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Quarante-six ans après le décès du président Modibo Keita : Le Mali expérimente sa vision pour sortir d’une périlleuse impasse
Publié le jeudi 18 mai 2023  |  Le Matin
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© AFP par Byline
Lancement des festivités du centenaire du Président Modibo Keita
Bamako, le 11 juin 2015, le CICB a abrité la cérémonie de lancement des festivités du centenaire du Président Modibo Keita, c`était sous la Haute présidence de SEM, Ibrahim Boubacar KEITA
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16 mai 1977-16 mai 2023 ! Cela fait 46 ans que le président Modibo Kéita (né le 4 juin 1915 à Bamako) a été arraché à l’affection de la nation alors qu’il était en détention au Camp des commandos parachutistes de Djicoroni-Para à Bamako. Et hasard du destin, pour sauver la République, le Mali est aujourd’hui en quête des mêmes principes (résilience, souveraineté, justice…) qu’il avait patiemment et progressivement réussi à imposer au jeune Mali indépendant.

Faire preuve de patience, d’esprit de sacrifice, donc de résilience (le mot n’était pas encore en vogue à l’époque) pour asseoir la souveraineté récemment acquise ! Telle était la ligne directrice de la vision politique du regretté président Modibo Kéita à l’accession du Mali à l’indépendance le 22 septembre 1960. Et cela lui réussissait bien jusqu’à ce que des ennemis extérieurs parviennent à nouer des alliances à l’interne pour saborder les initiatives libératrices lancées dans tous les secteurs. Celles-ci, jusqu’au coup d’Etat du 19 novembre 1968, avaient commencé à porter leurs fruits même s’il fallait au peuple tenir bon et consentir encore des années de sacrifice pour récolter les fruits de la résilience.

Aujourd’hui, ironie du destin, le Mali se retrouve face au même défi 46 ans après la mort du président Modibo Kéita dans les geôles du camp para de Djicoroni : encourager le peuple à la résilience pour conquérir et asseoir notre souveraineté ! C’est comme si l’histoire s’était chargée de nous rappeler que feu le président Modibo Daba Kéita était un vrai visionnaire et qui a été combattu parce qu’il avait réussi à mettre son pays sur la vraie voie de l’émancipation politique, économique et socioculturelle.

«Qu’on désarme ma garde et qu’aucun camp ne riposte. Il ne faut pas qu’une seule goutte de sang malien soit versée pour que je reste au pouvoir. Le Mali n’appartient ni à moi, ni à ceux qui sont en train de faire le coup d’Etat, mais à vous les jeunes. Alors, prenez le flambeau …et tenez-le bien haut. Il faut bien y veiller, car le Mali ne sera que ce que vous en ferez», avait lancé Modibo Kéita à son arrestation le 19 novembre 1968 en interpellant la jeunesse malienne de l’époque.

Mais, c’est comme s’il était conscient que la fin de son pouvoir était le moindre mal personnel par rapport aux conséquences de cet acte sur le développement socio-économique de son pays dans les années et les décennies à suivre. En vrai leader, le père de l’indépendance ne s’est jamais soucié de lui-même quand il s’agissait du Mali, de son avenir et de ses intérêts.

Aucune intention de nourrir le peuple d’illusions contrairement à nos démocrates

De nos jours, face à tout ce que notre pays traverse depuis plus d’une décennie, on voit que les inquiétudes du père de l’indépendance étaient fondées. C’est comme si le coup d’Etat du 19 novembre 1968 avait provoqué le déraillement du pays de la voie tracée pour son émergence. Une voie pleine d’embûches avec beaucoup de risques d’échec, donc de recommencement, mais qui annonçait de lendemains meilleurs pour le peuple.

En réalité, contrairement à nos démocrates qui nous font croire qu’ils détiennent des bâtons magiques pour résoudre nos préoccupations une fois au pouvoir, Modibo Kéita n’a jamais donné l’illusion aux Maliens que créer les conditions de raffermissement de notre souveraineté acquise serait chose aisée. Il est leur a fait comprendre que toute la complexité de son choix politique et économique dans un environnement où ceux qui souhaitent l’échec de notre modèle étaient plus nombreux que nos vrais soutiens. C’est pourquoi il a fait comprendre à ses compatriotes la nécessité de ne compter que sur eux-mêmes d’abord et d’être prêts à consentir le sacrifice nécessaire jusqu’à la victoire finale sur le colonialisme et le néocolonialisme naissant.

«Notre liberté serait un mot vide de sens si nous devions toujours dépendre financièrement de tel ou tel pays et si, à tout moment, on devait nous le rappeler», a-t-il souligné à l’ouverture de la conserverie de légumes de Baguinéda le 21 février 1964. «Ici donc, je rends un témoignage vibrant de respect, d’admiration à votre courage, à votre persévérance et aussi au courage et à la persévérance de tous ceux qui ont passé des heures pénibles, difficiles, des nuits blanches pour qu’aujourd’hui, la République du Mali puisse se vanter d’avoir réalisé sa première usine dans le cadre de son plan de développement», avait enchaîné le président Kéita.

«L’exemple que vous avez donné, qui doit inspirer tous les responsables de notre pays, c’est que nous ne réaliserons rien en République du Mali, rien en Afrique si d’abord nous n’avons pas confiance en nous-mêmes, si nous n’avons pas confiance dans les valeurs de notre peuple, de notre race et si aussi nous n’avons pas le courage d’oser car la vie est faite de combats et ne peuvent connaître cette vie et l’apprécier que ceux qui, par avance, acceptent aussi les difficultés et savent qu’ils n’auront vaincu, qu’ils n’auront vécu que dans la mesure où, armés de courage, ils auront par avance accepté ces difficultés et auront su s’armer d’énergie pour pouvoir les vaincre», avait martelé le premier président du Mali.

Haro sur les dirigeants africains qui se complaisent dans la vie facile, dans les voitures, dans les villas… alors que le peuple souffre le martyr

N’est-ce pas qu’on croirait écouter le discours de certaines autorités de l’actuelle transition politique ? Et pour lui, cette unité industrielle serait restée au stade projet «si nous avions suivi, entre autres, la voie de la facilité qui fait que les dirigeants africains peuvent se complaire dans la vie facile, dans les voitures, dans les villas, dans les palais sans se fixer dans le peuple, sans rester soudé au peuple, sans partager les soucis et les préoccupations du peuple».

Cela aurait été le cas «si nous avions attendu que les capitalistes étrangers parcourent des centaines, quelquefois des milliers de kilomètres pour venir en République du Mali, pays central sans ouverture sur la mer, si nous avions attendu que ces capitalistes viennent ici investir pour assurer nos développements économiques… Nous aurions attendu des siècles pour ne pas dire des millénaires».

Peut-on dire aujourd’hui que Modibo Kéita s’était trompé dans son jugement ? Pas du tout ! Ce qu’il craignait s’est réellement passé après le coup d’Etat de 1968 avec «les villas de la sécheresse» qui ont poussé ici et là ; les éléphants blancs du néocolonialisme qui ont conduit notre pays à tout sauf au développement économique. La démocratie qui était censée tout rectifier a fait pire en nous éloignant davantage de la gouvernance attendue.

Surfant sur les mauvaises pratiques comme la corruption, la délinquance financière, les abus et injustices…, elle a créé un cercle de milliardaires (politiciens et opérateurs économiques véreux) qui ont pris en otage tous les rouages et gardé la main mise sur tous les secteurs rentables du pays. Du 22 septembre 1960 au 19 novembre 1968, le Mali a été gouverné avec une vision claire et nette visant à l’émanciper totalement du joug colonial et du néocolonialisme cherchant à faire de l’indépendance une dépendance pas moins appauvrissante et avilissante que la colonisation.

Depuis le 18 août 2020, le Mali est porté par de jeunes «Colonels» animés de la farouche volonté de reconquérir sa souveraineté perdue. Et le sacrifice à payer par le peuple pour les aider dans cette noble mission, c’est de faire preuve d’une résilience à toute épreuve. Dans les deux figures de cas, il s’agit de s’extraire des griffes de l’ancienne puissance colonisatrice plus encline à un partenariat paternaliste qu’à des relations respectueuses et mutuellement avantageuses.

Aujourd’hui, il est vrai que le changement est bien amorcé, mais dans la souffrance. Et ce serait une erreur de croire que nous sommes déjà au bout de nos peines. Ce n’est pas du jour au lendemain que l’homme change, qu’il abandonne ses habitudes de vie facile. «Nous devons nous attendre à d’autres difficultés. Mais, comme en 1960 où on avait prévu la catastrophe après l’éclatement de la Fédération du Mali, comme en 1962 après la réforme monétaire on avait prévu la catastrophe, comme en 1963, on s’attendait à nous voir à genoux… Eh bien, en 1964, je dirai que les mauvais augures se tromperont car, quand il s’agit de la République du Mali, nous avons suffisamment d’énergie pour affronter et résoudre toutes les difficultés qu’on pourra placer sur notre chemin», avait déclaré le regretté président Modibo Kéita à l’ouverture de la conserverie de légumes de Baguinéda le 21 février 1964.

«Le Malien a du ressort», avait aussi déclaré celui qui l’avait renversé, feu le Général Moussa Traoré, en pleine tempête de revendication de l’ouverture démocratique en 1991. A nous de prouver que nous avons retenu la leçon aujourd’hui en ne s’avouant pas vaincu jusqu’à ce que le vent du vrai changement souffle sur ce pays. Ce qui suppose aussi que nous ayons maintenant la lucidité de ne plus nous laisser distraire par des politiciens dont la vision de notre émergence ne dépasse pas le seuil de leur ambition personnelle !

Moussa Bolly
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