Le 30 juin, samedi dernier précisément, nous étions au centième jour de l’intervention militaire qui a mis fin au « régime incompétent » du Président Amadou Toumani Touré. Le Capitaine Amadou Haya Sanogo a eu la lourde responsabilité de prendre la tête de l’insurrection armée du camp de Kati contre les mauvaises conditions de travail des militaires au front. Cela lui a valu de présider le Comité nationale de redressement de la démocratie et de la restauration de l’Etat (CNRDRE). A la veille des 100 jours de cet organe qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive, soit vendredi 29 juin, l’Assemblée nationale du Mali après avoir prorogé son mandat jusqu’à la fin de la transition, a adopté la loi créant un Comité militaire de suivi de la reforme de l’Armée et de la sécurité.
Ce projet de loi qui a été défendu par le ministre de la Justice Garde des Sceaux a eu l’adhésion unanime des députés. Le Comité militaire de suivi de la réforme militaire et de sécurité, une structure légale qui absorbera le CNRDRE, un organe de fait (dont on ne peut pas parler de la dissolution parce que n’existant pas au regard de la loi) vise à renforcer et à renforcer l’armée pour la rendre opérationnelle, à hauteur de mission de sauvegarde de l’intégrité territoriale et de protection des personnes et des biens. La récente visite du Capitaine Sanogo dans les camps de Ségou montre qu’il entend se mettre au service de la Nation et du chef suprême des armées pour jouer un rôle dans ce nouvel organe que les députés viennent de valider.
Au lendemain de la prise du pouvoir par le comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat (CNRDRE), deux camps sont vite apparus dans le pays, creusant un grand fossé entre ceux qui étaient les démocrates un autre matin de coup d’Etat et un autre mars, il y a 11 ans exactement. La division du pays entre deux courants politiques, pro et anti-putschistes, qui sont aujourd’hui dans une posture telle qu’on ne sait pas s’ils se cherchent ou s’ils cherchent la République, a fait éloigner la stabilité dont on a besoin au niveau des institutions pour aller à la reconquête du nord occupé et de l’honneur perdu de Malien.
D grands courants divergents : la COPAM humant la brise révolutionnaire du CNRDRE et le FDR à la ferveur républicaine qui condamne le coup d’Etat et demande le retour à l’ordre constitutionnel. Le temps des grandes interrogations des jeunes militaires, le temps des tiraillements entre pro et anti junte, et celui de la CEDEAO, paravent de la communauté internationale, qui au détour d’un sommet extraordinaire à Abidjan le 27 mars fait pleuvoir ses recommandations : retour à l’ordre constitutionnel et retour sans conditions des militaires dans les casernes. Sinon l’arme fatale de l’organisation sous régionale: l’embargo économique.
A Kati, cette menace est considérée par une extrême importance. Le capitaine et ses hommes, face à une situation économique difficile et de l’état d’un pays fragilisé par la rébellion au Nord du pays, lâchent du lest. « Venus pour alléger les souffrances des maliens en mettant fin au régime corrompu de ATT, nous ne sauront être la source de nouveaux problèmes à ces mêmes Maliens », avait dit le Capitaine putschiste. Un accord-cadre le 6 avril consacre le retour à l’ordre constitutionnel permettant Président ATT de démissionner et au président de l’assemblée national d’assurer l’intérim du président de la République.
Retour à l’ordre constitutionnel
Constats, le CNRDRE a été bloqué dans son élan de ce qu’il pensait être la révolution et dans lequel il a été soutenu par une frange de Maliens qui se sont regroupés au sein de la COPAM : la mise à l’écart des acteurs politiques qui ont accompagné le Président déchu dans la gestion des affaires publiques. Pour eux le retour à l’ordre constitutionnel n’est qu’un écran de fumée à la restauration du régime d’ATT. Ils ont véhiculé des messages hostiles à la CEDEAO et au président de l’assemblée nationale. En revanche pour le FDR, il n’ya pas de collaboration possible avec les putschistes et les militaires n’ont leur place que dans les casernes. Les partenaires techniques et financiers ne diront pas autre chose pour reprendre un jour les financements publics, actuellement rompus.
Dioncounda Traoré au regard de l’accord cadre, avait quarante jours pour organiser des élections présidentielles. Dans l’impossibilité de le faire avec les 2/3 du pays occupés, le Mali se devait de rentrer dans une transition dont l’accord cadre du 6 avril jetait les bases. Diversement interprété cet accord cadre divisera les Maliens de la base au sommet, avant d’exacerber l’antagonisme mortel entre la COPAM et le FDR avec la présidence de la transition comme pomme de la discorde.
La fin des quarante jours de la transition a été chaotique, aboutissant à un accord qui fait du capitaine Sanogo un ancien chef d’Etat et de Dioncounda Traoré, président de la transition. Mais le président intérimaire à quelques heures de la fin de l’intérim est agressé par une horde de manifestants, jusque dans ses bureaux, plongeant le Mali dans le creux du vase. La transition est ainsi hypothéquée dans son montage institutionnel, le premier ministre de transition se voyant ouvrir un véritable boulevard, même avec un attelage gouvernemental de plus en plus contesté. Il préside le Conseil des ministres et représente le chef de l’Etat dans les sommets de chefs d’Etat. Sur le front du nord, les groupes rebelles ont eu le vent en poupe, s’installant et se confortant. Se donnant même le luxe de se canarder entre eux, pendant que la crise est institutionnelle à Bamako, que les politiques s’entredéchirent, les différentes tendances ne parvenant pas à taire leur égo et accorder leur violon au seul rythme de l’hymne national, pour ne penser qu’au Mali d’abord, qu’à l’unité et la cohésion de la Nation, qu’aux couleurs de notre étendard, qu’à notre devise. Me Mali est meurtri, et par les Maliens. Pour reprendre un chroniqueur de la place : « … Quelle est donc l’unique solution ? Cent jours après Att, et vu les péripéties que nous vivons, il s’agit d’aimer encore plus le Mali, rien que le Mali et le Mali seulement. On croirait la recette facile. Mais elle ne l’est pas. Car c’est nous mêmes qui avons mis notre pays dans cet état piteux. C’est nous-mêmes qui faisons en sorte que le mois de ramadan qui s’annonce soit le plus difficile possible pour nos compatriotes de l’intérieur. C’est nous-mêmes qui faisons que ceux qui vivent à l’extérieur ne puissent regarder les autres dans les yeux. C’est nous-mêmes qui creusons nos propres tombes. Alors que rien n’est irréversiblement perdu, que nous pouvons utiliser les faiblesses du moment pour fortifier le futur et que nous pouvons chacun renoncer à un morceau d’ego. Pour réentendre battre le cœur de la nation trahie, blessée, humiliée ».