il est le fait des hommes, ici-bas. Il sera apprécié lors du jugement dernier, et ses acteurs en répondront devant Dieu.
La séparation des institutions publiques et des organisations religieuses. Ces dernières sont cantonnées à leur rôle de dire la parole divine, de la répandre du mieux qu’elles peuvent. Le jugement dernier les concerne autant que le citoyen lambda qu’elles ont enseigné. Elles ne sont et ne peuvent être des juges. Elles conseillent et éduquent.
L’égalité de tous devant la loi, quelles que soient leurs croyances ou leurs convictions.


En somme, la laïcité garantit la liberté de conscience et impose à l’Etat la neutralité en la matière, sans distinction de religion. Elle impose la séparation de la société civile de la société religieuse. C’est à dire qu’il n’y a pas de service public du culte. Ainsi, les services des cultes ne sont pas à la charge de l’Etat et celui-ci n’est soumis à aucun culte.

Alors, pourquoi certains lettrés veulent absolument diaboliser la laïcité en la mettant au cœur d’un “agenda mondial de destruction de la foi et de séparation de l’homme de Dieu”?

Une affirmation, ponctuée de versets de Coran, dans une rhétorique (Art de bien parler) dont a excellé monsieur Youssouf Hassan Diallo lors de l’émission “le Grand Jury” sur Renouveau Télé” le 24 mars 2023.

Par sa technique de communication (son calme, la pondération de ses propos, la gestuelle corporelle maîtrisée, le regard sûr et dans le champ de l’écran, des citations de versets de coran, qui sont en fait des dogmes, donc, pas discutables, à moins d’être athée), il a complètement dominé les débats. Il a subjugué les membres du jury, qui avouent que nombre de téléspectateurs ont demandé son passage encore devant le Grand Jury de Renouveau Télé. C’est inquiétant !

Comme Georges Bush, voulant convaincre l’opinion internationale de la dangerosité de Saddam Hussein, a répété les mots terroristes et terrorisme, plus que de raison dans un court discours, monsieur Youssouf Hassan Diallo n’a de cesse, de lier la laïcité à l’éloignement de Dieu, à chaque fois qu’il prend la parole et même de conclure son intervention avec ça. L’objectif recherché n’est autre que le rejet de la nouvelle Constitution par ceux qui veulent se rapprocher de Dieu. Il présente la laïcité comme antinomique de Dieu, de la foi et de la religion, comme Georges Bush a voulu faire entrer dans le subconscient des gens que Saddam Hussein est terroriste, et justifier la casse de l’Irak. La technique de communication est bien connue !

L’axe de son argumentaire est faux et archi faux! Il a fait de la rhétorique, avec éloquence, et forces techniques de communication. Il sait pertinemment que le dogme ne se discute pas, encore moins sur le terrain politique ! C’est pourquoi, le philosophe Georges Courtline, avertit : ” Si le propre de la raison est de se méfier d’elle-même, combien est persuasive l’éloquence des déments à prêcher qu’ils sont la sagesse, et qu’il est mal aisé de démontrer leurs erreurs”. En l’occurrence ici, il est impossible de débattre sereinement, en tant que fidèle musulman, avec un politicien IMAM, dont le programme de société est le Saint Livre, le Coran, un dogme par définition. Cela n’est pas chose aisée ! Ainsi, ses interlocuteurs, enfermés dans leur foi, n’ont pu qu’assister à un matraquage communicationnel dont l’objectif est de convaincre que “la laïcité procède d’un complot mondial contre Dieu, et qu’elle est la source de tous les travers de la société “. Comme, si à contrario, une entité (République ou un Royaume) bâtie sans référence à la laïcité est l’idéal en termes de gouvernance, de développement et de garantie contre la dépravation des mœurs.

Voilà qui est dangereux et déstabilisateur des fondements de la République telle que nous la connaissons jusqu’aujourd’hui.

Voilà ce qu’il faut démentir au plus vite par des experts maliens avertis. Face à ceux-ci, il aurait entendu, arguments à l’appui, que la laïcité n’est absolument pas contraire à l’islam. Ni son histoire, ni sa philosophie politique, ni son éthique, ni sa conception de l’articulation entre spiritualité, d’une part, et organisation de la Cité (dont la responsabilité incombe aux hommes), d’autre part, ne la rejettent. Alors, ces experts au Mali, doivent faire entendre leurs voix, au risque de laisser le borgne commander la cité des aveugles !

En attendant, prêtons attention à Ghaleb Bencheikh dans “L’islam dans la laïcité” (1er septembre 2008). Selon ce chercheur, l’islam se vit et se pratique dans une cité où la laïcité ne pose pas de problème, au contraire, bien admis par les écritures saintes. Selon lui, “le passage coranique qui enjoint les croyants musulmans à l’obéissance : « O vous qui avez cru ! Obéissez à Dieu, et obéissez au Prophète et aux détenteurs de l’ordre parmi vous » [Coran, sourate 4, les femmes, verset 59], admet de fait “la concomitance dans un même verset des deux pouvoirs, et démontre avec éclat que l’autorité religieuse ne se confond pas avec l’autorité politique”. Ainsi, selon lui, “si déjà du temps du Prophète, il pouvait y avoir une telle coexistence des deux autorités sans confusion, (a fortiori), quinze siècles plus tard, nous ne pourrions-nous permettre de les imbriquer l’une dans l’autre, ni de les assujettir l’une à l’autre”. Visiblement, Ghaleb Bencheikh, estime que “les préceptes du Coran et ses commandements moraux sont d’ordre général, et n’établissent aucune norme politique et encore moins une théorie de l’État”.

Alors, c’est aux musulmans pieux et sincères de s’élever contre la politisation de leur religion, en appelant clairement à un régime de séparation des deux ordres. Sur ce sujet, toujours selon Ghaleb, “le Coran est dans une neutralité on ne peut plus laïque. La réalité est que pour la nouvelle conscience croyante musulmane, Dieu omnipotent et omniscient « ignore » délibérément la question. Il le relègue à son délégataire, l’homme. C’est un hommage appuyé à l’égard du lieutenant gérant de la Création. C’est une garantie aux hommes de leur liberté de pensée et d’action. À charge, pour eux, de déployer leur génie politique, afin de déterminer le meilleur système de gouvernement qui leur soit convenable, tenant compte des particularités de leur temps […]” Voilà une contribution qui présente un autre aspect de l’islam et de la laïcité.

Devant des experts avertis, la rhétorique de monsieur Youssouf Hassan Diallo, présentant la laïcité comme la cause de tous les vices de la société, l’alcool, la drogue, la prostitution, et quoi d’autres, ne tient pas la route. Elle est tout simplement dangereuse !

Mais en attendant une confrontation d’intellectuels et d’érudits en théologie, Maliens et au Mali, sur la question de la laïcité, les réalités dans les pays musulmans, avec l’islam comme religion d’état, et dirigés par des imams, des ayatollahs, des Rois, montrent que les travers dénoncés par monsieur Youssouf Hassan Diallo et attribués à la laïcité, sont légions dans ces pays. Donc l’ossature de son argumentation ne tient pas et ne résiste pas à l’observation de la pratique dans les pays où il n’est pas question de laïcité.



En Iran, en 2008, le Général Reza Zarei, le chef de la police de Téhéran, a été arrêté dans un bordel avec six prostituées. Son arrestation a causé de l’embarras pour le gouvernement du Président Ahmadinejad car Zarei était chargé du vice à Téhéran. Le procureur chargé du dossier a noté que Zarei utilisait son bureau à des fins matérielles de prostitution (Wikipédia).

En Afghanistan, selon le rapport 2010 sur la traite des personnes de l’ambassade des États-Unis à Kaboul, des femmes d’Iran, du Tadjikistan, de Chine, peut-être d’Ouganda, et d’autres endroits, ont été contraintes de se prostituer en Afghanistan (Wikipédia).

Au Maroc, bien que la prostitution soit illégale selon le code pénal marocain et criminalisée en vertu des articles 497 à 503, l’ONU – SIDA estime qu’il y a, en 2016, environ 75 000 prostitués (femmes et hommes) en activité. Le Maroc comporte aussi une importante prostitution infantile dans les différentes régions du pays qui est pointée comme une forme de violence et d’exploitation des enfants (Wikipedia). Que dire de la drogue dans ces pays ? Renseignez-vous sur les crimes de blanchiments d’argent dans ces pays, les travers de la justice et les inégalités sociales.

Alors, est-ce que la “non laïcité ” de ces pays et royaumes les ont rendus plus heureux et plus développés que la Chine, les pays scandinaves? L’Indonésie, le plus grand pays musulmans, est-il exempt de violence, de prostitution, de trafic de drogue ?

À Monsieur Youssouf Hassan Diallo, restez en dehors du champ politique avec le coran. Votre place est dans la mosquée. Ne répliquez pas au Mali ce que les États-Unis d’Amérique ont fait en Afghanistan, en faisant des talibans des «guerriers de la guerre froide» contre le système athée du communisme de l’ex-URSS. Aujourd’hui, la Fédération de la Russie est différente de l’ex URSS. Par exemple dans la Fédération de Russie, le mariage est entre deux personnes de sexes différents, comme le veut la nouvelle constitution du Mali. Par contre, aux États-Unis d’Amérique, alliés de l’Arabie Saoudite et du Qatar, l’homosexualité est bien actée dans la constitution de l’Amérique. Pire, aujourd’hui, la zoophilie est actée en Espagne dans la loi, selon le sénat espagnol, un autre pays ami des monarchies du golfe, que visitent régulièrement les imams maliens, et pas des moindres ! Alors, dénonçons plutôt les connexions contre nature et sataniques, comme celles, entre les pays de l’OTAN et les monarchies musulmanes pétrolières du golfe, et sachons raison garder quand il s’agit de la Fédération de Russie. La fédération de Russie n’est pas l’URSS.

Les débat sur la nouvelle constitution ne doivent pas être l’occasion de rendre irréversible la présence du religieux dans le champ politique malien, à fortiori, de légitimer politiquement les revendications djihadistes au Mali. Les experts théologiens maliens sont attendus pour nous édifier et éviter des amalgames entre le dogme et la constitution, une œuvre humaine, ô combien imparfaite ! Il ne doit pas y avoir une branche armée constituée par les djihadistes et une branche politique constituée d’imams et de prêcheurs qui luttent contre l’État politiquement (la nouvelle constitution, après le code du mariage) et qui ne dénoncent aucun acte des djihadistes.

Il appartient aux autorités de la Transition de sortir de leur confort relatif et faire appel à des experts internationaux, théologiens musulmans et chrétiens pour discuter de cette laïcité et apporter des éclairages pour la compréhension de cette laïcité. Il ne s’agit pas d’un problème maliano-maliens, il s’agit bel et bien de deux visions du monde, de deux visions du Mali. Il s’agit bien d’une thématique, dont l’OTAN, tel Machiavel, s’en saisira pour ses objectifs de lutte atavique contre la Russie et ses alliés. Les experts internationaux doivent investir les mosquées et les universités pour des débats sur la laïcité au Mali. À défaut, les forces contre la Transition risquent de perturber sa marche et créer la brèche tant souhaitée pour l’effondrement de la refondation du Mali. Qu’à Dieu ne plaise !

Je vois déjà monsieur Youssouf Hassan Diallo me défier pour un débat sur ce sujet. Ma réponse est non, car je ne suis pas expert théologien. Je suis un citoyen dont le bon sens lui dit que monsieur Diallo est un danger potentiel pour la République laïque, telle que nous la connaissons. Il ne doit pas faire discuter le Dogme dans le champ politique. Il est très compétent et maitrise bien le Coran, alors, qu’il reste dans la mosquée et conseille la cité. La politique a des travers qui ne le siéent point. Je note juste pour finir, que le Mali est à 95 ou 98% musulman, donc le marché des denrées de première nécessité contrôlé à 99% par des musulmans. Si cela est, et l’islam est amour et loin des besoins matériels et de l’argent, comment les prix sont inabordables pour les musulmans au Mali ? Est-ce que cela ne doit pas être la priorité des leaders religieux et de Youssouf Hassan Diallo ? L’argent serait-il au-dessus des préceptes du Coran qui commande au croyant d’aider son prochain ?

Tous mes respects à monsieur Youssouf Hassan Diallo. Bon ramadan à tous les musulmans.



Seydou Traoré, ancien ministre Mali, 2002-2007

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