Depuis mai 2021 (début de la rectification de la Transition), le peuple malien fait preuve d’une étonnante résilience dans l’espoir que les réformes annoncées puissent aboutir à une véritable refondation de la gouvernance du pays. Pour une fois, les Maliens semblent être déterminés à payer le prix du changement. Cela sera-t-il pour autant payant pour une fois dans un pays où la volonté de changement a toujours été noyée par la cupidité des élites, la mégalomanie et la démagogie des politiciens ? Tout dépendra en fait de l’attitude de l’élite nationale qui, après la transition, aura la lourde responsabilité de maintenir l’appareil d’Etat sur les rails de cette gouvernance vertueuse. Saura-t-elle enfin oublier son confort et ses intérêts au profit du développement du pays, de la répartition des richesses au bénéfice de toute la nation ? Peut-on instaurer une gouvernance vertueuse alors que l’élite ne rêve que de luxe et de jouissance sans fournir d’efforts ?
«Il existe deux ensembles de principes. Les principes de pouvoir et de privilège et les principes de vérité et de justice. Si vous courez après le pouvoir et les privilèges, ce sera toujours au détriment de la vérité et de la justice» ! Telle est la conviction de Noam Chomsky ! On pourrait aussi ajouter que si vous courez après le pouvoir et les privilèges, votre réflexion risque de faire de vous un danger permanent pour votre pays. En effet, votre préoccupation risque d’être votre seul confort au mépris de votre mission, de votre devoir…
Depuis l’interruption du 19 novembre 1968, le cadre malien est devenu en général un aliéné mental au point de devenir un poids, un handicap énorme pour le développement du pays. Et comme l’a une fois mentionné l’ancien président et homme politique ivoirien, Laurent Gbagbo, «c’est ce qu’on a dans la tête qui fait qu’on se développe ou pas». Ce n’est pas loin de ce que pensait également le regretté président du Faso, Thomas Sankara, pour qui «la domination culturelle (mentale) est la plus souple, la moins coûteuse, la plus efficace». Ne pouvant pas s’opposer à l’indépendance, le colon a pris le contrôle de notre mental afin de nous orienter vers des futilités et continuer à se développer à partir de nos richesses.
Quand on confie une quelconque responsabilité à un cadre de ce pays, il est rarement préoccupé par comment être à la hauteur de cette mission pour apporter sa petite pierre à l’édification d’un Etat émancipé et développé. Sa préoccupation, c’est comment en tirer le meilleur parti pour sa propre ascension sociale, économique… ; pour réaliser son rêve de villas et de voitures luxueuses, de belles et coûteuses maîtresses à collectionner…
Au lieu de réfléchir à la prospérité de l’entreprise ou du service, il planifie sa propre réussite en termes de propriétés privées… Comment lui en vouloir si la société elle aussi fait de cette possession (généralement mal acquise) le critère principal de considération pour un fils ou une fille du pays ? C’est le terreau fertile qu’elle (société) a ainsi offert à la corruption, à la délinquance et à toutes les autres formes de malversations financières aux dépens de son propre épanouissement. Et c’est de cette triste réalité qu’il faut se débarrasser si l’on veut que le «Mali Kura» tienne ses promesses à l’égard des futures générations
La «Charte d’éthique et des valeurs» comme pierre angulaire du vaste chantier institutionnel ouvert par la transition
«…Les initiatives qui matérialisent nos ambitions naissent avant tout de la pensée», écrivait récemment un jeune confrère. Autrement, pour paraphraser un jeune cadre, point de salut donc pour «un pays où les gens préfèrent aller voir le sorcier pour éliminer les esprits savants au lieu d’encourager la recherche…». Ainsi, tant que l’intérêt général n’est pas au centre de notre pensée, de notre réflexion, nous ne pouvons pas contribuer à briser la chaîne des mauvaises pratiques qui hypothèquent nos efforts collectifs de développement. Une réalité qui fait que le Mali est encore englué dans «une crise sans précédent sapant les fondamentaux de notre nation».
Les autorités de Transition ont compris que le coup d’Etat du 18 août 2020 n’aurait servi a rien s’il fallait opter pour un retour à l’ordre constitutionnel sans crever l’abcès de la mauvaise gouvernance nous condamnant au sous-développement comme une éternelle malédiction. C’est pourquoi elles ont engagé un mouvement de refondation nationale axé sur des réformes audacieuses et soutenu par des mesures concrètes dont la restauration de nos valeurs culturelles Celle-ci (restauration) est la pierre angulaire de ce vaste chantier institutionnel à travers la «Charte d’éthique et des valeurs» en gestation.
Elle se greffe à la prise de conscience qui s’est déjà concrétisée par l’instauration du Service national des jeunes (SNJ) faisant de la formation militaire et citoyenne le passage obligé de l’intégration dans la Fonction publique. Mais, n’oublions pas surtout que l’éducation demeure la vraie moule pour façonner des citoyens responsables engagés pour la patrie. «Partout où ça dégénéré dans le monde, ça commence par un groupe de personnes majoritairement composé d’ignorants qui s’arroge des titres, qui confond son intérêt et celui du pays et qui qualifie tous ceux qui ne suivent pas la même logique de traîtres», rappelait récemment un intellectuel du pays pour mettre l’accent sur l’éducation et le culte de l’excellence !
Une exhortation à faire de l’éducation une priorité des priorités dans notre quête du changement. Fermer les yeux sur les lacunes et les incohérences d’un système éducatif est à nos yeux l’une des pires trahisons d’une génération vis-à-vis du futur de la nation.
L’éducation, une priorité des priorités pour façonner les citoyens du Mali Kura
C’est la bonne éducation (à la maison et à l’école) qui nous conduira à comprendre que, pour que la résilience actuelle du peuple malien aboutisse au changement et au développement, il faudrait désormais que la composante majeure de l’élite nationale réfléchisse comme Alioune Badara Thiam dit Akon. «J’ai investi 1 milliard de dollars en Chine pour fournir de l’électricité en Afrique. Le continent manque d’électricité, d’eau, d’infrastructures de bases… Il y a beaucoup de progrès à faire», a récemment déclaré le chanteur de R’n’B sénégalo-américain (né en 1973 à Saint-Louis, au Sénégal)…
Et d’ajouter, «quand tu voyages et que tu vois la misère, tu as juste envie d’apporter ton aide. Frimer n’est plus mon délire, je ne porte plus de bijoux. J’ai vu tellement de gens dans le besoin, jusqu’à me sentir coupable en visitant des villages. Débarquer avec des boucles d’oreilles à 50 000 dollars est inutile. C’est juste une tape à l’œil qui ne sert qu’à faire le beau devant les autres. C’est pour cela j’ai décidé d’utiliser mon argent pour aider les autres».
Le Mali Kura ne peut pas s’accommoder de ceux qui ne rêvent que de bâtir des îlots de prospérité dans des océans de misère. Il a surtout besoin d’hommes et de femmes politiques engagés, au service de tous et défenseurs de l’inclusion ! Et non de singes qui imitent et de perroquets qui répètent.
Si la majorité des cadres du Mali décident aujourd’hui d’utiliser leurs connaissances, leur expertise, leur expérience, leur savoir et leur savoir-faire au service exclusif du pays, le Mali Kura aura plus de chance de combler les attentes, l’essentiel des attentes nationales !