Quelles peuvent être les conséquences de la situation politique au Niger sur la sécurité au Sahel de façon générale ? Avec cette nouvelle donne, quel est l’avenir de la présence militaire française au Sahel ? Pourquoi la Cedeao est autant décriée par les populations de ses pays membres ?
En cas d’intervention militaire pour rétablir le président Mohamed Bazoum, ne va-t-on pas assister à une guerre par procuration entre puissances sur le sol nigérien ? Voilà autant de questions sur demandé, Pr Fousseyni Doumbia, de droit constitutionnel à l’Université des sciences juridiques et politiques de Bamako porte son regard
Pour l’enseignant-chercheur, la situation politique au Niger n’est pas sans conséquences majeures sur les conditions sécuritaires déjà très préoccupantes au Sahel. Pr Fousseyni Doumbia pense que cette situation serait à même de cristalliser les violations des droits de l’Homme, d’augmenter l’insécurité, l’instabilité politique et sociale dans la région. Pour lui, si tous les pays du Sahel sont relativement touchés par le phénomène de l’insécurité, le cas du Niger reste encore beaucoup plus inquiétant dans un contexte de menace d’intervention militaire de la Cedeao dans ce pays.
Le Pr Doumbia soutient que les pays du Sahel auront plus à gagner en mettant l’accent sur les conditions d’endogénéisation de leur sécurité et de leur défense que de compter sur les militaires autorisés ou russes. D’après lui, cette intervention ouest-africaine, le cas échéant, provoquerait un coup sûr des violations massives des droits de l’Homme. Aussi, elle aura un impact sur le vivre ensemble entre les peuples ouest-africains et susciterait des pratiques xénophobes au sein des populations.
Parlant de l’avenir de la présence militaire française au Sahel, le professeur de droit constitutionnel pense que les accords de défense ont atteint leurs limites. Selon le Pr Fousseyni Doumbia, les conditions d’endogénisation des alternatives de sortie de crise demeurent des stratégies ultimes pour les États du Sahel pour garantir de manière effective leur souveraineté en matière de défense et de sécurité.
Pour ce faire, il estime qu’une volonté commune et responsable des dirigeants du Sahel est utile pour activer leurs stratégies en misant sur leurs propres efforts. D’après lui, certes, il existe des initiatives d’ordre endogène pour parvenir à cette fin. Toutefois, il soutient que celles-ci génèrent un enracinement des instruments existants dans le domaine de la sécurité et de la défense et un autofinancement conséquent pour l’opérationnalisation de stratégies.
PERTE DE CRÉDIBILITÉ- Pour l’enseignant-chercheur, la Cedeao a beaucoup perdu de vue dans le traitement des dossiers des coups d’État au Mali, en Guinée et au Burkina Faso. La Cedeao, estime-t-il, est en train de jouer ce qui lui reste de récupéré dans le traitement du dossier nigérien. Convaincu que la démocratie doit être restaurée au Niger, il prévient que dans l’hypothèse d’un échec, les officiers d’autres pays tenteront le même jeu pour précipiter le départ des présidents démocratiquement élus.
Toutefois, il souligne que l’option privilégiée doit être le dialogue diplomatique et les sanctions et non celle qui préconise les interventions militaires qui ne seront pas sans conséquences sur l’avenir du Sahel, l’intégrité physique du président Bazoum et celle des populations du Niger, du Mali et du Burkina Faso.
L’expert sur les questions de gouvernance rappelle que la Cedeao est en bon terme avec certaines puissances qui impliquent les principes de la démocratie et de l’Etat de droit. Lesquelles s’arrogent des droits et des devoirs d’ingérence dans les affaires intérieures des États qu’elles assistent surtout quand la démocratie s’y trouve en danger nonobstant la survenance de quelques comportements ambigus dans le traitement de certains dossiers africains. à ce sujet, Pr Fousseyni Doumbia fait remarquer qu’on ne peut pas soutenir les changements anti-constitutionnels dans un État et les condamner dans un autre. Il assure que cela affectera leur crédit à l’égard de l’opinion africaine.
Ce n’est pas le cas de la Russie et de la Chine qui ne se mêlent pas de la politique intérieure des États. Mais elles apportent leur soutien à des régimes et s’invitent dans les pays pour sauvegarder des intérêts géostratégiques comme toutes autres puissances.
De toutes les façons, l’enseignant-chercheur assure que les peuples du Sahel aspirent à vivre en démocratie et dans le respect de l’état de droit. Ces valeurs doivent être restaurées lorsqu’elles se trouvent en danger, soulignent notre interlocuteur pour qui, les partenaires doivent aussi être respectueux des intérêts des peuples et non des foules ou des individus.