Après le référendum du 18 juin 2023, le gouvernement de transition met aujourd’hui le cap sur des élections générales (municipales, législatives et la présidentielle) dont la transparence sera un facteur important de consolidation des acquis de la refondation. Au-delà de l’antagonisme entre les camps du «Oui» et du «Non» du référendum, les prochains scrutins vont opposer surtout des acteurs politiques (partis ou indépendants). Conscient des enjeux, le président de Transition a sans doute voulu démontrer à la classe politique sa volonté de neutralité. C’est ainsi que nous voyons le dernier remaniement ministériel intervenu le 1er juillet 2023.
Le remaniement du 1er juillet 2023 a fait couler moins de salive dans la classe politique où les acteurs et les états-majors les plus influents se sont contentés de prendre acte. Même s’ils étaient nombreux à souhaiter le départ du Premier ministre Dr Choguel Kokalla Maïga, la tournure des événements n’est pas non plus à leur déplaire.
Et cela d’autant plus que, pour la grande majorité des analystes politiques, le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) est le grand perdant de ce réajustement qui lui a coûté 7 des 9 portefeuilles détenus dans l’équipe précédente. Certes Choguel demeure à la Primature, mais sa marge de manœuvre a été encore très réduite. «Il est devenu un roi nu», ironise l’un de ses rivaux politiques.
Au moment d’aborder la seconde phase des élections (municipales, législatives et la présidentielle), le président Assimi Goïta a visiblement souhaité donner des gages de transparence et de neutralité aux acteurs politiques. Ainsi, à défaut de se débarrasser de son bouclier (Choguel), il a préféré réduire l’influence du M5-RFP sur la gestion de la transition. Même si pour le Dr Abdoulaye Amadou Sy (dans les colonnes du Journal du Mali/JDM), président de la Coalition des forces patriotiques (COFOP), cela ne fragilise pas forcément le chef du gouvernement parce qu’il faut voir «les objectifs et non les individus, par rapport à ce que veut le peuple». Et d’ajouter, «je connais très bien le Premier ministre. Il est justement dans les objectifs. Il est resté et le ministre de la Refondation est resté aussi. Cela veut dire que la refondation n’est pas remise en cause». Il est vrai que la refondation de l’Etat pour une gouvernance vertueuse est la ligne directrice de cette transition.
A la place des ministres du M5-Rfp remerciés, le Colonel Goïta a fait confiance à des proches collaborateurs qu’il a eu le loisir de voir à la tâche. C’est un choix courageux qui lui permet d’envoyer dos-à-dos les acteurs politiques au moment d’aborder les prochaines échéances électorales qui vont être cruciales dans la stabilité du pays, donc dans l’ancrage des acquis de cette transition.
Ce remaniement a aussi prouvé que le président de la Transition est très sensible aux préoccupations des Maliens qui, ces derniers mois, n’ont pas cessé de marquer leur opposition à la formation d’un gouvernement d’union nationale tant souhaité par des politiciens du pays. Puisqu’ils tiennent tant à l’exercice du pouvoir, le Colonel Goïta leur donne l’opportunité d’en découvre dans l’arène politique dans la plus grande transparence en se positionnant en arbitre neutre.
Le choix porté sur des cadres qui semblent avoir fait leur preuve sous sa conduite traduit aussi cette volonté de tenir compte des préoccupations des Maliens dans la gouvernance du pays. Il s’agit des femmes et des hommes qui étaient jusque-là restés dans l’ombre, mais qui ont pesé par leur compétence et leur expertise dans la réussite de nombreux dossiers comme la relance des sociétés et entreprises comme la COMATEX et l’Usine malienne des produits pharmaceutiques (UMPP).
Si, par exemple, nous avons été nombreux à être surpris du départ de la très dynamique et compétente Diéminatou Sangaré, le choix porté sur le Colonel Assa Badiallo Touré pour lui succéder à la tête du département de la Santé et du Développement social n’est pas une surprise. Conseillère spéciale du Chef de l’Etat, elle a conduit avec une grande réussite et une efficacité incontestable les œuvres sociales du président de la Transition.
Tout comme ils ne sont pas nombreux à être surpris par le choix porté sur Mme Bintou Camara comme ministre de l’Energie et de l’Eau. Un secteur où les attentes des Maliens n’ont presque jamais été comblées. Cette expert-comptable, était la conseillère spéciale du président de la Transition depuis juillet 2021 sur les questions énergétiques. Le Colonel Goïta vient donc de lui offrir l’opportunité de concrétiser sur terrain les conseils prodigués dans le bureau.
Une seconde chance pour enfin s’illustrer en assainissant le secteur des Mines
Ministre de l’Entreprenariat national, de l’Emploi et de la Formation professionnelle, Mme Bagayoko Aminata Traoré (spécialiste de la promotion et du développement du secteur privé) était jusque-là chargée de la mission de Promotion et de facilitation des investissements du secteur privé à la présidence de la République.
Parmi les proches promus du Colonel-président, celui qui semble ne pas faire l’unanimité est sans doute le Pr. Amadou Kéita. Et cela d’autant plus que son bilan comme ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique est loin d’être reluisant. Sans doute que le président Goïta a souhaité lui accorder une seconde chance pour combler ses attentes en lui faisant confiance pour assainir le secteur des Mines désormais séparées de l’Énergie et de l’Eau.
Le défi n’est pas moindre puisqu’il s’agit d’aider l’Etat à reprendre en main ce secteur névralgique de l’économie nationale. On comprend alors que le Colonel Assimi Goïta ait misé sur un proche pour s’assurer de la mise en œuvre intégrale et efficiente de ses directives liées à l’audit du secteur des Mines d’or en activité au Mali dont le rapport lui a été remis le 23 mars 2023.
En effet, après la réception du document, le Chef de l’Etat a instruit l’élaboration d’un Plan d’actions de mise en œuvre des recommandations issues de cette mission d’audit afin de faire briller l’or pour le peuple malien. A noter que cet audit est «une revendication constante et légitime du peuple malien», récemment relancée lors des Assises nationales de la Refondation.
Et l’étude réalisée a établi un diagnostic global des activités d’exploitation minière dans notre pays tout en balisant un plan d’action pour accompagner le gouvernement (Economie et Finances/Mines) dans les futures négociations avec les compagnies minières. Fidèle à cette volonté de changer la gouvernance du pays, le président de la Transition souhaite traduire toutes les recommandations de l’audit en actions concrètes afin de permettre aux Maliens de tirer le maximum de profits de l’exploitation des richesses du pays. Un défi qui repose aujourd’hui sur les épaules du ministre Amadou Kéita qui a une très excellente opportunité de se racheter aux yeux des Maliens.
A noter que les postes clés (Défense et Anciens combattants ; Sécurité et Protection civile ; Réconciliation nationale ; Economie et Finances ; Justice, l’Artisanat, Culture et Tourisme, Transports et Infrastructures…) ont été épargnés par ce remaniement. Le nouveau gouvernement apparaît ainsi comme une nouvelle équipe étoffée avec de vrais gestionnaires. Une équipe de mission qui doit conduire le pays à la fin de la transition sans grands soubresauts puisque le président de la transition semble être déterminé à être neutre jusqu’au bout de ce processus de transition. A Assimi Goïta, ses détracteurs peuvent alors prêter toutes les intentions. Mais, comme le dit la sagesse, «quand la conscience est propre, l’opinion des autres ne compte pas» !