Selon l’article 132 du projet de constitution pour l’adoption duquel un référendum est prévu le 18 juin prochain, «les juges ne sont soumis, dans l’exercice de leurs fonctions, qu’à l’autorité de la loi. Les magistrats du siège sont inamovibles.»
Dans la constitution du 25 février 1992, l’article 82 dispose que «les Magistrats ne sont soumis dans l’exercice de leur fonction qu’à l’autorité de la loi. Les Magistrats du siège sont inamovibles.»
Les rédacteurs du projet de constitution ont remplacé «magistrats» par «juges.» Ce fait est-il anodin ? N’aura-t-il pas de conséquence dans la distribution de la justice ? Sauf mauvaise appréciation de notre part, si le texte est adopté en l’état lors du référendum, les Procureurs et les autres magistrats du Parquet ne seront plus soumis à l’autorité de la loi. À quelle autorité le seront-ils? Le Président de la République ? Le Premier ministre, chef du gouvernement ? Le ministre de la Justice ?
De par les fonctions occupées, le Procureur et les autres membres du Parquet sont des magistrats mais ne sont pas des juges. A ce titre, ils sont placés sous la hiérarchie du ministre de la Justice. Mais, attention : ces liens de subordination avec le Garde des sceaux ne visent pas à faire de ces magistrats des jouets entre les mains du locataire de la chancellerie. Ces liens hiérarchiques s’inscrivent dans un cadre strictement légal.
Pour dire simple : un ministre de la Justice ne peut pas instruire à un Procureur de la République via le Procureur général de faire quelque chose qui est contraire aux textes de la République. Lors de sa prise de parole à l’audience, le représentant du Ministère public peut même aller à l’encontre des instructions reçues. D’où l’expression : «la parole est libre et la plume est serve». La loi protège les Procureurs et les autres magistrats du Parquet ne sont soumis qu’à l’autorité de la loi.
En démissionnant en 2014 de ses fonctions de Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de la Commune III du District de Bamako, suite à des divergences avec le ministre Mohamed Ali Bathily, Mohamed Sidda Dicko, actuel directeur de cabinet du Premier ministre, a dit ceci : «un magistrat, fût-il procureur, n’a que la loi et sa conscience comme instruments de travail ».
Pour Dramane Diarra, Président de l’Alliance des Générations démocratiques du Mali (AGDM), membre de la Coordination des organisations de l’appel du 20 février 2023 pour sauver le Mali, cette disposition du projet de constitution est une «insulte au corps judiciaire, en attendant qu’ils nous disent à quoi les magistrats du Parquet sont soumis, dans l’exercice de leurs fonctions, en dehors de la loi.»
Si le Syndicat libre de la magistrature et l’Association des procureurs et poursuivants ont alerté sur les conséquences du texte déjà à l’état d’avant-projet sur l’indépendance de la justice, le Syndicat autonome de la magistrature a opté pour un silence de carpe. Cela au moment où les efforts devraient être mutualisés pour une indépendance réelle de la magistrature, toujours sujette à caution.