Adama Sangaré, maire du District de Bamako : « Aucun vrai développement ne peut se réaliser sans les populations à la base »
En marge de la 98eme réunion de l’Association Internationale des Maires Francophones (AIMF) à Paris, du 27 au 29 Avril dernier, le maire du District de Bamako, Adama Sangaré, qui n’a pu effectuer le deplacement pour des raisons independantes de sa volonté, revient sur le rôle que joue la mairie du District au sein de cette Association, l’assainissement de Bamako et le développement à la base. Interview.
Lexpressdumali.com : Bonjour Monsieur le Maire, vous êtes membre du bureau de l’AIMF, comment le Mali à travers la ville de Bamako peut-il porter sa voix au sein de cette association ?
Adama Sangaré : C’est avec fierté que je rappelle que le Mali à travers la ville Bamako est membre fondateur de l’AIMF. A ce titre notre ville a accompagné l’adhésion de plusieurs villes maliennes à savoir Bandiagara, Djénné, Gao, Tombouctou, Segou, Sikasso, Mopti et sans oublier les associations comme l’Association des Municipalités du Mali, celles des Cercles de Yelimané et Bandiagara. Avec un tel niveau de représentation la voix du Mali ne saurait être inaudible. La participation effective de la ville Bamako à toutes les instances et la réalisation de projets et programmes sur financement de l’AIMF dans chacune des collectivités maliennes membres au bénéfice des populations à la base en est un bon indicateur. A titre d’exemples : le Projet d’assainissement intégré dans les communes III, V et VI du district de Bamako ; Le projet d’aménagement durable et d’agrandissement du groupe scolaire Abdoul NIANG de Mopti…
L’AIMF est un espace du donner et du recevoir. Nul n’ignore les obstacles auxquels est confrontée au quotidien la DECENTRALISATION dans presque tous les pays. Pour son renforcement, l’AIMF est un cadre de partage d’expériences et de bonnes pratiques pour une gouvernance locale efficiente. La ville de Bamako y apporte sa contribution aussi.
En quoi les maires et les collectivités peuvent être des acteurs de développement économique des pays ?
Aucun vrai développement ne peut se réaliser sans les populations à la base ou en dehors des territoires. Il est illusoire de penser qu’on peut réussir le développement sans les gouvernements locaux. Ils sont les autorités les plus proches. Ils connaissent mieux les défis et sont généralement pétris d’idées pour les relever. Il faut se poser la question suivante : que signifie le développement pour nos populations ? Pour elles, pour faire simple, il s’agit de pouvoir se nourrir, s’éduquer, se soigner, se déplacer et même se distraire en toute quiétude dans un environnement sain. Ces besoins vitaux sont exprimés et consignés dans nos Programme de Développement Economique Sociale et culturel PDSEC. « L’arbre ne doit pas cacher la forêt », nous sommes, certes des acteurs incontournables, nous concevons des plans et programmes, nous essayons de mobiliser des partenaires locaux et étrangers dont l’AIMF, mais l’obstacle majeur demeure la volonté politique de reconnaitre la décentralisation comme moyen de développement.
L’un des problèmes majeurs de la capitale Bamako demeure l’assainissement. La mairie avait signé un contrat avec la société marocaine Ozone pour assainir Bamako, lequel suscite beaucoup de débat pour manque de résultats. Qu’est ce qui n’a pas marché ? Quelle est la solution trouvée après le »départ de Ozone-Mali »?
La ville de Bamako est gérée en matière d’assainissement par la Stratégie de Gestion des Déchets Solides de 2003 qui prévoit des dépôts de transit dans les Communes, dont l’évacuation sur la décharge finale, est la mission de la Mairie du District de Bamako. La réalisation de la décharge finale relève du ministère en charge de l’Assainissement.
Suite aux évènements de mars 2012 et l’incivisme qu’ils ont engendré, la Mairie du District de Bamako ne pouvant plus payer les prestations des Groupements d’Intérêt Économique (GIE), la ville de Bamako a atteint un niveau d’insalubrité qui a amené les autorités à la signature de la Convention de Gestion des services de propreté de la ville de Bamako avec la Société Ozone Mali le 29 septembre 2014.
Le lancement de la convention a été fait le 09 février 2015 pour un démarrage officiel le 10 février 2015.
La convention de gestion des services de propreté de la ville de Bamako a pour objet :
La collecte des déchets ménagers et assimilés, des encombrants et des ordures des dépôts sauvages ainsi que le transport des résidus collectés au niveau des dépôts de transit à la décharge finale à la décharge publique et leur déchargement) ;
Le nettoiement d la voirie (chaussée, trottoirs, caniveaux et places…) et du mobilier urbain installé par le Délégant ainsi que le transport des résidus de nettoiement et leur déchargement à la décharge publique ;
Le lavage des voies et des places publiques,
Activités réalisées selon un programme défini dans un contrat ;
L’exploitation et l’entretien de la décharge finale.
Qu’est qui n’a pas marché ?
Avec une population d’environ quatre millions (4 000 000) d’habitants, la production journalière de déchets de la ville de Bamako est estimée à deux mille (2 000) tonnes soit environ quatre mille (4 000) mètres cubes.
La Société Ozone Mali a eu des retards de paiement qui ont joué sur la qualité de la prestation, provoquant par la suite le débordement des dépôts de transit ainsi que des points de collecte tout en favorisant la multiplication des points noirs dans la ville. Les rues n’étaient plus balayées correctement et les déchets perturbaient régulièrement la circulation.
Quelle est la solution trouvée après le départ d’Ozone –Mali ?
L’assainissement étant une compétence transférée aux Collectivités Territoriales, sa réalisation exige des ressources financières et humaines. L’opération Spéciale de ramassage et d’évacuation des déchets de la ville de Bamako qui a commencé le 02 août 2022 a confirmé l’engagement des Hautes Autorités par l’équipement de la Direction des Services Urbains de Voirie et d’Assainissement (DSUVA) en matériel de chargement et de transport (2 chargeurs, 2 camions semi remorques de 60 tonnes, 4 camions de 40 tonnes et 1 camion de 30 tonnes). Pour assurer sa mission régalienne de gestion des services de propreté de la ville de Bamako et lui rendre son étiquète d’antan « Bamako la coquette », la DSUVA doit être renforcée en matériel, en personnel et en moyens financiers.
Un Comité de pilotage de Haut niveau a été mis en place pour l’orientation et l’évaluation hebdomadaire des activités de l’opération spéciale de ramassage et d’évacuation des déchets de la ville de Bamako. Il se réunit chaque mercredi à partir de 15 heures passées de 30 minutes dans la salle de réunion du MATD et est constitué de :
Le Ministre d’État, Ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation ;
Le Ministre de l’Économie et des Finances ;
Le Ministre des Transport et des Infrastructures ;
Le Ministre de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement Durable ;
Le Ministre de l’Urbanisme, de l’Habitat, des Domaines, de l’Aménagement du Territoire et de la Population ;
Le Gouverneur de la Région de Koulikoro ;
Le Gouverneur du District de Bamako ;
Le Maire du District de Bamako ;
Le Sous Préfet de Tienfala ;
Les six Maires des Communes de Bamako.
En cas de besoin, le comité de pilotage peut faire appel à tout ministre du Gouvernement ou toutes personnes ressources.
Un Comité de suivi technique a été mis en place pour la mise en œuvre des recommandations du comité de pilotage. Il est constitué des services techniques des membres du comité de pilotage et se réunit chaque mardi à 14 heures à la Mairie du District de Bamako pour préparer la réunion du comité de pilotage.
Cette opération spéciale est appuyée par des actions citoyennes dans le balayage des rues et souvent l’évacuation des dépôts de transit et points noirs de la ville de Bamako.
La mairie du District de Bamako est-elle porteuse de projet à cette 98ème réunion du Bureau de l’AIMF à Paris?
Dommage que pour des raisons indépendantes de notre volonté nous ne serons pas en présentiel à la 98ème réunion de l’AIMF mais cela n’a jamais été un handicap pour porter un projet à l’AIMF. Bien évidemment, la Mairie du district est porteuse de projet à cette rencontre à Paris. Je voudrais, avant, ici remercier Mme la Présidente, les membres du Bureau et le Secrétariat Permanent de l’AIMF pour les messages et geste de solidarité à l’endroit du Mali , à chacune des rencontres de notre association.
Ai-je besoin de rappeler les difficultés que nous villes maliennes, sahéliennes bref ouest Africaines, membres de l’AIMF traversons, conséquences des crises multiformes ? A cet effet, Il est opportun aujourd’hui que les mettions en place un comité d’analyse scientifique pour l’élaboration et l’adoption et la mise en œuvre d’un programme de résilience. Ce programme à coconstruire prendra en compte les besoins urgents liés à la restauration de la paix dans les zones de conflit, le retour des populations déplacées…
Interview réalisée par Benjamin Mampuya depuis Paris en collaboration avec Ousmane Anouh Morba