Si le désenclavement a incontestablement eu un impact positif sur l’activité socio-économique dans la zone, la route a sa face sombre : la multiplication des accidents.
Le cercle de Diéma, dans la Région de Kayes, couvre une superficie de 12.240 km2 pour une population estimée à 244.110 habitants. Il est limité à l’est par les cercles de Kolokani et de Nara, au nord par Nioro du Sahel, au sud par Kita et à l’ouest par le cercle de Bafoulabé. La ville de Diéma se trouve à 375 km de Bamako et 265 km de Kayes.
Jusqu’au milieu des années 2000, la circonscription était très enclavée. En période des pluies, elle était parfois coupée du reste du pays à cause de l’état des routes. Cette situation a commencé à changer à partir de 2007 avec la construction de la Route Nationale 3 (Rn3) Bamako-Diéma-Nioro du Sahel, allant jusqu’en Mauritanie, et la Rn1 Bamako-Diéma-Kayes qui relie notre pays au Sénégal. Avant la réalisation de ces routes, l’activité socio-économique était peu dynamique dans le cercle. Tous les secteurs essentiels (transport, commerce, artisanat, élevage et agriculture) étaient pénalisés par l’enclavement. Les prix des denrées de première nécessité étaient de loin supérieurs aux moyennes nationales.
Avec la construction des routes, les conditions de vie des populations se sont améliorées progressivement. Mais la médaille a son revers : les accidents de la circulation sont devenus beaucoup plus fréquents. Les tronçons Diéma-Diangounté Camara, en allant à Kayes, Diéma-Torodo au niveau de Kouloudjègué, en direction de Bamako, et Koungo-Béma, sur la route de Nioro du Sahel, sont réputés être les plus accidentogènes. On les dit même hantés.
La croyance aux esprits étant fortement ancrée chez les populations de la zone comme dans d’autres parties du pays du pays, il se dit qu’un mauvais génie a élu domicile dans la zone et que chaque fois qu’il est irrité, il provoque le renversement d’un véhicule. A l’achèvement des routes, un homme des sciences occultes aurait même proposé de procéder à des sacrifices d’animaux pour chasser le démon en question. Ce qui n’a jamais été fait.
La réalité est certainement plus prosaïque. L’origine de la plupart des accidents est liée à l’homme et à l’état des véhicules. Selon des statistiques des services locaux de la Protection Civile, au premier semestre de l’année en cours, 33 accidents plus ou moins graves ont été enregistrés sur le tronçon Diéma-Bamako. Le chef de poste, le sergent Ibrahima Sanogo, est formel : 95% de ces accidents sont provoqués par le non respect du code de la route.
Le président du syndicat des transporteurs Diéma-Nioro, lui, semble peu s’émouvoir de la fréquence des accidents. Du moins, il estime que les accidents ne doivent pas faire oublier les bienfaits de la route. « Si je prends mon cas, je ne peux que dire du bien de cette route. C’est grâce à elle que j’arrive à nourrir et entretenir mes deux femmes et mes enfants. Je remercie le Tout-Puissant et je suis reconnaissant à mon Gouvernement », apprécie l’homme remettant son ticket à un passager à la gare routière.
Son collègue Sangaré du syndicat des transporteurs Diéma-Bamako acquiesce : « On ne peut parler de tous les avantages de la route. Les tarifs des transports ont chuté. Avant le bitumage de la route, le voyage jusqu’à Bamako coûtait entre 10.000 et 12.500 Fcfa. Aujourd’hui, le ticket coûte 4.000 Fcfa et le voyage se fait dans des conditions de confort. Quand on part d’ici le matin, on arrive à Bamako dans la journée et si on veut, on règle toutes ses affaires pour revenir le même jour.
Avant, le voyage était un vrai calvaire. Parfois, on pouvait passer trois jours sur la route avec toutes les souffrances du monde. En saison des pluies, il fallait attendre parfois une semaine pour trouver un véhicule en direction de Bamako. Les voyageurs embarquaient dans toutes sortes de véhicules. On entassait passagers et bagages. Avec ces multiples compagnies en circulation aujourd’hui, les passagers sont vraiment gâtés », estime notre interlocuteur.
B.S, un autre transporteur, reconnaît que si le bitume a contribué au développement du transport, le nombre des accidents de la route s’est multiplié. « Fréquemment, on apprend qu’un véhicule est tombé et que des passagers sont morts ou blessés. Quand vous avez un parent qui voyage, vous n’êtes jamais tranquille tant qu’il n’a pas téléphoné pour dire qu’il est bien arrivé à destination. Personnellement, mon père a été amputé de la jambe suite à un accident survenu entre Bamako et Diéma. Il est ainsi devenu un handicapé à vie », confie-t-il.
Du coup, le service de la Protection civile de Diéma est très sollicité. Or, ses moyens logistiques sont maigres : un seul véhicule de type Land-Cruiser et pas même une moto. Les moyens de communication adéquats font également cruellement défaut.
Dans tous les cas, l’impact de la route sur l’activité économique est indéniable. Issiakah Cissé, boucher et propriétaire d’une dibiterie, est enthousiaste : « La route a été une aubaine pour nous. Quand les passagers débarquent, ils prennent d’assaut les dibiteries. La viande de Diéma est réputée être de bonne qualité. Il y a des jours où mes recettes peuvent atteindre 30.000 Fcfa. Le dynamisme du transport profite à bien d’autres activités comme la restauration, le petit commerce, etc…. », témoigne l’homme visiblement satisfait de sa bonne fortune.