Pour le chercheur en sciences politiques, le départ de la Minusma à la demande de la junte n’aura pas de « conséquences notables » sur le plan diplomatique, mais pourrait fragiliser les populations du nord du pays.
Après la France et les soldats de l’opération « Barkhane », c’est au tour de la Minusma et de ses casques bleus de se voir sommés de quitter le Mali par les autorités de transition. Vendredi 16 juin, devant le Conseil de sécurité des Nations unies, le chef de la diplomatie malienne, Abdoulaye Diop, a demandé, au nom de son gouvernement, « le retrait sans délai de la Minusma ». Si l’exigence de Bamako devrait mettre un certain temps à être exécutée, ne serait-ce que pour des questions logistiques, la porte est désormais ouverte pour un départ des quelque 15 000 soldats, policiers et personnels civils de l’ONU déployés au Mali depuis 2013. Pour Rahmane Idrissa, chercheur en sciences politiques à l’African Studies Centre de l’université de Leyde (Pays-Bas), la décision de la junte vient mettre un terme à une mission de l’ONU qui n’aura jamais su faire appliquer son mandat et se faire accepter par Bamako.
Comment interprétez-vous la demande pressante des autorités de Bamako ?
Le fait que le gouvernement du Mali réclame le départ de la Minusma n’est pas surprenant en soi, mais la vigueur de cette demande et son caractère sans délai dénotent une hostilité des autorités de transition, qui peut être mise en relation avec la publication du rapport sur Moura [dans lequel l’ONU accuse l’armée malienne et « des personnels militaires étrangers », identifiés par des témoins et des ONG comme étant des mercenaires du groupe russe Wagner, d’avoir exécuté au moins 500 personnes en mars 2022]. Je ne vois pas vraiment d’autre raison que celle-là.
Les critiques contre la Minusma sont récurrentes au Mali. Pourquoi cette force de quelque 15 000 hommes était-elle si contestée par les autorités ?
La mission des casques bleus était devenue impossible. Sur la période 2013-2016, la Minusma avait des moyens réalistes pour effectuer son mandat de protection des civils dans le nord du Mali et d’aide au renforcement institutionnel de l’Etat malien. Mais à partir de 2016, lorsque la situation sécuritaire s’est détériorée, notamment avec l’extension des violences dans le centre du Mali puis avec la série de coups d’Etat, qui s’est assortie d’un départ des soldats français et européens avec lesquels elle avait une certaine synergie dans ses opérations, ses moyens n’ont pas été adaptés au nouveau contexte.