Le 18 juin, les Maliens sont convoqués aux urnes pour se prononcer par référendum sur le projet de nouvelle Constitution. Quels sont les enjeux de ce référendum ? Comment lever les défis, surtout le défi sécuritaire ? Modibo Mao Makalou répond à nos questions. Entretien.
Mali Tribune : Qu’est-ce qu’un référendum ?
Modibo Mao Makalou : Un référendum est une consultation nationale pour confirmer ou infirmer une décision politique. Le référendum que nous allons avoir, c’est un référendum constitutionnel. Il y a une question qui sera posée à la nation malienne ‘approuvez-vous le projet de Constitution ? Et les votants doivent répondre par oui avec un bulletin blanc ou non avec un bulletin rouge. C’est le résultat de cette consultation qui va déterminer l’avenir de ce projet de nouvelle Constitution.
Mali Tribune : Le 18 juin, les Maliens sont convoqués aux urnes par référendum pour se prononcer sur le projet de nouvelle Constitution. Concrètement, pourquoi ce référendum et il est révélateur de quoi ?
M. M. M. : Ce référendum consacre quelques changements notoires. Personnellement je crois que nous allons d’un régime semi-présidentiel dans la Constitution de février 1992 à un régime présidentiel. Le président de la République, en lieu et place du Premier ministre, va déterminer la politique de la nation. C’est un régime présidentiel qui va renforcer les pouvoirs du président de la République et de l’exécutif au détriment des pouvoirs législatif et judiciaire. Le président de la République pourra dissoudre le Parlement, nommer le gouvernement et le démettre, de même que dissoudre le Parlement et présider le Conseil supérieur de la magistrature.
Mali Tribune : La Cédéao et l’UA se félicitent de cette décision. Les autorités de la Transition sont-elles sur la bonne trajectoire pour un retour à l’ordre Constitutionnel malgré les défis ?
M. M. M. : Sur un bon début de trajectoire, à mon avis. C’est le 19 mars 2023 que devait avoir ce référendum sur le projet de nouvelle Constitution. Mais ça été reporté sine die. Le gouvernement avait rassuré que les échéances seraient légèrement repoussées et cela vient d’être confirmé. Les contraintes qui avaient retardé le référendum ne sont cependant pas entièrement levées. Il y a la réorganisation du territoire qui est toujours en cours, les problèmes au niveau de l’accès aux cartes biométriques parce que la loi électorale précisait que seule la carte biométrique pouvait-être utilisée lors du vote. Il y a également l’installation des démembrements de l’Autorité indépendante de Gestion des élections (AIGE) sur le territoire. Ces problèmes ne sont pas totalement résolus. Aujourd’hui le grand défi, c’est le défi sécuritaire et le terrorisme qui sont monnaies courantes sur une bonne partie du territoire. Comment relever ce défi et amener les gens à voter dans des zones où leur sécurité n’est pas assurée ? Cela reste une question préoccupante. Ainsi dit, ces élections ne peuvent-être tenues surtout l’étendue du territoire. Je pense que nous n’allons pas avoir des élections parfaites, mais des élections convenables sont possibles et cela demande l’assentiment des uns et autres. Mais il faut que ces élections aient lieu pour sortir de cette Transition. Si nous arrivons à avoir des élections démocratiques, convenables, crédibles, transparentes et apaisées, je pense que ça sera un bon début de sortir de la crise pour notre pays.
Mali Tribune : Selon vous pourquoi ce projet de nouvelle Constitution soulève autant de polémique ?
M. M. M. : C’est un ancien problème récurrent. Alpha Oumar Konaré, lors de son second mandat, a essayé d’élaborer une nouvelle Constitution, ça n’a pas marché. Amadou Toumani Touré aussi, lors de son second mandat, a essayé, ça n’a pas marché. Ibrahim Boubacar Kéita a essayé de même, et ça n’a pas marché non plus. Ainsi, le projet a été abandonné par ces trois présidents élu démocratiquement depuis l’avènement de la démocratie pluraliste dans notre pays en 1992.
Aujourd’hui, j’entends les mêmes arguments que ceux proférés sous les présidents Ibrahim Boubacar Kéita et Amadou Toumani Touré arguant que la révision ou le changement de la Constitution ne peuvent intervenir lorsqu’une partie du territoire est occupée. Certains trouvent que le changement de Constitution n’est pas du ressort d’un régime de Transition. Je trouve que nous avons dépassé cette étape de contestation.
Déjà, le collège électoral a été convoqué pour le 18 juin 2023. Je pense que les uns et les autres doivent faire prévaloir leurs arguments auprès des votants à l’ouverture de la campagne référendaire (2 juin 2023-16 juin 2023). Ceux qui sont pour doivent convaincre les électeurs de voter oui, tandis que ceux qui sont contre doivent convaincre les électeurs de voter non. Ce projet de Constitution va toujours soulever des polémiques. Maintenant on va voir ce qui va en sortir.
Mali Tribune : Si d’aventure le oui l’emporte, qu’est-ce qui va réellement changer dans notre mode de gouvernance ?
M. M. M. : Si le oui l’emporte, ça ne va pas changer grand-chose. Parce que la Constitution est similaire à celle de février 1992 même s’il y a quelques différences notables au niveau de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs. Mais, ce qu’il faut savoir, la Constitution, c’est l’acte fondamental qui régit le fonctionnement de l’Etat et la vie de la Nation. Ce n’est pas tous les jours qu’on peut changer la Constitution. Mais on peut procéder à des révisions au fur et à mesure de sa mise en œuvre. Il n’y a pas de Constitution idéale ni parfaite, elles sont toutes imparfaites. L’important, c’est qu’elle ait l’assentiment du peuple et que le processus de son adoption soit transparent.