À cause d’une corruption à grande échelle, la perte de confiance s’installe entre gouvernés et gouvernants de nature à saper les fondements du système démocratique.
La situation du pays est très difficile et complexe à tous les niveaux. Surtout sur le plan économique et le reste ne peut que suivre. Le clientélisme politico-ethnique, facilité par le fanatisme et la corruption, fait que l’intérêt national et l’avenir du pays ne préoccupent personne. Chaque personnalité politique tend absolument à se servir et à servir son clan ou les intérêts des siens. Cela se voit et se sent à travers les différents débats officieux en dehors des institutions.
Argent de l’État, argent privé, la distinction est souvent ardue, la frontière floue, la définition hasardeuse. Dans les deux (02) cas, il existe, peu ou prou, une fâcheuse confusion entre les deux (02) domaines. Beaucoup de services ont vu le jour en vue d’assainir les finances publiques pour freiner le gaspillage et le détournement des fonds: un régisseur, un agent comptable, le comptable matière, le contrôleur financier, le Directeur des finances et du matériel (DFM), le questeur. Toutes ces notions de comptabilité seraient très récentes.
Dans les pays africains, le détournement de l’argent public n’est pas l’exception, mais plutôt la règle. Bien sûr, des différences de modalités. Pour quelles raisons ? Faiblesse de l’État, absence de sentiment national, précarité des régimes politiques constituent les trois (03) explications.
Faiblesse de l’État
Nombre de pays africains indépendants n’ont guère une tradition étatique. La réalité du pouvoir est entre les mains des princes du jour. Les finances publiques et celles des princes se confondent largement.
Absence de sentiment national
Dans beaucoup de pays au monde, la référence identitaire n’est pas la nation, mais le clan, la tribu, la phratrie au sens large. On ne se sent guère de devoir envers un Etat qui demeure une entité parfaitement abstraite.
La solidarité financière ne s’exerce donc, bien souvent que dans ces cadres. Et quand on compare les mérites des hommes politiques sur le terrain, la sympathie des militants vont vers celui qui a beaucoup fait pour sa localité alors qu’ils sont corrompus. La concussion, des détournements directs ou indirects de fonds publics ne sont pas ressentis comme une transgression dans la mesure où ils alimentent une sorte de système de redistribution sociale. Le vrai péché, c’est de trahir son clan, sa tribu, sa famille.
Précarité des régimes politiques
La précarité des régimes politiques accélère les phénomènes de corruption. Il faut se prémunir pour l’avenir, se garantir contre les coups du sort.
S’agissant de la corruption dans l’armée malienne, le colonel Heluin a déclaré: «il est difficile de l’évaluer précisément, mais la corruption est évidente». En 2006, les Maliens ont commandé 800 pick-up. Aujourd’hui, il n’en reste quasiment aucun. Une partie a été volée, certains cadres ont récupéré les moteurs neufs. C’est la gestion de la misère. Et l’exemple n’est pas donné par le haut. Le clientélisme est le mode de promotion. Après son coup d’État du 22 mars 2012, le capitaine Sanogo a limogé soixante-deux (62) généraux et il en restait quarante-deux (42). Il y avait donc cent quatre (104) généraux pour une armée de 20 000 soldats.
À titre de comparaison, «la France compte cent cinquante (150) généraux pour un effectif de l’armée de terre de 120 000 hommes». La réduction du train de vie de l’État reste la seule alternative crédible en vue d’une discipline budgétaire rigoureuse. Aujourd’hui, c’est le dossier de l’achat de l’équipement militaire pour un coût total de 1 230 milliards de nos francs qui défraie la chronique. Il tarde à connaître son épilogue à la justice.
Amy SANOGO