L’entité communautaire conduite par Abou Sow s’est illustrée par une déclaration fracassante avec les dozos dans son viseur. Mais la riposte n’a pas tardé à intervenir et pourraient raviver les tensions autant qu’elle remet au jour la problématique inter-communautaire dont l’évocation a coûté la lapidation à certains acteurs publics.
Dans son communiqué consécutif aux événements de Sevaré, le bureau exécutif de Tabital Pulaaku Mali indique en effet avoir été saisi des cas d’exécutions sommaires perpétrées par un chasseur originaire du village de Ngolomoussana dans la commune de Moninpebougou/cercle de Ke-macina dans la région de Segou. Le nommé Samba Samake se serait rendu coupable, selon le même communiqué, du meurtre de deux personnes dans le village de Nieniebougou (Commune de Monimpebougou) et de la blessure de l’époux de l’une de ses victimes. Accompagné de deux autres donzos dont l’identité n’est pas encore connue, ils auraient en outre mis le feu à toutes les habitations appartenant aux familles peules du village, avant de se rendre au village de Woula dans la commune de Bocki-Were (cercle de Ke-macina) pour tirer à bout portant sur un père de famille et ses deux enfants, une fillette âgée d’à peine 3 ans et un nourrisson. Et de prêter au bourreau présumé l’intention l’éliminer tous les peuls qu’il croiserait sur son chemin dont les noms seraient inscrits sur une liste de notables des cercles de Niono et de Ke-macina.
Une situation porteuse d’effroi et de terreur que Tabital Pulaaku Mali n’entend pas laisser s’instaurer. L’association interpelle par conséquent les autorités sur ce qu’elle considère comme «une permissivité», un chèque en blanc accordé à une «caste de voyous et de bandits agissant sous le manteau de donzos. «C’est le moment aujourd’hui plus que jamais, d’arrêter de privilégier certains citoyens sur d’autres; d’arrêter de laisser une frange de la population à la merci d’une autre. Il est temps et grand temps de mettre les donzos criminels hors d’état de nuire. Ils ont pris goût au gain facile et abusent de la tolérance accordée par l’Etat”, martèle le communiqué, allusion faite aux hommes de Youssouf Toloba, lequel n’a pas tardé à réagir.
DANA AMBASSAGOU NE LÂCHE RIEN
Le mouvement Dogon, composé de Dozos, s’est surtout insurgé contre les derniers paragraphes du communiqué qui attribuent aux éléments de Dana Ambassagou la décapitation de deux individus au faciès peul assimilés à des djihadistes ayant pris part à l’attaque de Sevaré. «En ont-ils la moindre preuve? Au nom de quoi peuvent-ils s’arroger le droit d’arrêter et de tuer des citoyens? Même si ces individus étaient impliqués dans un quelconque attentat, le devoir de Dana Ambassagou était de les arrêter et de les livrer aux autorités compétentes, judiciaires, en l’occurrence, ou à la police ou la gendarmerie la plus proche», déroule en effet le communiqué en mettant en garde contre «le risque de mettre à mal l’unité et la concorde nationales» avec de telles pratiques
Dans un élément un audio intervenu une journée après le communiqué sulfureux, le chef des dozons, Youssouf Toloba, n’y va pas mainmorte en prenant à partie le président de l’association peule. «Plusieurs associations similaires à TABITAAL Pulaku existent au Mali. Il ne doit pas déclarer la guerre aux dozons qui sont aux prises avec les djihadistes. Si les autres entités communautaires doivent hausser le ton, le Mali aura du mal à s’en sortir”, martèle-t-il. Tout en reprochant à Abou Sow sa posture mutique devant d’autres atrocités similaires, Toloba conseille par ailleurs au président de Tabidal Pulaaku de se hisser au-dessus de la mêlée, en indiquant au passage qu’il n’est pas encore tard de bien faire dans le sens de la paix. Et d’enfoncer le clou en mentionnant que les victimes ne se comptent pas dans la seule communauté d’Abou Sow qu’il accuse de passer son temps à fustiger les autorités et les dozons, à coups d’appels au désarmement de ses hommes qui n’interviendra tant que la guerre n’est pas terminée, prévient-il. Tout en relevant qu’Abou SOW n’a jamais fait cas du désarmement d’Amadou Kuffa, l’homme fort de Dana AMBASSAGOU lui reproche également de ne pas s’impliquer comme il faut dans le désarmement de tous les autres peuls engagés dans la crise et qui ravivent les clivages.
En près de 20 minutes, il prendra fait et cause pour son mouvement avant de conclure que ses hommes resteront intraitables face aux sorties qu’il qualifie de “diffamatoires” à leur endroit.
EN QUOI MARIKO ET AUTRES SONT-ILS PLUS BLÂMABLES ?
Quoiqu’elles n’aient inspiré aucune réaction aux hautes autorités, les accusations de Tabidal Pulaaku remettent au goût du jour des épisodes similaires par leur teneur, à savoir les cas d’Oumar MARIKO et d’Aminata Dicko. L’ancienne figure de l’Aeem, non moins président du parti SADI, est condamné à l’exil pour avoir dénoncé les mêmes formes d’exactions pointées du doigt par TABITAAL Pulaku. Idem pour Aminata Dicko qui finira par sortir du pays sur la pointe des pieds pour les mêmes raisons, après sa sortie tonitruante sur la tribune des Nations Unies, lors d’une session sur l’insécurité au Mali, pour contrarier le chef de la diplomatie malienne.
Avec Tabidal Pulaaku, les accusations portent certes sur une milice locale et non étrangère, mais la question refait surface avec le même accent sur les malaises communautaires et inter-ethniques que les hautes autorités s’évertuaient à démentir sur la tribune de l’ONU et qui ont valu aux voix dissidentes d’être ostracisées par les soutiens de la Transition avec la bénédiction implicite des hautes autorités.
Il y a lieu de s’interroger, en définitive, sur la façon dont ces mêmes autorités vont s’y prendre avec les insinuations de Tabidal Pulaaku quant à la tolérance des exactions imputées aux milices qu’elles sont censées désarmer en vertu d’une mesure législative en vigueur depuis sous IBK.