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Géopolitique au Sahel : La France, prise dans son propre piège ?
Publié le jeudi 10 aout 2023  |  Le Pelican
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Depuis un moment, on assiste en Afrique de l’ouest, en l’occurrence au Sahel, à des soulèvements contre des pouvoirs dits démocratiques (parce qu’issus des élections) mais aussi à la résurgence des coups d’Etat militaires. Au même, les masses africaines sont nombreuses à rejeter la politique hexagonale dans leurs pays. Alors que la géopolitique se reconfigure au Sahel. La France serait-elle en train d’être prise dans son propre piège ?

De prime abord, il est important de rappeler une partie de l’histoire universelle de la France. Laquelle fut, lors de la seconde guerre mondiale, annexée pendant quatre ans (1940-1944), occupée et divisée en plusieurs zones par l’Allemagne. Qui à cette époque, avait tous les moyens d’y rester aussi longtemps qu’elle voudrait pour l’exploiter économiquement. Oubliant ce pan important de sa douloureuse histoire, la France pendant près d’un siècle, occupe, domine et exploite les ressources de l’Afrique, sans se soucier des lendemains des africains.

La France entre ses années fastes et la fin de son hégémonie en Afrique !

Dans la deuxième moitié du XIXè siècle, attirée par les richesses insoupçonnées de l’Afrique, la France s’aventure dans la colonisation de celle-ci, suivant l’esprit de la Conférence de Berlin de 1885, d’où est partie l’idée du partage du continent, entre les pays vainqueurs de la guerre mondiale de 1945. Mais c’est surtout en Afrique de l’Ouest que la France trouve sa grosse part de « pitance ».

Pour ce faire, elle y implante un vaste empire colonial de 13,5 millions km² où elle étend sa présence militaire et sa domination, en vue d’exploiter sans discernement, les ressources de celui-ci. En 1850 et en dépit des résistances héroïques menées partout par d’intrépides rois guerriers, le Mali devient une colonie française sous l’appellation de Soudan-français, suivi d’une occupation progressive et totale de son territoire. C’est le début d’une longue période de politique de domination et d’exploitations économiques qui se poursuivent encore de nos jours au Mali, mais également au Bénin, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Gabon, au Niger et au Tchad, etc.

Les années 1960 marquent les indépendances de ces pays, octroyées par la France qui les considère aujourd’hui encore, comme son pré-carré, voire ses territoires où pour elle maintient sa forte présence militaire et sa domination sur l’essentiel des ressources qu’elle exploite sans se soucier de l’avenir de ces pays qu’elle occupe pour des raisons de géostratégie. La géostratégie étant, l’ensemble des stratégies militaires mises en œuvre par un pays, une puissance, afin d’établir ses rapports de force et de s’assurer la suprématie, de s’approprier des ressources d’un espace géographique (territoire, mer, air, espace), conquis.

Au cours de la période post-coloniale, la France adopte une posture de « putschiste » et un tempérament de dominateur absolu, en s’arrogeant tous les privilèges, tous les droits, en faisant et en défaisant les dirigeants africains de son pré-carré, qui ont remis ou ont tenté de remettre en cause ses intérêts géostratégiques ou encore, ont opté pour le socialisme ou le communisme. Voies contraires à sa vision impérialiste et néocolonialiste. Ainsi, tour à tour, ces dirigeants seront évincés du pouvoir avec les premiers coups d’Etat de l’ère post-coloniale. Il s’agit entre autres, de Léon Mba du Gabon en 1964, de David Dacko de la Centrafrique et de Maurice Yaméogo de la Haute Volta en 1966, de Modibo Kéïta du Mali en 1968, de Hamani Diori du Niger en 1974 et de Moktar Ould Daddah de la Mauritanie en 1978.

Ce qui permet désormais à la France de faire mains basses sur toutes les ressources naturelles (or, uranium, pétrole, bauxite, bois, etc.), dans ce vaste espace pendant près d’un siècle. L’exploitation de ces ressources a permis à la France de se hisser aux rangs des grandes puissances économiques et militaires du monde. Des décennies après, cette place de choix pour laquelle la France peut s’apercevoir qu’elle est enviée et flagornée par ses voisins européens, est aujourd’hui remise en cause dans ses anciennes colonies comme en Centrafrique, au Mali, en Guinée-Conakry et au Burkina Faso, etc.

Toutes choses qui ont permis de découvrir le vrai visage d’une France néocolonialiste, paternaliste, prédatrice et hypocrite qui aura commis l’erreur de soutenir des années durant, des dirigeants mal élus, contestés et impopulaires bien qu’elle ait toujours réclamé et imposé le modèle démocratique comme mode de gouvernance politique et institutionnelle dans tous ces pays. A partir de 2020, la jeunesse consciente, avant-gardiste et panafricaniste, se révolte contre l’ordre établi par la France.

Ainsi, partout dans le Sahel, cette jeunesse proteste pour remettre en cause, l’hégémonie française, en dénonçant ses intérêts économiques et financiers et son attitude arrogante, condescendante et méprisante. Une situation de fait, qui explique la série de coups d’Etat militaires au Mali en 2020, en Guinée-Conakry en 2021, au Burkina Faso en 2022 et le 26 juillet 2023 au Niger où depuis, un bras de fer s’est engagé entre les putschistes et les dirigeants de la CEDEAO qui exigent le retour au pouvoir, du président Mohamed Bazoum, au nom de ce qu’ils appellent démocratie.

Mais face aux nombreux soutiens des populations du pays et de ceux des pays voisins dont bénéficient ces putschistes depuis le coup d’Etat, un tel scénario n’est plus envisageable malgré la menace d’une éventuelle intervention militaire brandit par la CEDEAO contre le Niger. Auparavant au Mali, ce contexte nouveau de crise politico-institutionnelle, a amené le pays à revoir ses relations politiques et diplomatiques avec la France. Dans la foulée, le pays décide en toute souveraineté, de diversifier ses partenaires stratégiques notamment avec la Russie, la Chine et la Turquie, etc. En plus, l’attitude de la France accusant le Mali de collaborer avec la milice privée russe Wagner, intensifiera la pomme de discorde entre ces deux pays. C’est le début d’un désamour entre maliens et français.

C’est dans ce contexte que la politique française menée par un homme immature aux discours arrogants, haineux, incendiaires et cyniques, le Président Macron, est décriée, désavouée, son héritage colonial malmené partout dans les pays du Sahel. La France autrefois puissance dominante, tremble, voit ces pays se lever débout sur les remparts, réclamant leur libération et leur vraie souveraineté. Désormais, elle doit faire face à une vague irrépressible des peuples du Sahel en colère, déchaînés contre sa domination et le pillage de leurs ressources. Comme pour ne rien arranger, les autorités du Mali, du Burkina Faso et du Niger, prennent des décisions courageuses. Deux médias français, RFI et France 24, véritables instruments de la propagande au service du Quai D’Orsay, accusés de désinformation et de propos subversifs, sont suspendus. Des accords militaires sont dénoncés avec effets immédiats, relatifs notamment, aux départs des forces militaires françaises, suivis de la fermeture de leurs bases au Mali en 2022 pour les forces Barkhanes et en 2023 au Burkina pour les forces spéciales « Sabre ».

Le Niger aussi vient de leur emboîter le pas en dénonçant tous les accords de coopération militaire avec la France comme la fermeture des bases militaires françaises. C’est le pire scénario qui puisse arriver à cette France dans son pré-carré. Voilà comment la France qui a régné d’une main de fer sur tous ces pays pendant près d’un siècle, est tombée dans son propre piège. Ce qui lui a valu aujourd’hui, d’être désavouée, chassée partout avec répugnance, suite aux contestations populaires à cause de sa politique faite d’arrogance, d’orgueil, d’hypocrisie et de mensonge. En ce qui concerne le Mali où la roue de l’histoire continue de tourner avec la promulgation de la Constitution du 22 juillet 2023, consacrant l’avènement de la quatrième République sur fond de souveraineté retrouvée, toutes les prémices d’une fin de l’hégémonie française s’annoncent bien déjà.

La France dans la tourmente de la reconfiguration de la géopolitique en Afrique et au Sahel !

En 1989, les bouleversements intervenus en Allemagne et en Europe de l’Est, ont suscité l’envie d’une ère démocratique dans de nombreux pays africains où les régimes autoritaires sont légion. Pendant cette période, la plupart des anciennes colonies françaises étaient confrontées à une grave crise de la dette publique sans précédent, due aux chocs pétroliers et à la chute des cours des matières premières. En juin 1990, se tient le sommet de la Baule en présence de 37 pays africains. Il marque un tournant historique décisif dans la politique africaine de la France. Initié par le Président François Mitterand, ce sommet dans ses clauses, invite désormais les pays africains à lancer un processus de démocratisation de leurs institutions, sous peine d’être privés des soutiens financiers des pays occidentaux et des institutions de Bretton Woods, d’où la prime à la démocratie.

Les années 1990 sont celles de la chasse aux régimes dictatoriaux ou autoritaires en Afrique. Un peu partout, s’installent des régimes pseuso-démocratiques avec la complicité active de la France, parfois à la suite des révolutions des masses populaires assoiffées de liberté et de justice. Manifestement, ceux qui attendaient une révision déchirante de la politique africaine de la France telle que soutenue par le discours de la Baule, en seront très tôt déçus. L’espoir suscité par le vent de la démocratie sera donc de courte durée.

Les régimes politiques issus des premières élections dites démocratiques sont dénoncés en raison de la mauvaise gouvernance, de la corruption, de la restriction des libertés publiques et de l’injustice, toutes choses contraires aux principes de démocratie tels que soutenus par les clauses de la Baule. Les coups d’Etat des années 70 refont surface. Mais le paradoxe est que la France pour sauvegarder ses intérêts néocolonialistes, maintient ses suppôts au pouvoir. Mais c’était sans compter sur des peuples désabusés par une démocratie mal comprise et mal exercée par leurs gouvernants pendant trois décennies (1990-2020), qui décideront de prendre définitivement leurs destins en mains.

En France, l’arrivée d’Emmanuel Macron à la tête du pays en 2017, montre le vrai visage du pouvoir politique en France. Sa politique intérieure et extérieure qui manque de pragmatisme, est désavouée par une certaine classe politique et de plus en plus par ses citoyens. Depuis quelques années, des mouvements de contestations se multiplient et s’intensifient partout en France, contre la gouvernance macronnienne. Il s’agit entre autres, des manifestations des gilets jaunes en 2018 contre la hausse des prix du carburant, de celles de 2022, dénonçant les réformes de départ à la retraite et des violences urbaines de juillet 2023, suite à la mort de Nahel, un adolescent de 37 ans tué par un policier, etc. Toutes ces manifestations ont été violemment réprimées, des arrestations extra-judiciaires opérées, des libertés publiques limitées, etc. Ce qui fera dire à certaines personnalités politiques françaises, que la France est devenue une dictature. Dans les cas africains et français, n’est-on pas passé de la démocratie à la ploutocratie ?

Dans ces conditions, la France peut-elle aujourd’hui s’évertuer à donner des leçons de démocratie aux pays africains ? C’est à cause de sa politique hypocrite, irréaliste, perfide et dévastatrice qu’elle a perdu sa crédibilité sur le continent africain. Pire, pendant que la Russie et la Chine proposent à leurs partenaires africains des stratégies de développement avantageuses, basées sur une coopération dynamique, sincère et de gagnant-gagnant, le président Macron lui, fait la promotion de l’homosexualité et se verse dans des invectives et diktats à l’endroit des dirigeants africains et leurs peuples.

Toutes choses contraires aux aspirations et aux traditions de nos pays et de nos peuples. Voilà comment Macron a contribué à la déliquescence de la France surtout en Afrique où elle est désavouée, chassée, ses intérêts menacés comme au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Dans ces pays, ce sont des populations et une jeunesse consciente qui exigent de leurs dirigeants, un nouvel ordre mondial dans les relations internationales, autrement dit, un monde multipolaire où les influences hégémoniques sont cette fois-ci, partagées entre plusieurs pôles, communément appelés grandes puissances.

Ce qui, depuis quelques années, a bouleversé la géopolitique mondiale avec d’une part, la Russie et la Chine qui s’affirment et étendent leurs influences, voire leur suprématie politique et économique et d’autre part, les occidentaux (France, Allemagne, Espagne, Royaume-Uni, etc.) et les USA qui perdent de plus en plus, du terrain en Afrique, particulièrement au Sahel, où la bipolarisation du monde n’est plus d’actualité au nom d’une reconfiguration de la géopolitique mondiale. La France dans la tourmente de la reconfiguration de la géostratégie et de la géopolitique mondiales, a contribué à son effacement et à sa propre déliquescence face à des Etats africains qui réclament avec force, leur indépendance et leur souveraineté pleine et entière.

Dr. Allaye GARANGO, enseignant chercheur – Ensup /Bamako (Mali)

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