En nous mettant à table pour écrire ces lignes, nous nous inclinons pieusement devant votre mémoire, Camarade Thomas Sankara. Chaque fois que nous voulons écrire sur l’œuvre de l’homme, nous sentons de la douleur, de l’amertume. Nous pensons à vos deux orphelins Philippe et Auguste Sankara.
En nous mettant à table pour écrire quelques lignes sur cet homme qui a tout donné jusqu’à sa vie, nous éprouvons de la douleur, parce qu’une femme combattante à la dignité exceptionnelle a été possédée de son compagnon de combat, de son époux pour n’avoir commis qu’un seul crime : celui d’avoir accepté de vivre pour le meilleur et pour le pire avec un homme dont le seul crime est d’avoir aimé son peuple et tous les autres peuples du monde. Madame Sanakra, vous n’êtes pas la seule à perdre l’homme. Longévité à vous et à nos chers enfants. Sankara sera vengé inévitablement.
Nous n’avons nullement la prétention de rappeler ici l’œuvre grandiose du Camarade Thomas Sankara. Nous voulons juste dire que nous ne l’oublions jamais de notre vivant. C’est notre devoir de reconnaissance envers l’homme qui nous l’impose.
Il y a des hommes qui ont sacrifié et tout leur temps et toute leur vie pour que vivent et se libèrent les peuples jusque là meurtris dans leur chair et dans leur conscience par les affres du colonialisme, du néocolonialisme et de la délinquance politico- financière des sangsues.
Au nombre se ces hommes qui ont donné leur vie pour la défense de la dignité et de l’honneur des peuples, il convient de citer Martin Luther King, Patrice Emery Lumumba, Pierre Mulélé, Amilcar Cabral, Kwamé Nkrumah, Ernesto Che Guevara, Modibo Keïta, Thomas Sankara. Tous nous inspirent aujourd’hui le sens élevé de la dignité, de la fidélité et de la liberté.
Vingt six (26) ans après son assassinat crapuleux par les forces de l’obscurantisme et du mal, Thomas Sankara continue à illuminer le chemin de la victoire éclatante des peuples contre l’arbitraire et la désolation.
Le 4 août 1983, Thomas Sankara a écrit une page nouvelle et glorieuse de l’histoire des peuples d’Afrique et du monde entier. Thomas Sankara a exprimé à la face du monde toute l’aspiration de son peuple à la dignité et au respect. L’œuvre de Thomas Sankara a fait de l’ancienne Haute Volta le berceau de l’Afrique nouvelle, éprise de paix et de dignité retrouvée.
Le Camarade Sankara croyait en son peuple laborieux et en tous les peuples d’Afrique et du monde. Il inspirait confiance et forçait l’administration surtout des ennemis des peuples d’Afrique et donc du Burkina.
Sankara était un homme humble, sans la moindre barrière entre lui et son peuple, contrairement à la quasi-totalité des dirigeants africains qui se nourrissaient et se maintenaient au trône au moyen de la mystification du pouvoir par les corbeaux de la mort que sont les gardes prétoriennes de chefs d’Etat qui brillent par leur incapacité à organiser utilement leurs peuples autour des idéaux de paix et de justice pour tous.
L’homme, que nous avons bien connu, disait constamment qu’il se trompe trente fois par minute mais qu’il est déterminé à mieux faire chaque jour davantage. C’est dire que comme tout autre être humain, Sankara avait ses défauts, en recherchant l’idéal.
26 ans après sa mort, Sankara continue à perturber le sommeil des ennemis du peuple
Vingt six (26) ans après son assassinat crapuleux, Thomas Sankara continue à perturber le sommeil de toutes celles et de tous ceux qui ont nourri et qui nourrissent leurs familles du sang des peuples. Ceux-ci sont persuadés qu’ils répondront un jour de leurs actes odieux et criminels, parce que les peuples les ont compris et ont mesuré la gravité de leurs forfaitures vis- à-vis de leurs masses travailleuses. Cela est indubitable quand on sait qu’on ne peut indéfiniment tromper ou faire taire les peules. C’est en cela que le sieur Abraham Lincold disait : «On ne peut tromper tout le peuple une partie du temps, une partie du peuple tout le temps, mais pas tout le peuple tout le temps.»
L’étincelle que Sankara a allumé en Afrique va continuer à illuminer le chemin du combat des peuples pour arracher leur liberté confisquée, leur dignité bafouée et l’honnêteté aujourd’hui détestée comme la peste. Lorsque nous voyions le point droit de Sankara en l’air au rythme de «la patrie ou la mort, nous vaincrons», nous avons compris qu’il voulait faire vite parce que conscient des enjeux de la révolution et des risques du combat contre les renégats de la victoire finale du peuple laborieux du Burkina Faso.
Sankara avait horreur de la façon dont les peuples du monde étaient gouvernés ; c’est bien cela qui l’a poussé depuis son jeune âge à s’inscrire sur le champ de bataille de la politique. Un fin lecteur des œuvres de Marx-Engels et de Lénine, Sankara avait très tôt compris que la lutte politique est la forme supérieure de la lutte des classes. Il avait donc compris que sans détenir l’appareil d’Etat, il ne pouvait donner une orientation nouvelle à la marche de son peuple, des peuples d’Afrique et du reste du monde.
Grâce au combat politique de Sanakara, le peuple travailleur du Burkina a compris qui disait quoi et qui faisait quoi à son nom. Il a compris par cette œuvre historique de l’homme que la plupart des gouvernants africains se sont enrichis aux dépens des masses laborieuses.
Sankara était devenu alors dangereux pour toutes celles et tous ceux qui se nourrissaient du sang des peuples au Burkina, en Afrique et partout dans le monde. Il croyait en l’homme et avait vite compris que la misère de nos peuples n’était pas une fatalité et qu’il fallait des hommes pour opérer le changement véritable à l’avantage du plus grand nombre.
Sankara a inscrit sa lutte contre la domination et l’humiliation des peuples d’Afrique et du monde. Cela, parce qu’il était convaincu que tous ces peuples étaient confrontés aux mêmes affres et qu’ils avaient les mêmes batailles à mener parce qu’ayant la même identité, la même conscience et la même âme et cela en dépit des diversités culturelles qu’ils connaissent.
En africaniste engagé, Sankara avait compris Patrice Emery Lumumba qui disait à la face du monde et à l’intention des peuples d’Afrique : «Malgré les frontières qui nous séparent, malgré nos différences ethniques, nous avons la même conscience, la même âme qui baigne jour et nuit dans l’angoisse, les mêmes soucis de faire de ce continent africain, un continent libre, heureux, dégagé de l’inquiétude, de la peur et de toute domination colonialiste.»
Sankara a été lâchement assassiné parce qu’il avait compris que la liberté est l’idéal pour lequel tous les hommes dignes d’envie doivent se battre. Lisons à cet effet, ce passage de Lumumba : «Je sais que la liberté est l’idéal pour lequel, de tout temps, les meilleurs parmi les hommes ont su combattre et mourir.»
Sankara savait du fond du cœur, «Ab imo pectore» comme le diraient les Grecs, que son action va se poursuivre au Burkina comme partout ailleurs car partout où la force aveugle, l’injustice, la discrimination des hommes et des femmes pour protester, pour dire non ! Nous pouvons dire avec juste raison que vingt six ans après, l’Afrique le reste du monde ont engendré des millions de Thomas Sankara.
Sankara voulait que le peuple travailleur du Burkina Faso comprenne qu’aucune démocratie véritable, qu’aucun développement durable ne saurait venir du dehors. Vingt six après la disparition tragique du Camarade ‘’Thom’ Sank’’, les masses travailleuses ont réalisé qu’on ne développe pas un peuple mais plutôt que le peuple se développe.
A l’occasion du 26è anniversaire de l’assassinat irresponsable de Thomas Sankara, l’heure est à la méditation pour tous les peules du monde. Sankara n’avait pas peur de la mort parce que poursuivant une cause juste et historique, cette cause, il faut s’en convaincre, ne meure jamais.
A cette occasion, nous disons avec le Camarade Thom’ Sank «Ceux qui osent au nom de tous, se tromperont sans doute, mais leur engagement éclairé d’une lumière toujours scintillante la vie et le destin de leur peuple.»
Camarade Thomas Sankara, à toi ces lignes de Bertold Brecht :
«Quand l’oppression se fait plus lourde,
Nombreux sont les découragés,
Mais son courage à lui augmente.
Il organise son combat.
Pour quelques sous, pour l’eau du thé,
Pour le pouvoir d’Etat.
Il demande à la propriété :
D’où viens- tu ?
Il demande à chaque idée :
Qui sers-tu ?
Il parlera.
Là où l’oppression règne et où l’on parle de destin,
Il citera des noms…»
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Frantz Fanon nous apprend : «L’expérience individuelle parce qu’elle est nationale, maillon de l’existence nationale, cesse d’être individuelle, limitée, rétrécie et peut déboucher sur la vérité de la nation du monde.»
Thomas Sankara, les peuples du Burkina, d’Afrique et du reste du monde te vengeront !
Fodé KEITA