Le suicide représente un problème majeur de santé publique au Mali. De nombreuses personnes dans notre société le considèrent comme tabou et l’abordent très rarement lors des discussions. Pourtant, de plus en plus, le phénomène est monnaie courante.
Fondamentalement, le suicide se définit comme l’acte de se donner la mort volontairement. Au Mali, plus singulièrement, ce phénomène qui est vu d’un œil critique, s’amplifie de plus en plus. Pour preuve, l’on a assisté ces dernières années à des tentatives récurrentes de suicide.
Pour d’aucuns, cette situation serait due à des facteurs sociaux. Selon Adama Fomba, le suicide fait essentiellement suite à de grandes difficultés qu’une personne rencontre dans sa vie. De son avis, la plupart du temps, tous les cas de suicide sont justifiés.
Selon un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) publié en 2021, chaque année, près de 703 000 personnes se suicident et beaucoup d’autres font une tentative de suicide à travers le monde.
Par conséquent, le sociologue Amadou Traoré note que chaque suicide est une tragédie qui touche les familles, les communautés et des pays entiers et qui a des effets durables sur ceux qui restent.
De ses explications, il ressort que le suicide peut intervenir à n’importe quel moment de la vie et était la quatrième cause de mortalité chez les jeunes de 15 et 29 ans.
Pour savoir ce que la religion pense du sujet, nous nous sommes entretenus avec Sikou Sidibé un religieux. De son intervention, l’on retient que l’islam n’approuve pas le suicide dans le sens où “toute âme est précieuse, et sous aucun prétexte, l’homme ne doit s’ôter la vie encore moins l’ôter à quelqu’un d’autre”, précise-t-il.
PORTRAIT
Diarra : Une rescapée de suicide
De son propre aveu, A. Diarra une jeune de vingt ans, ne savait pas réellement les causes qui pouvaient amener une personne à vouloir mettre fin à sa vie. Par contre, quand elle est tombée dans une forte dépression, elle a cru réellement comprendre le sens du suicide.
“Je m’éloignais constamment de tous pour me poser des questions sur mes problèmes. Ensuite, je cherchais à trouver des solutions infaillibles pour y mettre fin”, se remémore-t-elle.
Il y a quelques années de cela, la jeune dame a vraisemblablement été affectée par une maladie qui a bouleversé sa vie. “Ma vie était assez amère à cause de tout ce que ma maladie me faisait endurer. J’ai même à plusieurs reprises tenté de mettre fin à la vie, car elle n’avait plus de sens pour moi. Pis, je me croyais insignifiante et je me disais que la mort était ma seule source de bonheur”, explique-t-elle.
Avec toutes ses idées néfastes, elle nous confie qu’un beau jour, elle a pris son courage à deux mains pour passer à l’acte suicidaire. “Ce jour-là, je me suis isolée dans ma chambre et comme dans les films, j’ai tenté de trancher les veines de mon poignet gauche. Et comme par un coup de magie mon frère est entré dans la pièce et a tout de suite alerté les autres membres de la famille”, confesse-t-elle.
Des informations fournies par notre interlocutrice, cet acte lui a coûté plusieurs séances d’échanges psychiatriques. Et pour finir elle affirme : “Plus jamais je n’essaierai de mettre fin à ma vie de façon volontaire. Cela, peu importe mes peines car l’on m’a fait comprendre que ma vie vaut plus que de l’or”.
DRISSA TRAORE, PSCHYCHOLOGUE
Mali Tribune : Dans la terminologie médicale, comment se définit le suicide ?
Drissa Traoré : Le suicide est l’acte de se donner volontairement la mort. Et si une personne décide de se donner la mort et qu’elle passe à l’acte avec succès, on parlera donc de cas de suicide. Le suicide dans tous les cas est intentionnel. D’autant plus que la personne concernée décide elle-même de mettre délibérément fin à son existence.
Mali Tribune : Quelles sont les principales causes de ce phénomène au Mali ?
R. : Les causes du suicide sont multiples. Parmi elles, on note des causes sociales. Par-là, il faut comprendre qu’elle peut tirer sa source des interactions sociales comme la dépression, la déception qui est le plus souvent source de la dépression. Ce sont des causes qui poussent le plus souvent au suicide dans la mesure où l’intéressé pensera constamment que sa vie n’a pas de sens. Ainsi la personne décide de se donner la mort pour pouvoir se soulager.
Il y a aussi certains troubles mentaux qui peuvent conduire l’intéressé à nourrir ces mêmes idées noires qui relèvent de la dépression sévère. Les causes de la dépression au Mali relèvent soit d’un trouble mental organique soit des problèmes sociaux persistant conduisant à des dépressions sévères.
Mali Tribune : Quel est le taux de suicide au Mali ?
R. : Je ne saurais parler du taux de suicide au Mali, car la communication autour de ce phénomène est assez complexe. Et le plus souvent, il y a des cas de suicide, les facteurs sociaux, culturels et même religieux entrainent un certain blocage. Pour vous dire que tous les cas de suicide ne sont pas dénoncés dans notre pays.
Mali Tribune : En tant que psychologue, que pouvez-vous donner comme conseil pour circonscrire le suicide au Mali ?
R. : Pour prévenir le suicide, il faut que notre population s’intéresse beaucoup plus à la santé mentale. Je dis cela parce que d’un constat général, la santé mentale est négligée au Mali. Au Mali même, on remarque de plus en plus de patients dans toutes les unités contrairement à celle de la santé mentale.
Essentiellement, les patients ne viennent en psychiatrie qu’en cas de complication. Alors que dès que les signes commencent à se révéler, il faut tout de suite aller consulter un spécialiste. Plus le diagnostic est précoce, plus les résultats sont meilleurs dans le traitement des troubles mentaux.
Et très généralement dans notre société, le début des troubles mentaux constitue une vrai discussion chacun fera son jugement. Certains traiteront le malade d’arrogant, d’idiot ou encore d’effronté. Au lieu de chercher à comprendre ce qui se cache derrière ces comportements, on préfère faire des jugements sans fondement. Or, s’il y a une chose à savoir sur le suicide, c’est qu’il n’intervient pas d’un seul coup. Et l’isolement est un grand indicateur du phénomène parmi tant d’autres. Et au moment où la personne opte pour le suicide, elle n’a aucun lien social fort avec qui que ce soit. Avec l’isolement, on rompt les liens progressivement avec les personnes qui l’entourent. J’invite donc chacun à s’intéresser à la santé mentale, car les malades qui souffrent le plus au Mali, sont ceux atteints des troubles mentaux.
Ce qui fait d’ailleurs que leur prise en charge est très problématique. Aujourd’hui, sur 100 personnes au Mali, difficilement l’on trouvera 10 personnes mentalement sereines car la santé mentale est très négligée au Mali toute chose qui constitue un sérieux danger.
MICRO-TROTTOIR
Que pensez-vous vous du suicide ?
Dans le but de savoir ce que la population pense du phénomène de suicide dans notre pays, nous avons recueilli l’avis de quelques compatriotes.
Aliou Dramé (boutiquier) :
“A mon sens, le suicide n’est pas une option idéale pour régler ses problèmes. Je crois que peu importe la gravité de notre problème et la grandeur de nos peines, Dieu nous aidera d’une manière ou d’une autre à les surmonter”.
Mariam Sidibé (informaticienne) :
“De mon point de vue, le suicide est synonyme d’irresponsabilité. On ne doit pas vouloir se suicider parce que nous sommes confrontés à des difficultés. La vie est de nature faite de hauts et de bas. Et on devrait surmonter chaque étape bonne et mauvaise. Le suicide ne doit jamais être une option”.
Mohamed Dembélé (étudiant) :
“Le suicide est un phénomène courant dans notre pays et tout le monde le sait. Mais jusque-là, les gens n’ont pas compris que cette manière de se couper du monde n’est pas une bonne chose en soi. Selon moi, les problèmes ne doivent jamais nous pousser au suicide”.