Dans un discours à la nation le mercredi 2 octobre dernier, le président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) est revenu sur deux sujets brûlants, dont la gestion permettra de juger du charisme et de l’intelligence politique du nouveau locataire de Koulouba.
D’abord, le premier sujet : celui-ci porte sur la fronde des militaires du camp de Kati. L’on se rappelle que des soldats de ce camp, en rupture avec leur ancien mentor, le Général Sanogo, n’y sont pas allés avec le dos de la cuillère, pour réclamer les mêmes traitements que ceux qui ont été gracieusement concédés à certains de leurs compagnons d’armes. Le parallélisme des formes voudrait, en effet, que tous ceux qui ont pris les armes pour déloger Amadou Toumané Touré (ATT) du palais de Koulouba bénéficient des mêmes largesses de la République. Mais comparaison n’est pas raison. Les mutins de Kati se sont certainement trompés d’époque et d’interlocuteurs. Ils ont oublié que le quasi- plébiscite qui a porté au pouvoir IBK lui confère suffisamment d’autorité pour « mater » désormais toute velléité de contestation et de mutinerie au sein de l’armée malienne. Les mutins oublient enfin qu’IBK n’est pas ATT.
Le Mali nouveau ne peut plus s’accommoder de ces « tontons macoutes »
Si le peuple malien a pu comprendre en son temps, les griefs formulés par les hommes de Sanogo contre ATT, symbole d’un pouvoir vermoulu, il ne peut pas en revanche comprendre et surtout tolérer ce nouveau coup de sang des bérets verts. IBK a certainement compris que le peuple malien lui en voudra s’il venait à faire preuve de mollesse dans la gestion de cette mutinerie. C’est pourquoi, il n’a pas usé de la langue de bois pour ramener dans les rangs, ces soldats égarés qui avaient poussé l’outrecuidance en allant jusqu’à humilier son prédécesseur, Dioncounda Traoré. Le Mali nouveau ne peut plus s’accommoder de ces « tontons macoutes ».
Le président IBK a donc employé les mots et le ton qu’il faut pour rassurer le Mali et ses partenaires : « Je ne saurais tolérer l’indiscipline et l’anarchie », a-t-il martelé dans son discours. Le message qui ne comporte aucune ambiguïté présente surtout l’avantage de donner une esquisse de la réforme de l’armée qui est un des axes majeurs du programme du gouvernement du nouveau président. La dissolution du comité militaire chargé de cette réforme et qui avait été confié au Général Sanogo est également une illustration de la volonté d’IBK de reprendre la main sur l’armée, conformément à ses prérogatives constitutionnelles. En tous les cas, l’on peut analyser la fermeté d’IBK comme un acte de haute portée politique dont l’objectif est de l’affranchir d’un allié devenu encombrant et peu fréquentable eu égard aux attentes, non seulement des Maliens, mais aussi de la communauté internationale en rapport avec la nécessité d’une véritable restructuration de l’armée.
Il est donc heureux, qu’IBK ait profité de cet événement malheureux pour ôter l’épine « Sanogo » de son pied. Mais une chose est de dire, une autre est de passer aux actes
En effet, quand on sait que la véritable force d’une armée c’est la discipline, l’on s’imagine facilement que le Général Sanogo n’a ni le profil, ni la qualification pour porter le dossier de la réforme de l’armée, dont l’importance est capitale pour l’édification d’un Etat de droit.
Il est donc heureux, qu’IBK ait profité de cet événement malheureux pour ôter l’épine « Sanogo » de son pied. Mais une chose est de dire, une autre est de passer aux actes. Ibrahim Boubacar Keita a le devoir de profiter de ce qu’il a qualifié de « gifle à la nation » pour réconcilier le peuple malien avec son armée en posant les bases d’une armée républicaine et dont la promotion des éléments qui la composent se fera comme il l’a dit dans son discours sur la base du mérite. C’est dans une telle armée que les chefs pourront mettre en œuvre, l’instruction qu’IBK leur a donnée : « Faites-vous obéir ».
Le deuxième sujet sur lequel le président malien est revenu dans son discours est la suspension par les groupes armés du Nord de leur participation aux négociations avec Bamako. Sur ce sujet, IBK a réitéré son offre de dialogue et de paix, mais il n’a pas manqué de condamner l’attitude de tous ceux qui « continuent le chantage et la violence ». Certes, le ton n’est pas martial comme celui qu’il a employé pour parler de l’armée mais l’on a le sentiment que Bamako et les rebelles n’ont pas la même lecture de l’accord de Ouagadougou. A leur décharge, l’on pourrait dire que cet accord peut présenter des insuffisances qui ne permettent pas de résoudre, à la satisfaction de toutes les parties, tous les points de revendication, mais il a l’avantage d’exister. Il revient, par conséquent, aux Maliens épris de paix, de travailler à le parfaire, guidés en cela par un seul objectif « Le Mali d’abord ».