Sitôt arrivée la date légale du début de campagne, les offensives de charme en direction des électeurs ont démarré comme sur un chapeau de roue, surtout pour le camp du «oui» où les nombreux lancements dispersés de la campagne référendaire annonçaient une grande convergence au Stade du 26 Mars. Pour ce faire, il n’a point suffi de mobiliser le ban et l’arrière-ban politiques. En plus des hautes personnalités et autorités mises à contribution, il fallait aussi un étrange coup de pouce de l’administration et une grossière dérogation à sa neutralité pour la seule journée du jeudi dernier. À défaut de la déclarer chômée et payée, toute contrainte de jour ouvrable a été balayée avec l’instauration d’une demi-journée au forceps pour n’offrir aucun prétexte aux absences. Le syndrome de l’absentéisme n’a pourtant guère épargné l’événement annoncé comme la confirmation du capitane de notoriété dont jouissaient jusque-là les autorités de la Transition. En dépit des commodités de mobilité et des célébrités artistiques sollicitées pour l’animation du lancement de la campagne, les personnels libérés ont visiblement préféré des occupations plus pertinentes que le rendez-vous politique. C’est en définitive dans un stade vide aux deux-tiers que plusieurs figures de la Transition vont subir la raclée d’être accueillies par un public sans visage identifiable. Parmi les nombreuses figures de proue, on peut citer les membres du gouvernement au grand complet avec à leur tête le Premier ministre en personne, ainsi que le Colonel Malick Diaw, président du CNT et tête de la Coordination pour le «Oui», qui a dû assurer la tâche d’en porter avec beaucoup de peine le message inaudible et inconsommable par l’ambiance chaotique.
Déduction admise de notoriété publique : un fiasco total de la mobilisation qui n’a même provoqué les embouteillages tant redoutés par les usagers de la RN6, dont la plupart ont dévié de leur trajet habituel pour éviter les redoutables enchevêtrements éventuels avec le grand public attendu sur les lieux et qui a finalement manqué au rendez-vous. Et pour cause, les travailleurs libérés par leurs services ont choisi de vaquer à d’autres affaires au lieu de grossir les rangs du camp qui a usé et abusé de son contrôle sur l’administration pour l’instrumentaliser. Au constat d’un échec qui crève l’écran s’ajoutent les questionnements et interrogations qui taraudent depuis quelques jours les plus grands soutiens de la Transition. On y dénombre les Amara Sylla et beaucoup d’autres qui crient à l’accaparement et à l’usurpation du combat du M5 ainsi que du leadership de la Transition par d’autres acteurs de la vingt-cinquième heure au détriment d’animateurs historiques dans lesquels le public malien se reconnaîtrait plus. Allusion est faite à Choguel Maiga ainsi qu’à d’autres célébrités qu’ils estiment relégués par les organisateurs du meeting au profit d’arrivistes moins dévoués à la Transition.
Visiblement plus superficiel que rationnel, un tel enseignement du cuisant échec des partisans «OUI» cache mal l’évidence d’une désaffection imputable à un discours de moins en moins crédible, des déceptions et désillusions causées par les promesses mirifiques, sans compter les incompatibilités d’intérêts, les querelles de clochers et la dispersion des rangs qu’incarne l’absence de figures emblématiques du beau vieux temps de la mobilisation comme Kaou Djim, Mahmoud Dicko, la célèbre autorité morale vouée à la disgrâce au nom de la réalité du pouvoir.
Le déni d’une telle évidence peut malheureusement conduire à une méprise des implications d’un raté qui, à défaut de marquer un tournant, tient lieu à tout le moins d’alerte au camp du «Oui» confronté à un double défi : remporter le référendum et éviter des proportions de participation disgracieuse pour la légitimité du processus ainsi que pour celle de la nouvelle constitution. Mais avec les signaux du meeting de jeudi dernier, il y a lieu de s’interroger si une hausse de la participation est à l’avantage de ceux qui en ont le défi.