Depuis un moment, nous assistons sur les réseaux sociaux, à la dure manifestation de la déliquescence de notre système judiciaire et cela, dans une indifférence totale des principaux acteurs, des pouvoirs publics et du peuple. En effet, tout le monde sait que notre justice est minée par la médiocrité, fruit d’un mauvais recrutement, de la corruption et de son instrumentalisation. Depuis un certain temps, les principaux acteurs de la justice, principalement des magistrats, à travers des corporations syndicales, ont pris le peuple en otage, en dictant leur loi au détriment du droit. Ces corporations syndicales, comme les pauvres justiciables qui en sont les victimes, savent tout ce qui se trame au niveau des juridictions, des tribunaux d’instance à la cour suprême, comme basses besognes, au détriment de la loi et du droit.
Et pourtant, peu avant la chute du régime d’IBK, l’Etat a fait le sacrifice de mettre les magistrats dans de meilleures conditions de travail et de rémunération. Ce sacrifice n’a presque rien servi car, les pratiques malsaines connues de tous, ont plutôt gagné du terrain, comme l’attestent du reste, les échanges auxquels s’adonnent certains magistrats sur les réseaux sociaux, ces jours-ci. Nous avons toujours soutenu que le niveau du salaire n’a pas de rapport avec la corruption. La corruption est un état d’esprit, c’est le fait d’une mauvaise éducation, d’une absence d’éthique, d’honneur et de dignité. Pendant que le peuple fait l’effort d’une certaine résilience face aux dures réalités sécuritaires, économiques et sociales, le corps judiciaire est quotidiennement éclaboussé par des scandales qui sont régulièrement étouffés et sans jamais de suite. Il suffit de se référer simplement à la décision de revenir sur un dossier d’assises dont le jugement en son temps, a fait la une des réseaux sociaux. A ce jour, quelle mesure digne de ce nom a-t-elle été prise ? Il ne faut pas se faire d’illusions, le développement d’un pays comme la vraie démocratie, se bâtissent sur une justice animée par des hommes et des femmes intègres, compétents, bien formés et capables de résister à toutes sortes d’interférence dans l’exercice de leur mission. D’aucuns se plaisent à soutenir que la corruption n’est pas propre au milieu judiciaire et qu’elle est dans tous les secteurs de la vie publique malienne : douane, impôts, affaires économiques, marchés publics, etc…. Cela est certes vrai mais, cette vérité ne peut être une excuse pour une justice qui faillit à sa mission : appliquer la loi sans tricherie et dans toute sa rigueur, quelle que soit la personne mise en cause. Une application sélective entraîne forcément la déchéance du droit.
Les échanges virulents auxquels le peuple assiste actuellement, complètement abasourdi, ne constituent qu’un petit pan de ce qui se passe au sein de l’appareil judiciaire. Les jeunes courageux magistrats, qui ont encore fraîchement en tête les leçons de déontologie à eux enseignées, tentent de sauver le peu d’images qui restent à la justice malienne, en invitant leurs aînés à plus de dignité, de réserves et de retenues.
Est-ce une relève digne de ce nom qui se prépare ? Le juge doit être au-dessus de tout soupçon. Ces événements, comme pour nous donner raison, nous renvoient à l’avant -propos de notre petit cahier, publié en 2018 : « Justice au Mali. Juge, Avocat et Témoin ».
Nous y avions mentionné que « les plus grands délinquants pourraient se recruter au sein de la famille judiciaire si la loi était égale pour tous ». Le peuple, au nom duquel la justice est rendue, se retrouvait péniblement hier dans cette œuvre de justice. Aujourd’hui il ne se reconnait nullement, du fait d’une justice galvaudée, qui ne lui fait pas honneur. Pour le Mali KURA dont le peuple rêve, il n’est point besoin d’aller loin chercher l’avènement.
Cet avènement se trouve uniquement dans le renouveau de la justice malienne dont le pilier est la magistrature et le barreau. Aussi, face à toutes ces dénonciations, qui reposent sans aucun doute sur des faits réels, le Barreau, l’autre principal acteur de la justice, se doit-il de jouer son rôle de veille sur la moralisation de la pratique judiciaire, au niveau des avocats. Sans donc une justice intègre, compétente, crédible et fiable, il n’y a aucun espoir pour l’avènement du Mali KURA.
Me. Moussa GOITA, Avocat au Barreau du Mali, Ancien magistrat.