Au Sahel, les journalistes sont plus que jamais sous pression. Dans un rapport dévoilé ce lundi 3 mars 2023, l’organisation non gouvernementale Reporters sans frontières (RSF) déplore le net recul de la liberté de la presse dans la région, entre 2013 et 2023.
Le Sahel sera-t-il prochainement « la plus grande zone de non-information de l’Afrique » ? En tout cas, c’est ce que redoute l’ONG Reporters sans frontières (RSF). Dans son rapport, l’organisation non gouvernementale décrit des journalistes pris entre la violence des jihadistes et des groupes armés d’une part, et les restrictions, les pressions, les suspensions de médias et les expulsions de correspondants étrangers par les autorités, d’autre part.
Deux semaines après la libération du journaliste français Olivier Dubois, otage pendant 711 jours au Mali, Reporters sans frontières publie un rapport sur les menaces croissantes sur le journalisme dans la bande sahélienne.
Cinq journalistes ont été tués au Sahel en l’espace de 10 ans, tandis que deux autres ont été récemment portés disparus. Des centaines d’autres ont été menacés et ne peuvent plus exercer leur profession sans risquer leur vie. En 40 pages, le dernier rapport de RSF, ‘’Dans la peau d’un journaliste au Sahel’’, révèle à quel point les conditions d’exercice du journalisme se sont détériorées dans cette partie du monde, et comment celle-ci est en train de devenir une “zone de non-information”.
Être dans la peau d’un journaliste au Sahel signifie devoir faire face à des bandes armées radicales de plus en plus présentes qui n’hésitent pas à assassiner des journalistes quand elles ne les enlèvent pas pour s’en servir de monnaie d’échange. Dans ce contexte sécuritaire dégradé, il faut aussi savoir composer avec de nouveaux pouvoirs installés à la faveur de coups d’État et qui imposent à la profession leur conception du journalisme et leurs “injonctions patriotiques”. Il faut encore apprendre à évoluer avec la milice de Wagner, qui exerce une influence de plus en plus palpable sur le marché de l’information régionale, mais aussi déjouer les pièges des mercenaires de la désinformation.
Au Sahel, les dangers sont désormais multiples, tout comme les entraves imposées par les États qui limitent souvent de façon arbitraire la liberté de circulation et le droit d’informer des journalistes, notamment dans les régions où sont déployés les groupes armés.
Fruit de l’engagement direct sur le terrain des équipes de RSF à Dakar, qui ont aussi recueilli plusieurs dizaines de témoignages d’experts et de journalistes vivant ou travaillant dans la région, ‘’Dans la peau d’un journaliste au Sahel’’ décrit les nouveaux ennemis des journalistes locaux et de la presse étrangère, puis interroge les moyens de relever le défi d’informer en rappelant des initiatives de résilience et préconisant un certain nombre de recommandations.
« L’immense joie que nous a procuré la libération d’Olivier Dubois le 20 mars dernier ne peut occulter les difficultés croissantes auxquelles sont confrontés les journalistes travaillant au Sahel. Cette partie du continent africain est dangereusement en train de devenir une région privée de journalistes indépendants et d’informations fiables, où l’autocensure devient la norme. Pour éviter que le Sahel ne devienne une zone de non-information, ce rapport lance aussi un appel aux États de la région. Un sursaut est absolument nécessaire pour ne pas priver 110 millions de Sahéliens de leur droit élémentaire à être informés », a martèlé Sadibou Marong, Directeur du bureau de RSF pour l’Afrique subsaharienne.