BAMAKO - Les islamistes armés du nord du Mali multiplient les attaques: mardi, ils ont dynamité un pont près de la frontière nigérienne, au lendemain de tirs à l’arme lourde sur Gao et 10 jours après une attaque suicide meurtrière à Tombouctou. Le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), l’un des groupes islamistes armés ayant occupé le nord du Mali en 2012, a revendiqué les attaques de de lundi et mardi, menaçant de les poursuivre au Mali, mais aussi en France et en Afrique de l’Ouest.
"Tôt ce mardi, les islamistes ont dynamité un des deux petits ponts situés vers la localité de Bentia, à environ 50 km de la frontière nigérienne, faisant deux blessés civils", a déclaré Ibrahim Cissé, conseiller communal de la région de Gao dont dépend Bentia, située à une centaine de kilomètres au sud de la plus grande ville du nord du Mali. "Dans la localité malienne en question se trouvent deux petits ponts: l’objectif des islamistes était de faire sauter les deux, mais heureusement, seul l’ancien a été gravement touché", a déclaré une source policière à Gao.
Ce dynamitage survient après des tirs à l’arme lourde lundi sur Gao, qui ont blessé un soldat malien, et 10 jours après un attentat suicide à Tombouctou qui a tué deux civils et quatre kamikazes et blessé sept soldats maliens, selon Bamako. "L’évolution des derniers jours et les différents incidents sont préoccupants car même si les groupes armés qui en sont à l’origine ne sont pas sur le point de reprendre les grandes villes maliennes - ce n’est pas le
risque aujourd’hui - ils peuvent frapper ces grandes villes", a estimé Hervé Jézéquel, un expert de l’International Crisis Group (ICG).
Selon lui, "ce qui est surprenant, c’est le moment choisi pour ces attaques. On s’attendait à ce que ça reprenne avant les élections (présidentielle de juillet/août) ou entre les deux tours, mais ils n’ont pas frappé".
"Notre ennemi est la France"
"Les attaques contre les ennemis de l’islam vont continuer", a déclaré Abou Walid Sahraoui, porte-parole du Mujao, en revendiquant celles de Gao et de Bentia. "Notre ennemi est la France qui travaille avec l’armée du Mali, du Niger, du Sénégal, de la Guinée, du Togo, contre les musulmans", et "tous ces pays sont nos ennemis et nous allons les traiter comme des ennemis", a-t-il ajouté.
L’attentat de Tombouctou a été revendiqué par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), qui avait affirmé que 16 soldats maliens avaient péri. Le Mujao et Aqmi sont les deux principaux groupes armés ayant occupé pendant neuf mois en 2012 le nord du Mali, y commettant de nombreuses exactions avant une intervention armée franco-africaine, initiée par la France
en janvier et toujours en cours.
Lundi soir, Soumeylou Boubèye Maïga, ministre malien de la Défense, a tenu à "rassurer les populations qu’en coordination avec les partenaires de Serval (nom de l’opération militaire française au Mali) et de la Minusma (la force de l’ONU au Mali), notre dispositif a été renforcé". Il a invité "les populations à garder leur calme et surtout à partager les informations avec les personnels des forces armées et de sécurité".
Les actions répétées des islamistes armés sont la preuve qu’une partie d’entre eux restent actifs dans le nord du Mali, en dépit de l’intervention militaire franco-africaine pour les en chasser. Si de nombreux jihadistes ont été tués et leurs bases logistiques détruites
par les troupes françaises et africaines, en particulier dans le massif montagneux des Ifhogas (extrême nord-est), selon Paris, des poches "résiduelles" d’islamistes demeurent qui se fondent dans les populations locales et dont il est très difficile de prévenir les actions.
L’armée française, qui au plus fort de son intervention a envoyé plus de 4.000 hommes au Mali, y reste présente à hauteur d’environ 3.000 soldats, mais compte réduire son contingent à un millier d’hommes d’ici fin 2013.
Ils interviennent aux côtés de l’armée malienne en pleine recomposition après sa débâcle dans le Nord face aux groupes islamistes liés à Al-Qaïda et aux rebelles touareg, ainsi qu’en soutien à la Minusma, actuellement composée de quelque 6.000 hommes.
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