Le premier tour des élections législatives est fixé par le gouvernement au 24 novembre prochain. Même si cette décision n’a pas l’aval de toute la classe politique, des acteurs exigeant que les ratés constatés au cours de la dernière présidentielle soient corrigés au préalable, les états-majors s’activent pour la désignation de leurs candidats dans les différentes circonscriptions.
Le gouvernement l’a décidé : les élections législatives, malgré quelques réticences de certains acteurs politiques, auront bien lieu le 24 novembre prochain, pour le premier tour, et trois semaines plus tard éventuellement pour un second tour. Cette décision est expliquée par certains observateurs par deux raisons essentielles.
La première est que le mandat des actuels députés est arrivé à terme depuis longtemps avant d’être prolongé, non pas par la volonté du peuple qui doit les élire et qu’ils sont censés représenter, par un acte purement administratif édicté par une transition des compromissions. Il est nécessaire donc qu’il y ait au parlement des élus légitimes et légaux, représentatifs du peuple souverain qui les auraient élus sans aucune pression.
La deuxième raison est la nécessité de connaitre la nouvelle configuration de l’Assemblée nationale qui sera forcément différente de l’actuelle. Le Rassemblement pour le Mali (RPM), parti du président nouvellement élu, a, au cours de ses longues années de disgrâce, perdu beaucoup de ses représentants parlementaires, au point d’arriver loin derrière ses deux adversaires traditionnels, l’Adema-Pasj et l’URD, également derrière une nébuleuse comme le Mouvement citoyen (comptant les amis politiques de l’ancien président de la République, Amadou Toumani Touré) dont certains membres se sont organisés dans un Parti pour le développement économique et la solidarité (Pdes). Mais surtout, le RPM, jadis deuxième force politique après l’Adema, et dont le président a occupé le perchoir pendant cinq ans (2002-2007) grâce à une alliance politique avec d’autres partis politiques, le RPM donc était talonné voire dépassé par de « petites formations » fondées il y a à peine quelques années, comme la Codem ou la Sadi. Dans l’actuelle configuration du parlement, le RPM est pratiquement inexistant.
Nouveau rapport de forces
Seulement, depuis l’élection d’Ibrahim Boubacar Kéita à la magistrature suprême, le rapport de forces va forcément évoluer au sein de l’hémicycle et il est presque sûr que le RPM va acquérir la majorité ou s’en approcher. Dans tous cas, le parti présidentiel va contrôler le nouveau parlement. Pour cela, il va bénéficier d’au moins deux facteurs déterminants.
Le premier est la ruée vers IBK de nombreuses forces politiques, partis ou acteurs politiques, avant et après le premier tour du scrutin présidentiel, des forces dont la plupart des candidats à ce scrutin. Il est sûr que ces partis ou acteurs politiques, sans pour autant se renier, vont cheminer avec le parti présidentiel. Parce que le RPM lui aussi a besoin d’eux, notamment pour constituer des listes de candidature commune dans certaines circonscriptions électorales que le « parti du tisserand » espère reconquérir. Dans d’autres circonscriptions où il se sent en force, le RPM ira seul mais ne rencontrera pas de résistance de la part de ses alliés circonstanciels.
En revanche, le Pasj et l’URD, sont les deux partis qui, normalement, peuvent lui mettre des bâtons dans les roues. Battus à la présidentielle, ils pourraient revenir en force et barrer la route de la majorité parlementaire à leur adversaire. Mais il se trouve que, deuxième facteur, que ces deux familles politiques connaissent et connaitront des défections de certains de leurs responsables qui font ou feront route vers le RPM d’IBK désormais maitre du jeu politique mais surtout nouveau maitre du pays.
Pour compter dans le nouveau parlement ou figurer dans le nouveau gouvernement qui sera formé après les législatives et qui reflétera forcément la configuration de la nouvelle assemblée nationale, Pasj et URD désormais affaiblis seront obligés de constituer eux-aussi des listes communes avec le RPM. A l’Adema, on ne s’en cache pas, des négociations seraient déjà en cours non seulement à Bamako mais également dans les régions où les états-majors n’ont généralement pas d’emprises sur les responsables, cadres et militants locaux. Quant à l’URD, son père fondateur, Soumaïla Cissé, bien qu’arrivé deuxième de l’élection présidentielle, a laissé entendre qu’il ne jouera pas l’opposition, une pratique qui ne serait pas dans les traditions maliennes.
Quid des autres ?
A la Codem, qui a réalisé une percée fulgurante sur la scène politique, on a présenté un candidat au premier tour de la présidentielle et voté pour IBK au second tour. Une alliance qui n’est pas dénué de calcul, le président du Mali et du RPM, conformément à sa promesse électorale de changement et à son esprit de renouvellement de la classe politique, pouvant offrir le perchoir au président de la Codem, Housseïni Amion Guindo qui sera certainement réélu député.
La Sadi, qui a joué les opposants pendant de longues années, a également rejoint IBK et ne va certainement pas le lâcher aussi longtemps que son chef, Oumar Mariko, ne reconstituera pas son capital de sympathie qui s’est effrité au fil des ans.
Autant dire que les Maliens, malgré leur engouement pour la promesse de changement d’IBK, risqueront bientôt, comme dans le passé, de voir une reconstitution du crime de gestion concertée ou consensuelle du pouvoir, avec un gouvernement servant de pendant à un parlement d’où seront absents les débats sur les questions de la nation, prolongeant l’agonie du processus démocratique.
Cheick Tandina