L’URSS n’est pas la FÉDÉRATION de Russie et la FÉDÉRATION de Russie non plus n’est pas l’URSS. Cette précision est de taille car elle permet aux nostalgiques de la guerre froide de faire la part des choses dans leurs élucubrations pardon leurs analyses tronquées basées uniquement sur leurs émotions. Les faits sont têtus.
La cible prioritaire de la Russie à l’instar des autres puissances capitalistes ce sont les consommateurs africains qui représentent aujourd’hui plus d’un milliard d’individus soit plus que l’Europe et l’Amérique du Nord réunies. Un immense marché sur lequel on peut écouler non seulement des produits alimentaires comme le blé, des engrais et des hydrocarbures mais aussi y exploiter des matières premières stratégiques comme le lithium et l’uranium indispensables à la modernité.
En clair, le retour des russes sur notre continent est motivé par des raisons économiques notamment leur mainmise sur les ressources minières et énergétiques nécessaires au fonctionnement de leurs industries manufacturières. Il est indéniable que la Russie dispose déjà d’importantes réserves de pétrole et de gaz naturel chez elle mais celles-ci ne sont pas inépuisables. Comme la plupart des pays occidentaux, l’économie russe dépend en grande partie de l’exploitation des ressources naturelles.
Ainsi, la Russie dans sa coopération avec les pays africains propose essentiellement des équipements sécuritaires et des moyens technologiques de surveillance ou de renseignement en échange de l’accès aux ressources minières et énergétiques pour ses entreprises.
Inversement les États africains dont la plupart des dirigeants sont contre le modèle de démocratie occidentale et qui souhaitent se maintenir au pouvoir de manière autoritaire auraient une tendance à s’intéresser à ces modèles de coopérations où la sécurité du fauteuil présidentiel est généralement bien assurée par des mercenaires russes. Le cas de la Centrafrique est un cas très intéressant pour illustrer ce dernier point.
En effet, la Russie n’avait pas de relation très particulière à l’instar de la France avec la République centrafricaine jusqu’en janvier 2017. À partir de cette date un accord de coopération militaire a été signé entre les deux pays. Après la signature de cet accord, on a assisté à une livraison d’armes et le déploiement de conseillers militaires à Bangui.
Parallèlement à cela, des entreprises russes liées à Evguéni Prigojine, un oligarque très proche du président Poutine, ont obtenu des contrats assez lucratifs dans l’exploitation minière. Ainsi, cela devient très intéressant de constater que les entreprises russes qui jusque-là avaient relativement peu de présence en Afrique sont en train de décrocher des contrats juteux au détriment des entreprises concurrentes européennes et américaines.
Rappelons que c’est seulement à partir du milieu des années 2000 en fait que la Russie a commencé à faire un retour assez timide sur le continent africain avec d’abord un voyage au Maroc et en Afrique du Sud de Poutine en 2006, puis en 2009, un voyage officiel en Angola, en Namibie et au Nigeria de Dimitri Medvedev accompagné d’une délégation de 400 hommes d’affaires russes. Lors de ce voyage d’affaire plusieurs accords économiques ont été signés dans le secteur des ressources minérales et de l’énergie nucléaire notamment.
Plus d’une trentaine de nouveaux accords de coopération militaire
Vladimir Poutine estime que si « à une époque, nous avons pu donner l’impression d’avoir perdu tout intérêt pour le continent africain, il est de notre devoir de rattraper le temps perdu. Nous avons quantité de projets et d’idées intéressants et de qualité pour développer notre coopération. La Russie [constate] sans jalousie que d’autres pays ont noué des liens en Afrique, mais elle entend bien défendre [ses] intérêts sur le continent ».
De 2017 à ce jour, on peut bien remarquer à travers le nombre d’accords de coopérations militaires existants qu’il y’a eu une accélération du retour de la Russie en Afrique subsaharienne. En effet, plus d’une trentaine de nouveaux accords de coopération militaire ont été signés depuis 2017 contre seulement sept de 2010 à 2017. Également, on peut constater dans certains pays africains le déploiement de conseillers militaires russes liés à la société militaire privée “Wagner” qui est très médiatisée ces derniers temps.
Les médias pro-russes à travers une vaste campagne d’information et de propagande apportent un grand appui à la coopération russo-africaine dont l’objectif est de renforcer ou de légitimer le rôle de la Russie en Afrique et aussi à attaquer les puissances coloniales occidentales en distillant au sein de l’opinion publique des propos fortement nationalistes et anti-impérialistes.
Il faut noter que le retour de la Russie en Afrique est enfin motivé par des enjeux géostratégiques. En effet, ce puissant pays disposant d’un droit de veto au Conseil de Sécurité de l’ONU se sent de plus en plus victime d’une certaine propension des Européens et des Américains à vouloir créer des partenariats avec ses anciens voisins de l’ex Bloc soviétique.
Plusieurs de ces pays ont déjà fait le choix d’évoluer au sein de l’UE et la Russie voit cela comme une menace pour sa survie et du coup elle cherche à se positionner en Afrique, un continent considéré comme la sphère d’influence de l’Allemagne, de la Belgique, du Royaume Uni, de la France, des États-Unis, etc.
Faudrait-il être surpris, dans les années à venir, que les entreprises russes raflent d’importants contrats au Sahel, au Zimbabwe, au Cameroun, en RD-Congo, au Soudan, en Égypte, en Libye, en Algérie, en Éthiopie ? Pas du tout ! Les Américains et leurs alliés européens vont-ils céder leur part du marché africain aux Russes et aux Chinois ? Pas du tout !
Voilà pourquoi le continent africain est en train d’être transformé en champ de bataille d’année en année entre l’Aigle américain, le Dragon chinois et l’Ours russe. Tantôt ce sont des confrontations directes tantôt des guerres par procurations. Dans tous les cas, ce sont les Africains qui sont sacrifiés sur l’autel de la défense des intérêts d’autrui. Pauvre Africain !
Sambou SISSOKO
NB : le titre et l’intertitre sont de la Rédaction.