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OCLEI : La Cour suprême annule les décrets de nomination de deux de ses membres
Publié le samedi 6 mai 2023  |  Aujourd`hui
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© aBamako.com par A S
Journée d`échange sur la corruption
Bamako, le 11 novembre 2018 Le ministre Boly a présidé la Journée d`échange sur la corruption. Photo Moumouni Guindo
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Djibril Sogoba, gendarme à la retraite domicilié à N’Tomikorobougou et Madame Bagayoko Fanta dite Dioukha Camara ont eu gain de cause dans les affaires qui les opposent à leur ancien employeur, l’OCLEI (Office central de lutte contre l’enrichissement illicite). Dans deux arrêts rendus respectivement le 15 juillet 2021 et le 23 mars 2023, la Cour suprême annule deux décrets portant nomination d’un membre de l’Office centrale de lutte contre l’enrichissement illicite et attaqués par les requérants dont on avait mis aux fonctions en plein mandat. Du coup, la juridiction suprême du Mali prouve que la justice n’est pas seulement celle du plus fort, mais elle est égale pour tous.

Le contentieux de l’Etat a perdu deux procès impliquant l’OCLEI et deux de ses anciens membres.

La procédure est allée jusqu’au bout, c’est-à-dire au niveau de l’instance suprême des juridictions au Mali, la Cour suprême qui a dit le droit en faveur des plaignants. Mais, que d’arguments de part et d’autre !

Le capitaine Djibril Sogoba perd une bataille…

Dans la première affaire, la Cour suprême du Mali (Section administrative), en son audience publique ordinaire du quinze juillet deux mille-vingt-un, a rendu l’arrêt N°469 entre Djibril Sogoba, gendarme à la retraite domicilié à N’Tomikorobougou d’une part et, le Décret N°2020-184/P-RM du 02 avril 2020 du Président de la République, portant nomination d’un membre de l’OCLEI, le Ministère des Forces Armées et des Anciens Combattants, représenté par la Direction générale du Contentieux de l’Etat d’autre part.

Par rapport à la procédure, suivant recours enregistré au greffe de la Cour le 09 novembre 2020, Monsieur Djibril Sogoba, agissant en son nom et pour son propre compte demandait à la Cour de céans d’ordonner au ministre des Forces Armées et des Anciens Combattants de lui accorder des avantages pécuniaires et statutaires et de dommage intérêt ;

Par un second recours, enregistré au Greffe de la Cour de Céans, le 22 janvier 2021, le même requérant sollicitait de la Cour de céans l’annulation du décret n°2020-184-/P-RM du 02 avril 2020 du Président de la République ;



Moumouni Guindo
Les requêtes ont été notifiées à la Direction générale du Contentieux de l’Etat pour production de mémoire en défense, cependant aucune réaction de la part de celle-ci n’est parvenue à la Cour en ce qui concerne le premier recours en l’occurrence sa demande relative aux avantages pécuniaires et statutaires ;

Qu’il y a lieu de soutenir que la Direction générale du Contentieux de l’Etat est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans le recours et cela conformément à la loi ;

Quant au second recours notamment, le recours en annulation du décret, la Direction générale du Contentieux de l’Etat a réagi aux écritures du requérant par deux mémoires en défense auxquels le requérant a répliqué.

En droit, en la forme et sur la jonction des procédures, considérant que les requêtes en date du 09 novembre 2020 et celle en date du 22 janvier 2021 présentent un lien suffisant de connexité en ce qu’elles sont toutes relatives à la révocation de Djibril Sogoba de l’OCLEI consécutive à sa mise à la retraite par le ministre des Forces Armées et des Anciens Combattants ;

Que pour une bonne administration de la justice, il y a lieu de joindre les deux procédures pour y statuer par une seule et même décision.

Sur la recevabilité des recours et sur la requête en date du 09 novembre 2020, considérant que le recours en date du 09 novembre 2020 du sieur Djibril Sogoba est un recours en plein contentieux, en ce qu’il tend à obtenir de l’Etat du Mali à travers le ministère des Forces Armées et des Anciens Combattants des avantages pécuniaires et statutaires ; considérant toutefois que le requérant n’a produit aucun acte contre lequel son recours est dirigé ; qu’or, tel qu’il résulte de l’article 232 de la loi n°2016 046 du 23 septembre 2016 portant loi organique fixant l’organisation, les règles de fonctionnement de la cour suprême et la procédure suivie devant elle ” …la section administrative de la cour suprême ne peut être saisi que de recours formulé contre une décision … “ ;

Qu’il résulte à cet effet qu’une demande préalable adressée à l’administration concernée était nécessaire en vue de susciter de celle-ci une décision avant toute saisine de la cour de céans ;

Qu’ayant occulté cette étape dans la procédure, le recours en plein contentieux initié par Djibril Sogoba ne saurait être accueilli.

…mais il gagne la guerre

Sur la requête en date du 22 janvier 2021 et sur l’irrecevabilité du recours de Djibril SOGOBA pour forclusion soutenu par le défendeur, la cour suprême réhabilite le requérant :

Considérant que la Direction générale du contentieux de l’Etat a fait parvenir une correspondance du ministre de la justice pour le compte de l’OCLEI à travers laquelle celui-ci soulève la forclusion contre le requérant en prétendant que le décret de nomination a été notifié au requérant il y a plus de deux mois, qu’à partir de la notification du décret , le requérant au lieu de l’attaquer directement par voie de recours pour excès de pouvoir, a cru utile d’exercer le recours gracieux en saisissant monsieur le Président de la République, le 27 aout 2020, or, il n’en avait pas besoin, car la décision qui lui fait grief existait de facto ;

Que le recours gracieux est obligatoire s’il est nécessaire de provoquer la décision administrative, mais si cela existe, le requérant se doit de l’attaquer dans les deux mois à compter de sa notification ou publication ;

Que le décret ayant été notifié à l’intéressé en aout 2020, son recours devant la cour suprême du 22 janvier 2021 doit être déclaré irrecevable pour forclusion , car entre aout 2020, date de son recours gracieux et le janvier 2021, il s’est écoulé plus de deux mois ;

Considérant cependant, que contrairement aux allégations du défendeur, le requérant peut exercer des voies de recours administratifs préalablement à toute saisine de la juridiction compétente pourvu que le recours soit exercé dans le délai de recours contentieux ;

Considérant qu’il a été mis fin au mandat du capitaine Djibril Sogoba à l’OCLEI suivant décret suscité, le 02 avril 2020 ;

Que Suivant correspondance en date du 27 aout 2020 le susnommé a saisi le Président de la République sollicitant le retrait dudit décret qu’il trouve illégal.

Considérant qu’il est constant que ladite demande de Djibril Sogoba adressée au Président de la République est un recours gracieux ;

Qu’en l’espèce, ce recours gracieux est réputé avoir été exercé dans le délai de recours contentieux puisque que la preuve de notification de la décision faisant grief à date certaine au requérant n’est pas rapportée.

Considérant qu’il résulte des pièces du dossier que la correspondance adressée au Président de la République est restée sans réponse pendant plus de quatre (4) mois, du 27 aout 2020 à la saisine de la cour de céans, le 22 janvier 2021.

Considérant qu’en droit, le silence de l’administration pendant quatre mois équivaut à une décision implicite de rejet ;

Que depuis le 27 décembre 2020, les quatre mois de silence ont été bouclés

Que ce faisant, cette décision implicite de rejet a provoqué un nouveau délai de deux (mois) du 27 décembre 2020 au 27 février 2021, au bénéfice du requérant ;

Que le recours ayant été exercé le 22 janvier 2021, il importe de dire que le délai légal a été respecté.

Considérant que les autres conditions de recevabilité étant satisfaites, il convient de déclarer le recours, pour excès de pouvoir, de Djibril Sogoba régulier.

Gîte et couvert pour le capitaine

Autre victoire du capitaine Sogoba, celle du jugement au fond.

Considérant que, monsieur Djibril Sogoba au soutien de sa requête en date du 22 janvier 2021 fait valoir :

Qu’en vertu de l’ordonnance n°2015-032/P-RM du 23 septembre 2015, ratifiée par la loi n°2016-017/P-RM du 09 juin 2016, a été créée l’Office Centrale de Lutte Contre l’Enrichissement Illicite, OCLEI, une autorité administrative indépendante, dotée de l’autonomie financière et qui a mission de mettre en œuvre l’ensemble des mesures de prévention, de contrôle et de lutte envisagées au plan national, sous régional, régional et international contre l’Enrichissement Illicite ;

Que chargés de lutte contre l’Enrichissement Illicite, les membres de l’OCLEI préalablement astreints à une enquête de moralité doivent répondre à des exigences de qualités particulières d’avoir au moins dix (10) ans d’expériences et remplir des conditions requises pour accéder au statut de cadre “A” de la fonction publique ;

Que pour satisfaire cette exigence, la qualité des membres de cette institution est réservée à des personnes ayant exercées de hautes fonctions et responsabilités dans leur secteur respectifs et reconnues pour leur probité, leur honorabilité et leur intégrité morale, raison pour laquelle, l’article 8 chapitre III de la loi de ratification n°2016-017/AN-RM du 09 juin 2016 suscitée a prévu dans sa composition, deux (02) officiers de police judiciaire représentant de la police et de la gendarmerie, désignés par le Ministre de la justice sur proposition du Ministre de la Sécurité ;

Qu’à ce titre, le capitaine de gendarmerie Djibril Sogoba, officier de police judiciaire, distingué pour sa grande expérience au service de son pays, mais aussi estimé et reconnu pour sa probité, son honorabilité et son intégrité morale, est alors nommé au bénéfice du décret n°2017-0207/P-RM du 10 mars 2017 portant nomination des membres de l’Office Centrale de Lutte contre l’Enrichissement Illicite OCLEI ;

Qu’au terme de l’article 10 chapitre III de la même loi, les membres de l’OCLEI sont nommés pour un Mandat de quatre (04) ans renouvelables une fois, le renouvellement se faisant pour moitié tous les quatre (04) ans ;

Qu’en effet ce mandat de quatre (04) ans pour compter du 1er juin 2017, date de sa prestation de serment devant courir jusqu’au mois de juin 2021 pour le capitaine Djibril Sogoba, en mission à l’OCLEI, en représentation de son corps d’origine et placé en position de détachement de personnel militaire par sa hiérarchie pour une période de cinq (05) ans renouvelables une fois ;

Que ce mandat de quatre (04) ans est immuable et ne peut être remis en cause que pour les motifs prévus par les dispositions spéciales en vigueur ;

Qu’en application de l’article 14 de la loi portant sa création : “Il ne peut être mis fin aux fonctions de membre de l’Office Central de Lutte Contre l’Enrichissement Illicite avant l’expiration du mandat, qu’en cas de démission, de décès, de faute lourde ou d’empêchement absolu,

En cas de démission le membre saisit le Président de l’Office Central de Lutte Contre l’Enrichissement Illicite, qui en informe le premier ministre” ;

Que sauf dispositions contraires de la loi la durée de quatre (04) ans de mandat de membre de l’OCLEI est impérative et ne peut être abrégée que pour les causes limitativement énumérées à l’article 14 suscité ;

Qu’à son grand étonnement est intervenu sans motif légitime, le 02 avril 2020, le décret n°2020-0207/P-RM du 10 mars 2017 portant nomination des membres de l’Office Central de Lutte Contre l’Enrichissement Illicite, en ce qui concerne Djibril Sogoba, pour le remplacer par un certain Seydou Yéhia Touré, qui continue son mandat inachevé restant à courir un an et trois mois pour expirer ;

Que dans le cas d’espèce, en absence de la preuve de démission, de décès, de faute lourde ou d’empêchement absolu contre Djibril Sogoba et ce conformément à l’article 9 du décret n°09-220/P-RM du 11 mai 2009 portant code de procédure civile commerciale et sociale, il y a manifestement excès de pouvoir fondé sur l’absence de base légale du décret n°2020-0184/P-RM du 02 avril 2020, attaqué et de surcroît la violation des articles 10, 14 et 15 chapitre III de la loi n°2016-017/AN-RM du 09 juin 2016 portant création de l’OCLEI relativement au mode de désignation et de la durée du mandat de ses membres ;

Que ce décret n°2020-0184/P-RM du 02 avril 2020 du Président de la République, ayant révoqué le requérant de la fonction de membre de l’OCLEI, avant l’expiration de son mandat qui est de quatre (04) ans et ce, sans aucun motif légitime, est manifestement excessif, illégal et abusif en ce qu’il heurte le principe de la légalité qui gouverne la matière administrative s’agissant des actes individuels créateur de droit ;

Que l’autorité administrative, (soit-il le Président de la République) ne pouvait sans violer la loi, rapporter la décision n°2017-0207/P-RM du 10 mars 2017 après épuisement du délai légal de rétractation qui court pour compter de la signature de l’acte rapporté ;

Que ce délai de quatre (04) mois faut-il rappeler est d’ordre public et son observation s’impose à tous ;

Qu’étant intervenu largement après ce délai, le décret n°2020-0184/P-RM du 02 avril 2020 du Président de la République, procède d’un excès de pouvoir qui entache sa validité en tant qu’acte administratif et l’expose à la censure de la haute juridiction administrative, d’où ce recours ;

Que le préjudice occasionné du fait de ce décret illégal est d’autant plus énorme qu’il a privé le requérant du bénéfice de son avancement aux grades supérieurs de chef d’escadron d’une part et occasionné sa révocation prématurée intervenue le 02 avril 2020 avant l’expiration de son mandat de quatre (04) ans restant treize (13) mois à courir ainsi que la perte des avantages, indemnités et privilèges liés à ce mandat ;

Que ces irrégularités manifestes sont la cause d’atteintes graves aux droits acquis du requérant, lequel, ayant été privé des avantages pécuniaires et statutaires qui lui étaient dus, n’a pas hésité un premier temps à saisir la Cour de céans, juge en premier et dernier ressort s’agissant de recours de plein contentieux relatifs aux avantages pécuniaires et ou statutaires des fonctionnaires de l’Etat et visant notamment à obtenir la condamnation de l’Office Centrale de Lutte Contre l’Enrichissement Illicite, le Ministre des Forces Armées et des Anciens Combattants et l’Etat du Mali à lui payer la somme de, tous préjudices confondus, Treize Millions de francs “13 000 000” F CFA à titre d’avantages pécuniaires et ou statutaires et de quarante (40) Millions à titre de dommages-intérêts ;

Qu’en toutes circonstances force doit rester à la loi et pour cela le requérant a suffisamment prouvé l’irrégularité manifeste qui entache la validité de l’acte administratif excessif du Président de la République ;

Que le grief sus-évoqué est d’autant plus manifeste que la haute juridiction administrative a l’obligation de sévir au nom du principe sacro-saint et de l’impératif de légalité auquel est assujettie l’action de l’administration incarnée ici par le Président de la République ;

Qu’en tout état de cause l’acte illégal doit être retiré de l’ordonnancement juridique ni plus ni moins ;

Que conformément à l’article 42 de la loi n°96-071 du 16 décembre 1996 portant loi organique fixant l’organisation, les règles de fonctionnement de la Cour suprême et la procédure suivie devant elle, la Section administrative est compétente pour connaître en premier et dernier ressort les recours pour excès de pouvoir dirigés contre les décrets, arrêtés ministériels et interministériels ;

Que de tout ce qui précède il y a lieu de recevoir le recours de Djibril Sogoba et d’y faire droit comme étant bien fondé.

De son côté, la Direction générale du Contentieux de l’Etat a fait parvenir une correspondance du Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux, valant mémoire en défense dans laquelle elle insiste sur deux arguments majeurs.

Que le capitaine de la gendarmerie Djibril Sogoba a été nommé à l’Office Central de Lutte Contre l’Enrichissement Illicite suivant Décret n°2017-0207/P-RM du 10 mars 2017 en sa qualité d’officier de police judiciaire conformément aux dispositions de l’article 8 de l’Ordonnance n°2015-032/P-RM du 23 septembre 2015 portant création de l’Office Central de Lutte Contre l’Enrichissement Illicite ;

Que monsieur Djibril Sogoba ayant fait valoir ses droits à la retraite en 2020, l’autorité de nomination mit également fin à son mandat qu’il tenait en sa qualité d’officier de police judiciaire ;

Qu’il y a lieu de dire qu’ayant ainsi perdu cette qualité avec sa mise à la retraite, le requérant n’est plus habilité à exercer sa mission à l’OCLEI.

La DGCE parle également de “forclusion”. Ces arguments ne tiennent pas. Et la décision de la Cour suprême est sans appel :

En la forme :

– Ordonne la jonction de la requête n°3717 du 09 novembre 2020 et celle n°00156 du 22 janvier 2021 ;

– Déclare la requête n° 3717 du 09 novembre 2020 irrecevable pour défaut de recours préalable ;

– Reçoit la requête N°00156 du 22 janvier 2021 comme régulière ;

Au fond : – La déclare comme bien fondée et y faisant droit ; annule, pour excès de pouvoir, le décret n°2020-0184/PRM du 02 avril 2020, portant nomination d’un membre de l’office centrale de lutte contre l’enrichissement illicite ;

– Dit que le décret n°2017-017/ P-RM en date du 10 mars 2017 du Président de la République produira tous ses effets en ce qui concerne le capitaine Djibril Sogoba ;

– Ordonne la restitution de la consignation versée ;

– Met les dépens à la charge du Trésor public ;

Madame Bagayoko à la barre !

L’autre affaire du genre dans laquelle le représentant de l’Etat s’est planté est dénouée par l’arrêt rendu par la Cour suprême du Mali (Section administrative), en son audience publique ordinaire du vingt-trois mars deux mille vingt-trois entre, d’une part, Madame Bagayoko Fanta dite Dioukha Camara ayant pour Conseil Cabinet Soumaré-Fané et, d’autre part, le décret n°2020-0037/P-RM du 30 janvier 2020 du Président de la République, représenté par le Directeur Général du Contentieux de l’Etat, portant nomination d’un membre de l’Office Central de lutte contre l’enrichissement illicite-Drissa Dagnon ayant pour Conseil Maître Maliki Djibrila, Avocat inscrit au barreau du Mali.

Recours pour excès de pouvoir

Par requête en date du 06 avril 2020, enregistrée au greffe de la Cour de céans le 09 avril 2020 sous le n°1218/CS, Madame Bagayoko Fanta dite Dioukha Camara, magistrat de classe exceptionnelle à la retraite, domiciliée à Kalaban-Coura Sud extension, Bamako, saisissait la section administrative de la Cour suprême d’un recours aux fins d’annulation du décret n°2020-007-P-RM du 30 Janvier 2020 portant nomination d’un membre de l’office central de lutte contre l’enrichissement illicite.

La copie de la requête introductive d’instance ainsi que les pièces qui l’accompagnent ont été notifiées à la Direction Générale du Contentieux de l’Etat qui a apporté des écritures en défense, le 11 Juin 2020, et au sieur Idrissa Dagnon, intervenant forcé qui, par l’entremisse de son conseil Maître Maliki Djibrila, a apporté des écritures en défense, constitué en cours de procédure pour assurer la défense des intérêts du défendeur en date du 08 Juin 2020, Maître Boubacar Soumaré n’a pas répliqué.

Le conseil de l’intervenant Idrissa Dagnon a fait parvenir un mémoire additif à la Cour de céans, le 13 juillet 2021, qui fut notifié au conseil de la requérante pour observations.

Les arguments de la requérante

Madame Bagayoko Fanta dite Dioukha Camara, au soutien de son recours, fait valoir: Qu’elle était magistrat de classe exceptionnelle en fonction au contrôle général des services publics jusqu’à sa nomination le 08 mai 2017 comme membre de l’office central de lutte contre l’enrichissement illicite suivant décret n°416/P-RM en date du 08 mai 2017 ;

Que cette autorité de désignation au moment de sa nomination savait en toute connaissance de cause que dans une année, elle allait faire valoir ses droits à la retraite ;

Que les conditions de désignation, le mandat et la cessation des fonctions des membres de l’office central sont prévues par l’ordonnance n°2015-032/P-RM du 23 septembre 2015 portant création de l’office central de lutte contre l’enrichissement illicite ;

Que l’article 10 dispose : “les membres de l’office central de lutte contre l’enrichissement illicite sont nommés par décret pris en conseil des Ministres, leur mandat est de quatre ans renouvelable une fois… les magistrats désignés par le président de la République du Mali sont reconduits dans le cadre du renouvèlement prévu à l’alinéa précédent” ;

Que contre l’esprit et la lettre du texte susvisée, elle a reçu le 09 mars 2020 notification du décret n°2020-0037/P-RM du 30 janvier 2020 portant nomination d’un membre de l’office central de lutte contre l’enrichissement illicite ;

Que ce décret sans précédent indique clairement que le sieur Dagnon Idrissa est nommé pour continuer le mandat de madame Bagayoko Fanta Camara dite Dioukha ;

Que ce mode de nomination pour continuer le mandat d’un membre n’est nullement prévu par les textes et à ce sujet l’article 14 du texte précité est d’une limpidité rare : “il ne peut être mis fin aux fonctions de membres de l’office central contre l’enrichissement illicite avant l’expiration du mandat, qu’en cas de démission, de décès, de faute lourde ou d’empêchement absolu” ;

Qu’il est donc aisé de constater que c’est en violation des textes susvisée qu’il a été mis fin au mandat de la requérante hors les cas prévus par l’ordonnance portant création de l’office à savoir le décès, la faute lourde ou l’empêchement absolu ;

…Que dans d’autres structures les magistrats admis à la retraite continuent d’exercer comme la Cour constitutionnelle, la Commission Vérité, Justice et réconciliation ;

Qu’ainsi, il est donc évident que le décret entrepris procède d’une violation grave et sans précédent de la loi et ne peut en aucun cas échapper à la censure de la section administrative de la Cour suprême garante de la légalité de tous les genres ;

La défense réplique

Idrissa Dagnon, ayant pour conseil Maître Maliki Djibrila fait valoir dans son mémoire en défense en date du 08 juin 2020 :

Que la requérante n’a ni le droit, ni la qualité à solliciter l’annulation du décret n°2020-0037/P-RM du 30 janvier 2020 portant nomination du sieur Idrissa Dagnon, Magistrat nommé membre de l’OCLEI, pour continuer son mandat conformément à la loi en la matière ;

Qu’il n’est pas contesté en l’espèce, que la dame Bagayoko Fanta Camara dit Dioukha a fait valoir ses droits à la retraite depuis du 1er janvier 2019 en application des dispositions de l’article 100 de la loi n°02-054 du 16 décembre 2002, modifiée, portant statut de la Magistrature, qui dispose en ces termes que : “la cessation définitive de service entrainant radiation du corps et perte de la qualité de magistrat, résulte… de la mise à la retraite…”.

Qu’il est constant, que depuis janvier 2019, de par le fait de son admission à la retraite, la requérante a définitivement cessé le service, entrainant sa radiation du corps de la Magistrature et la perte de sa qualité de Magistrat, en vertu de laquelle qualité, les trois Magistrats sont désignés membres de l’OCLEI par le président de la République, en application des dispositions pertinentes de l’article 8 de l’ordonnance n°2015-032/P-RM du 23 septembre 2015, portant création de l’OCLEI en son chapitre III relatif au mode de désignation, de la durée des mandats des membres de l’office et des incompatibilités ;

Que la requérante continue de percevoir jusqu’à nos jours, ses indemnités de cessation de fonction qui s’élèvent à la somme de deux millions cent mille francs (2 100 000 FCFA) brut et (1 487 671 FCFA) net, en application de l’article 4 du décret n°2017-0478/P-RM du 12 juin 2017 fixant la rémunération, les avantages et les privilèges accordés aux membres de l’office central de lutte contre l’enrichissement illicite.

Et la Cour décide

Sur la compétence de la Cour de céans à connaître du présent litige, considérant que le décret attaqué ne concerne nullement les matières susvisées, il y a lieu de rejeter la présente exception et de déclarer la Cour de céans compétente conformément aux dispositions de l’article 111 de la loi n°2016-046 du 23 septembre 2016 portant loi organique fixant l’organisation, les règles de fonctionnement de la Cour suprême et la procédure suivie devant elle.

Sur le moyen tiré du défaut de qualité de la requérante, soulevé par le conseil de l’intervenant, considérant qu’il est constant que le décret attaqué fait grief à la requérante en raison du fait qu’il met fin, avant terme, à son mandat de membre de l’Office central de Lutte contre l’Enrichissement illicite et à ce titre on ne saurait donc remettre en cause sa qualité pour agir contre ledit décret, il y a lieu de rejeter ce moyen comme étant mal fondé.

Sur le moyen tiré de l’irrecevabilité de la requête pour acquiescement de la requérante, considérant toutefois qu’en raison du caractère exécutoire des décisions administratives, l’acquiescement ne peut résulter que d’une volonté manifeste devant la juridiction administrative compétente en la matière ;

Qu’il en résulte que l’acquiescement doit être exprès et le fait d’exécuter une décision susceptible de recours ne constitue pas un acquiescement à cette décision ;

Que de ce qui précède, il y a donc lieu de rejeter cet autre moyen comme inopérant.

Considérant que la requête obéit aux autres conditions de recevabilité exigées par la loi n°2016-046 du 23 septembre 2016 portant loi organique fixant l’organisation, les règles de fonctionnement de la Cour suprême et la procédure suivie devant elle, il y a lieu de la recevoir comme régulière en la forme.

Par ces motifs, la Cour reçoit la requête de Mme Bagayoko Fanta dite Dioukha Camara comme régulière, en la forme ; et en le fond, la déclare bien fondée et y faisant droit.

Par conséquent, annule le décret n°2020-0037/P-RM du 30 janvier 2020 portant nomination d’un membre de l’Office central de lutte contre l’Entichement illicite ; dit que le décret n°2017-041/P-RM du 08 mai 2017 produira ses effets en ce qui concerne la requérante ; met les dépens à la charge du trésor public.

El Hadj A.B.HAIDARA
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